"L'avenir spatial de l’humanité est devant nous !"

Atlantico : Youri Gagarine est un soldat de la guerre froide, pilote de l’armée de l’air soviétique et un héros de la conquête spatiale. Est-il légitime de le célébrer à l’Ouest ?

Alain Dupas : Youri Gagarine était un jeune pilote assez peu expérimenté mais avec un bon profil sociologique. Il s’agissait quand même d'une compétition entre Soviétiques et Américains : une compétition idéologique. Il fallait donc que ce soit un fils d’ouvrier, de paysan, et qui avait eu une carrière exemplaire. Par ailleurs, le personnage était charismatique.

C’était la première fois que l’homme accomplissait un tel exploit. A-t-il eu peur ?

Pas plus Gagarine que les astronautes américains n'ont eu particulièrement peur, car ils étaient sur entraînés. Mais il fut le premier à franchir cette étape impressionnante d’être assis sur une fusée de plusieurs dizaines de tonnes, remplie de carburant.

Gagarine en Suède en 1964

Avait-il été préparé à devenir le héros de l’Union soviétique ?

Je ne pense pas qu’il ait ressenti ce poids là avant le vol, mais après, il est devenu l’ambassadeur de l’Union soviétique dans le monde entier. Souriant et détendu, il était un personnage très politique. S'il était entraîné à la conquête spatiale, rien n'a le préparé à devenir la personnalité médiatique qu’il est devenu ?

Qu’est-il devenu après son vol ?

Pendant plusieurs années, il a été un ambassadeur itinérant de l’Union soviétique, considérée comme en retard sur le plan scientifique et culturel. Mais avec ce vol, Gagarine et l’URSS se sont retrouvés au premier plan. Devenu un héros, il a parcouru son pays et le monde. Il a ainsi été reçu à Paris en 1963… Il a ensuite repris l’entrainement pour repartir dans l’espace, et s’est même entraîné pour accomplir un survol de la Lune en 1968. Malheureusement, il s’est tué au cours d’un vol d’entrainement à bord d’un avion, bien jeune. Ses funérailles furent nationales et même mondiales, alors que les Etats-Unis étaient en train de dépasser l’URSS avec la conquête de la Lune.

50 ans après Gagarine, fait-on aussi bien ?

On fait infiniment mieux. On décolle, on va en orbite et on revient. La Station spatiale internationale (ISS) est gigantesque, avec 6 personnes à bord en permanence et des laboratoires performants. On la voit même à l'oeil nu. Mais il faut maintenant penser au 50 années qui viennent. Dans mon livre Demain, nous vivrons tous dans l’espace(Robert Laffont, 2011), j’imagine le commencement d'une nouvelle ère, où les entrepreneurs privés participent désormais à la conquête de l'espace. La grande expansion de l’espèce humaine dans l’espace est en cours.

Malgré la fin des navettes, quel est l'avenir de la conquête spatiale ?

Les vols spatiaux qui sont en cours de programmation grâce à des entrepreneurs privés sont prometteurs. La technologie n’arrête pas de progresser, les pays sont bien plus riches qu’en 1961 et capables de financer des programmes bien plus ambitieux.

Le retour sur la Lune n’est pas annoncé avant 20 ans. Pour Mars, on évoque 50 ans...

Il y aura autant de différence entre ce que l’on fera sur la Lune dans 15 ans, qu’il y a de différence entre la Station spatiale internationale et le premier vol de Gagarine ! On ira sur la Lune pour y rester et y implanter une base permanente, pour exploiter des ressources extraterrestres, avant de partir pour Mars. Il faut développer les moyens de propulsion nouveaux, de recylclage des fluides et de carburant, de production de ressources alimentaires… L'avenir de l’humanité dans l’espace est devant nous !