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Pourquoi la mise en examen de Stéphane Richard ne préjuge en rien l'avenir judiciaire de l'affaire Tapie
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Mise au point

L'ancien directeur de cabinet de Christine Lagarde et actuel PDG d'Orange Stéphane Richard a été mis en examen pour fraude en bande organisée dans le cadre de l'affaire Tapie. Analyse juridique de ce nouveau rebondissement.

Marie-Anne Frison-Roche

Marie-Anne Frison-Roche

Marie-Anne Frison-Roche est professeur de droit économique à Sciences Po Paris et spécialiste du droit de la régulation.

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Atlantico : Stéphane Richard a été mis en examen mercredi pour « escroquerie en bande organisée », en partie à cause de ses propos contradictoires avec ceux de M. Rocchi. Sur le plan judiciaire, où en est-il, quelles sont ses perspectives ?

Anne-Marie Frison-Roche : La mise en examen est souvent soumise à un effet de loupe hypertrophié, car elle ne fait que déclencher des mesures d’instruction et un accès aux dossiers des personnes intéressées. On ne peut pas en dire beaucoup plus.

La société se montre confiante, communiquant sur le fait qu’il n’est pas question que Stéphane Richard quitte la direction d’Orange. Arnaud Montebourg exige au contraire qu’il s’en aille. Pourra-t-il garder son poste ?

En droit des sociétés, en fonction des événements le conseil d’administration peut se réunir. C’est d’ailleurs le cas de celui d’Orange, qui va se réunir en début de semaine prochaine. Les syndicats peuvent également faire connaître leur position (ce qu’ils ont fait). Les administrateurs, en vertu de leur droit d’information, vont sans doute demander au président un complément, au titre des droits des sociétés. Il expliquera sa situation aux administrateurs, dans la mesure où il le peut et en raison de ce qu’il sait, et en quoi cela concerne la société – c’est-à-dire en rien, puisqu’il n’y a, et il n’y aura jamais aucun rapport entre Orange et les faits qui sont pour le moment l’objet de l’information judiciaire.

Suite à cela un vote peut intervenir. Les votes des administrateurs sont proportionnels à la détention du capital. La société est privée, et l’Etat est minoritaire avec 27% du capital social. Quelle que soit l’orientation de son vote, celui-ci reste minoritaire. En toute hypothèse, l’exécutif ne peut en rien donner un ordre à un président de société privée, ni de l’extérieur ni de l’intérieur. Si les circonstances sont telles que lors du conseil d’administration il perd la confiance des administrateurs, et donc que les droits de vote représentatifs du capital s’expriment majoritairement dans le sens de la défiance, alors c’est dans l’application ordinaire du Droit des sociétés qu’il sera mis en difficultés. Ce n’est en tout cas sûrement pas par le jeu de la procédure pénale. La mise en examen est un fait, et non un acte juridique dont on devrait automatiquement tirer des conséquences juridiques.

L’exemple le plus analogue est celui de Louis Schweitzer, anciennement président de Renault, qui a été mis en examen pour des faits remontant à l’époque où il était directeur de cabinet de Laurent Fabius, alors premier ministre, pour l’affaire du sang contaminé. Il a été mis en examen devant la Cour de justice de la République pour complicité d’empoisonnement. A l’époque, personne n’a songé à lui demander de démissionner de son poste de président de Renault, car il n’y avait aucun rapport entre le fait de diriger un fabricant de voitures et un cabinet ministériel. Si l’on revient aux faits qui nous occupent aujourd’hui, nous constatons que la personne qui dirigeait le cabinet de la ministre de l’économie et de finances dirige actuellement un vendeur de services téléphoniques. En droit, la réponse est donc extrêmement claire.

Le rôle de l’Elysée dans les faits en question reste confus, livré à des déclarations contradictoires des mis en examen. Dans quelle mesure les événements actuels peuvent-il mener à Nicolas Sarkozy ?

En tant que juristes, nous nous attachons à ce que seuls les faits avérés soient pris en compte, que la présomption d’innocence et les droits de la défense soient respectés. On ne se fonde jamais sur des supputations. Il faut s’efforcer de lutter contre les dérives. Une sorte de pratique s’est imposée, selon laquelle les ministres mis en examen devraient démissionner, au simple prétexte que « ce serait mieux ».Ségolène Royal, mise en examen pour diffamation, n’a pas démissionné. Tout d’abord parce qu’on peut être mis en examen pour énormément de chose, et de plus parce qu’il s’agit d’un statut protecteur de la personne concernée. Ce n’est en rien un statut infamant ; c’est d’ailleurs pour cela que l’on a ôté du vocabulaire le mot « inculpation », selon la volonté de M. Badinter. Il ne faut donc surtout pas démissionner de manière automatique et se résigner à ce que des vies soient ainsi détruites. Ou alors disons tout de suite que nous vivons dans un pays dans lequel la présomption d’innocence ne vaut plus rien. En ce cas la procédure pénale perd son sens, car elle n’en a justement que grâce à la présomption d’innocence.

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