Recette miracle ? Comment la Banque postale s’est (ré)inventée en seulement 7 ans<!-- --> | Atlantico.fr
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Quelques années après son lancement, la Banque postale compterait selon Capital.fr presque autant de clients que la Société générale, le Crédit du Nord et Boursorama.
Quelques années après son lancement, la Banque postale compterait selon Capital.fr presque autant de clients que la Société générale, le Crédit du Nord et Boursorama.
©Reuters

Comme une lettre à la poste

La Poste prévoit une nouvelle injection de capital pour sa filiale bancaire, la Banque postale. Sept ans après son lancement, la Banque postale compterait près de 10,6 millions de clients actifs. Analyse d'un succès.

Laurence Scialom

Laurence Scialom

Laurence Scialom est Professeure à l'Université Paris Ouest Nanterre la Défense, Membre du laboratoire EconomiX, auteur de l'ouvrage Economie bancaire, Repères, la Découverte, 2013

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Atlantico : Quelques années après son lancement, la Banque postale compterait selon Capital.fr presque autant de clients que la Société générale, le Crédit du Nord et Boursorama. Comment expliquer un succès si manifeste et si rapide de la Banque postale ?Quelle a été sa stratégie en ce sens ?   

Laurence Scialom: Je pense qu’il y a plusieurs raisons à cela. Il y a déjà un réseau très bien distribué sur le territoire et associé comme son nom l’indique au réseau des postes. Cette situation crée une proximité évidente avec le client. C’est d’autant plus important que le centrage sur l’activité banque de détail répond à une attente des clients citoyens. C’est typiquement ce type de banques qui est en mesure de faire le contrepoids de la relative défiance qu’il peut y avoir vis-à-vis du monde bancaire. On reste là en effet dans des activités de banque traditionnelles avec en plus de cela la prise en charge de manière assez proactive des populations fragiles et des initiatives intéressantes dans ce domaine.

Je pense que cela correspond à des besoins en termes d’épargne et de financement. Ce sont les besoins du moment, loin de l’image qu’a renvoyée la finance au moment de la crise financière. Il n’y a donc pas lieu de s’en étonner : la Banque postale est née en 2006, la crise éclate en 2007 et devient très forte en 2008. Face à ces évènements, elle apparaît comme une banque sûre, proche de ses clients, avec un réseau important.

Justement, quelle est la différence principale entre la Banque postale et ses concurrents ?

La première différence se fait en termes d’image. C’est l’idée d’une banque adossée à un service public. Le cœur de ses activités est d’ailleurs un service bancaire du public comme la gestion des moyens de paiement ou l’épargne avec des comptes sur livret –donc une épargne très sécurisée. La Banque postale s’implique de plus en plus dans le financement des ménages et le financement immobilier. Elle apparaît comme une banque qui accompagne véritablement les clients de détail. Je pense que c’est pour beaucoup une histoire de réseau, d’image et de défiance relative vis-à-vis des autres types de banques. Ce qui joue en effet beaucoup dans le succès de la Banque postale c’est d’ailleurs le moment de sa fondation – juste un an avant le début de la crise - qui n’est pas neutre dans son succès.

Je pense que la stratégie s’est fondée là-dessus. Ils se substituent d’ailleurs d’une certaine manière à la place laissée par Dexia avec la Caisse des dépôts pour financer les collectivités locales. Ce financement des collectivités locales est un vrai soutien à l’économie, enraciné localement. À la fois en termes d’image et en termes d’enracinement dans les territoires, c’est donc une banque qui comble une véritable attente et n’est pas victime de la défiance assez forte du public vis-à-vis du système bancaire.

On sait que la Banque postale permet d’ouvrir assez facilement un compte, ce qui d’ailleurs est à l’origine de sa réputation de « banque du pauvre ». Qu’en est-il vraiment ?

Ce qui est sûr c’est qu’il y a effectivement des initiatives faites à destination des populations les plus fragiles, initiatives contre l’exclusion bancaire. Cela est aussi très lié au fait que pendant longtemps les livrets A ont été un vrai moyen de gérer le quotidien pour les gens qui ont un faible pouvoir d’achat et donc une très faible épargne. La Banque postale surfe donc sur cette stratégie de banque de détails, ancrée dans le local et qui n’exclut personne.

Ce modèle est-il durable ?

Oui je le pense. Un élément important est d’ailleurs que les gens perçoivent directement la garantie de l’Etat. Elle apparait ainsi comme une banque solide parce que l’Etat est derrière. N’oublions pas en effet que le cœur de la banque c’est d’abord la confiance. Dans le contexte actuel, cette variable-là -qui n’est pas purement économique, compte beaucoup. La communication de la Banque postale soutient d’ailleurs cela. Elle n’a donc pas forcément vocation à devenir un monstre comme BNP Paribas.

Que nous enseigne ce succès sur le monde de la banque ?

Cela peut nous renseigner sur le fait que la banque « ennuyeuse » - telle que l’appellent les banquiers, c’est-à-dire la banque de détail, un peu moins excitante et avec une rentabilité beaucoup plus stable, peut avoir de l’avenir. Cela correspond à un modèle de banque n’étant pas engagée dans toutes les activités financières excessivement complexes, fonctionnant bien et finançant véritablement l’économie. Ce type de modèle bancaire, aux antipodes des évolutions que l’on a connu dans les années 1990-2000, de constitution de méga-banques internationalisées et ayant des filiales un peu partout fonctionne donc bien. Ce modèle est peut-être aussi utile sinon plus que celui des très grandes banques ayant des activités en dehors de leur cœur de métier de la banque de détail.

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