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L'Allemagne face à l'immigration 
et l'Islam
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Politique d'Outre-Rhin

Alors que la référence au modèle allemand devient un gimmick politique français tout-terrain, comment sont donc gérés les flux migratoires et les enjeux politiques qu'ils suscitent Outre-Rhin ?

Cécile Prat-Erkert

Cécile Prat-Erkert

Cécile Prat-Erkert enseigne la civilisation allemande à l’Université de Valenciennes.

Elle a récemment coédité Les enjeux démographiques en France et en Allemagne, réalités et conséquences (Septentrion, 2011).  

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Ces derniers temps, l’Allemagne est de plus en plus citée en exemple par la France. Claude Guéant ne déroge pas à la règle, qui laisse entendre dans son interview au Figaro que l’Allemagne (et le Royaume-Uni) mènent une politique d’asile plus restrictive que la France.

Immigration : les différences entre la France et l'Allemagne

Au premier regard, la France est effectivement le deuxième pays occidental derrière les Etats-Unis pour le nombre de demandes d’asile reçues : 47 800 en 2010 contre 41 300 pour la RFA, qui arrive 3ème.[1] Mais le nombre de demandes reçues ne préjuge pas de la politique d’accueil des demandeurs. Les décisions rendues en Allemagne ont été positives dans 23% des cas contre seulement 13% en France, et si 10 445 personnes ont obtenu un droit de séjour au titre de l’asile en RFA, elles n’étaient que 5 115 en France.[2] De plus, l’Allemagne se distingue par l’octroi systématique d’un titre de séjour, d’un logement et d’allocations à ses demandeurs d’asile, y compris déboutés au terme de la procédure, ce qui lui épargne un phénomène massif de sans-papiers.

En revanche, il est exact que l’Allemagne bénéficie plus que la France du dispositif européen dit de Dublin, qui veut qu’un Etat puisse renvoyer un demandeur d’asile dans le pays de l’UE par lequel il est entré pour que sa demande y soit traitée. Ces dernières années, le discours politique allemand est resté relativement dur quant à l’asile, tant on craint que l’affichage du moindre assouplissement n’entraîne un retour aux records d’arrivées des années 1990.[3]

L'évolution de l'Allemagne en matière d'immigration légale

A l’inverse, c’est à un véritable changement de paradigme que l’on a assisté dans les autres domaines de la politique d’immigration légale. Le changement a été impulsé par Gerhard Schröder dès son premier mandat, en 1998, et poursuivi depuis par les gouvernements Merkel. Le pays a admis avoir à nouveau besoin d’immigration en raison de son évolution démographique (chute de la natalité, vieillissement, manque de main d’œuvre dans certains secteurs).

Les mesures adoptées ont alors suivi une double voie : favoriser les arrivées de migrants qualifiés ou hautement qualifiés, d’une part ; conditionner les arrivées des autres migrants (familiaux en particulier) à leurs possibilités d’intégration. On a ainsi par exemple créé des titres de séjour spéciaux pour migrants qualifiés ou facilité le séjour d’étudiants étrangers ; on a également introduit l’obligation de passer des tests de langue avant l’arrivée en Allemagne, l’obligation de suivre des cours d’intégration une fois arrivés et un nouveau test de civilisation allemande pour les candidats à la naturalisation.

L'islam au cœur du débat public

L’Allemagne n’est cependant pas exempte des contradictions traversées par la France et les autres pays européens, notamment sur l’islam. Le gouvernement a mis en place en 2006 une instance de dialogue, la Conférence allemande sur l’Islam, des cursus de formation d’imams ont été ouverts dans plusieurs universités et le président de la République Christian Wulff a récemment déclaré que l’islam faisait partie de l’Allemagne.[4]

Cela n’a pas empêché le débat à tonalité populiste autour d’un ouvrage de Thilo Sarrazin, avertissant du déclin annoncé de l’Allemagne en raison du nombre trop élevé d’immigrés musulmans présents sur son sol.[5] Au même moment, Angela Merkel n’a pas contribué à pacifier les esprits en déclarant que le modèle Multikulti avait échoué.[6]

De même, dans le domaine de l’immigration de travail, le discours public est focalisé sur les travailleurs qualifiés, alors que le recours et les besoins sont au moins aussi grands concernant les travailleurs peu ou pas qualifiés. Plus largement, l’Allemagne est prise entre ses propres débats et une dimension européenne de plus en plus prononcée des politiques d’asile et d’immigration, qui réduisent d’autant sa marge de manœuvre.    



[1] Respectivement 42 100 et 27 000 demandes en 2009. Le Royaume-Uni se classe 6ème. Source : UNHCR.

[2] Source : Eurostat.

[3] Plus de 430 000 demandes en 1992. Source : Bundesamt für Migration und Flüchtlinge, www.bamf.de

[4]Der Islam gehört zu Deutschland. discours de Christian Wulff à l’occasion des 20 ans de la Réunification, 03.10.2010. 

[5] Thilo Sarrazin, Deutschland schafft sich ab/ L’Allemagne va à sa perte.

[6] Discours d’Angela Merkel lors du congrès de la jeunesse de son parti, la CDU, le 16.10.2010.

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