A côté de la plaque : pourquoi tous les codes de bonne conduite du monde ne tueront pas la mère de tous les vices en entreprise, le court-termisme<!-- --> | Atlantico.fr
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Un dirigeant qui zappe d’entreprises en entreprises sans jamais remporter de succès n'est pas vraiment pénalisé en France.
Un dirigeant qui zappe d’entreprises en entreprises sans jamais remporter de succès n'est pas vraiment pénalisé en France.
©Reuters

Solutions ?

Alors que Pierre Moscovici a décidé de ne pas légiférer sur les salaires des patrons, le gouvernement aurait pourtant dû favoriser une logique à long terme pour nos entreprises, en graduant le taux d’imposition pour la rémunération des dirigeants sur leur durée dans l’entreprise, et selon le vote des actionnaires.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Le choix révélé par Pierre Moscovici de ne pas légiférer sur la rémunération des dirigeants d’entreprise est bien dommageable : il nous a privés d’un débat utile sur l’avenir des entreprises elles-mêmes.

Faisons d’abord un sort au principe d’un gouvernement légiférant sur le salaire des patrons, quand il est incapable d’imposer des règles de transparence à ses parlementaires. Cette ambition-là est non seulement illusoire mais démagogique. De ce point de vue, l’option finale retenue par le ministre des Finances est de bon sens : elle épargne à la majorité présidentielle un nouveau motif de Hollande-bashing.

Maintenant, faut-il se satisfaire d’un renvoi discret au fameux code de bonne conduite AFEP-MEDEF sur la rémunération des dirigeants? Ce recours à une soft law qui apparaît comme un pis-aller ou une pure prestidigitation, un enterrement de première classe au fond, épuise-t-il totalement un sujet crucial pour nos entreprises?

En réalité, chacun sait que les entreprises françaises souffrent d’un problème maintes fois épinglé durant la crise de 2008 et ses conséquences : le défaut de compliance comme disent les Anglais. Autrement dit, les entreprises françaises peinent à reconnaître à des acteurs internes ou externes le droit de contrôler l’application effective des règles auxquelles elles sont soumises, en particulier des règles qu’elles se choisissent sans intervention du législateur. 

Ce manque de compliance, qui n’est d’ailleurs pas propre aux entreprises françaises, pose un vrai problème pour tout ce qui touche aux codes de bonne conduite et autres fadaises inventées pour occuper l’opinion publique : les règles restent trop souvent lettre morte et se limitent au rôle d’opérations de communication.

Dans la pratique, le sujet majeur de la rémunération des dirigeants - et c’est précisément ce débat-là qui méritait d’être évoqué et construit - ne tient pas à son montant dans l’absolu, mais à sa déconnection avec les résultats à long terme de l’entreprise. L’affaire des rémunérations chez Generali le montre une fois de plus : combien de dirigeants ne partent-ils pas avec des golden parachutes au bout de quelques mois de prestation désastreuse à la tête des entreprises? Et combien n’arrivent-ils pas avec un cadeau de bienvenue : un chèque de plusieurs millions d’euros supposé les remercier d’accepter une charge lourde, dont l’opportunité laisse songeur?

Le bon sens consisterait aujourd’hui à demander aux actionnaires de choisir la rémunération des dirigeants, en y intégrant des critères de réussite dans la durée. Il serait assez légitime qu’un dirigeant qui zappe d’entreprises en entreprises sans jamais remporter de succès dans le temps soit pénalisé, là où les dirigeants fidèles, qui bâtissent dans la durée, devraient percevoir de véritables primes dont le succès éprouvé consolide la légitimité.

Au demeurant, cette formule présenterait l’avantage d’instaurer une véritable symétrie avec le principe du contrat unique tant souhaité dans certains milieux patronaux pour les salariés. Ce contrat vise généralement à lier les droits du salarié à son ancienneté dans l’entreprise.

De façon symétrique, il serait tout à fait normal que les dirigeants d’entreprise qui réussissent dans la durée voient leur fidélité et leur constance récompensée par des avantages financiers, pendant que les flibustiers et autres mercenaires paient le prix de leur volatilité.

On aurait apprécié qu’au lieu de baisser pavillon en haute mer sur cette délicate question, le gouvernement favorise une logique à long terme pour nos entreprises, en graduant le taux d’imposition pour la rémunération des dirigeants sur leur durée dans l’entreprise, et selon le vote des actionnaires. Une fois n’est pas coutume, l’exonération fiscale aurait ici acquis une dimension de justice qui aurait coïncidé avec l’intérêt général.

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