La mort de Mauroy tourne-t-elle définitivement la page d'une certaine gauche ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Pierre Mauroy est mort à l'âge de 84 ans vendredi.
Pierre Mauroy est mort à l'âge de 84 ans vendredi.
©Reuters

Disparition

Pierre Mauroy est mort ce vendredi matin à 84 ans. Premier ministre socialiste de la Ve République, il était le dernier témoin de cette génération de personnalités de gauche à sensibilité prolétarienne.

Jean-François Kahn

Jean-François Kahn

Jean-François Kahn est un journaliste et essayiste.

Il a été le créateur et directeur de l'hebdomadaire Marianne.

Il a apporté son soutien à François Bayrou pour la présidentielle de 2007 et 2012.

Il est l'auteur de La catastrophe du 6 mai 2012.

 

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Atlantico : Premier ministre de François Mitterrand après la victoire de mai 1981, figure tutélaire de la gauche socialiste, Pierre Mauroy s'est éteint ce vendredi. Qu’est ce qui fait dire à Laurent Fabius que « Pierre Mauroy avait le socialisme chevillé au corps » ? Le décès de Pierre Mauroy symbolise-t-il la mort d’une certaine Gauche ? Laquelle ?

Jean-François Kahn : Pierre Mauroy a été jeune socialiste à 15 ou 16 ans, il est mort socialise à 84 ans : cette expression s’associe parfaitement à ce qu’était Pierre Mauroy. C’est une page qui se tourne, une époque qui se termine pour la gauche. Pierre Mauroy avait une conscience ouvrière que l’on ne retrouve plus aujourd’hui au PS. Bien qu’il ait fait de la politique toute sa vie, il n’était pas un professionnel de la politique comme les politiques le sont maintenant. Il avait les pieds dans la glaise, les pieds dans les corons. De plus il avait un rapport singulier avec les entreprises avec les ouvriers : il était des leurs. Il avait dans son engagement quelque chose d’authentique, de généreux. Il a réussi à faire une carrière politique très longue tout en restant un homme de sa région, de sa ville, de son peuple, si j’ose dire. C’est incontestablement une époque disparue.

Lorsque Lionel Jospin a essuyé une cuisante défaite aux présidentielles de 2002, Pierre Mauroy avait dit « on ne parle plus des ouvriers ». Il déplorait cette gauche qui avait tiré un trait sur la classe ouvrière et qui se préoccupait désormais  plus que des classes moyennes, des bobos. Il était effaré de cette « boboisation » de la gauche. Cette gauche qui privilégiait désormais la lutte des sans-papiers, le féminisme et le droit des homosexuels. Il avait eu ce cri du cœur « les ouvriers vous savez que à existe encore ?». Il était le dernier témoin de cette génération de personnalités de gauche à sensibilité prolétarienne.

C’est la fin de la gauche authentique, une gauche de terroir , « une gauche de la bière » si j’ose dire. Son ascension dans les rangs socialistes date des années 1950 et correspond à une période où la classe ouvrière représentait encore 40% de la population française.

Quelles sont les idées et les convictions défendus par Pierre Mauroy que le PS n’incarne plus désormais? Le socialisme prôné par Pierre Mauroy a-t-il disparu avec le tournant de la rigueur qui l’a conduit à la démission en 1984 ? Que reste-t-il du programme commun mis en place par Pierre Mauroy aujourd’hui ?

Jean-François Kahn : C’est difficile à dire car les situations ne sont plus comparables. Il est évident que le PS s’est « droitisé ». Pierre Mauroy représentait une tradition social-démocrate (au sens classique) ouvrière, populaire comme l’on en trouve en Allemagne. Aujourd’hui le Parti socialiste s’est « social-démocratisé ». Pierre Mauroy serait aujourd’hui effaré de voir toutes ces mesures décidées par François Hollande pour rassurer les marchés et les chefs d’entreprises.

Dans les années 1980,  Pierre Mauroy représentait l’aile centre-droit du PS. Aujourd’hui avec les mêmes idées il correspondrait à l’aile gauche du Parti socialiste. Ce phénomène montre le glissement, la droitisation du PS.

Le tournant de la rigueur et surtout son remplacement par Laurent Fabius est peut-être la date clé qui illustre un bouleversement irrémédiable au sein de la gauche. En particulier le remplacement de Mauroy par Fabius c’est-à-dire un homme du peuple par un grand bourgeois qu’est Laurent Fabius. Cela symbolise très bien cette mutation de la gauche. Aujourd’hui le profil Mauroy manque à la gauche quand on voit ce qu’est devenu un socialiste aujourd’hui.

Il ne reste rien du programme commun à l'heure actuelle. Il était vraiment socialiste, mais par rapport çà ce que l’on appelait à l’époque le socialisme. Il n’y a plus personne aujourd’hui au PS qui se réclame en réalité du socialisme. Aucun responsable socialiste pense aujourd’hui qu’il est possible de mener une politique socialiste. Il faut dire que l’échec total de tous les régimes socialistes y est pour beaucoup. Pierre Mauroy se réclamait du socialisme au sens que lui a donné Jean Jaurès. C’était une démarche sincère. Mais aujourd’hui Le Parti socialiste n’a de socialiste plus que le nom.

François Hollande s’inscrit dans la ligne sociale-démocrate, mais quelle part de l’héritage de Pierre Mauroy conserve-t-il malgré tout ?

Jean-François Kahn : Une partie de la rhétorique seulement. Il n’y a plus que ça. L’exemple parfait est la charge contre « le monde de la finance »  lors de son meeting du Bourget durant la présidentielle de 2012.

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