Adoption du projet de réforme bancaire : quels sont les frais vraiment injustifiés ? <!-- --> | Atlantico.fr
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"Le projet de loi ne mentionne qu'un plafonnement de frais bancaire qui est celui de la commission d’intervention."
"Le projet de loi ne mentionne qu'un plafonnement de frais bancaire qui est celui de la commission d’intervention."
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Taxman

La réforme bancaire a été adoptée par l'Assemblée nationale le 5 juin. L'Assemblée nationale n'a finalement par retenu le système de double plafonnement : selon qu'on est financièrement fragile ou aisé, la banque aurait ponctionné plus ou moins d'argent sur les dépenses effectuées à découvert.

Maxime Chipoy

Maxime Chipoy

Maxime Chipoy est responsable des études et des questions de banques et d'assurances pour UFC Que choisir.

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Atlantico : Faut-il plafonner les frais d'incident bancaires ? Des abus ont-ils été constatés dans les pratiques des banques ?

Maxime Chipoy : Le projet de loi ne mentionne qu'un plafonnement de frais bancaire, qui est celui de la commission d’intervention. La banque le perçoit lorsqu'elle accepte qu'un paiement soit effectué à découvert.  C'était le seul frais d’incident échappant encore au plafonnement, ce qui posait problème car des consommateurs en difficulté peuvent se trouver à découvert dès le 10 du mois. Lorsqu'ils effectuent un achat, ils se font ponctionner d'une commission d'intervention qui en moyenne coûte 8,50 euros à l'unité. Par exemple un café à 2 euros payé par carte dans ces conditions impliquera un frais supplémentaire de 8,50 euros. Des RMIstes peuvent ainsi se retrouver avec 200 ou 300 euros par mois de commissions d'intervention ou de frais d'incident en général.

Conformément au système de double plafonnement prévu dans la réforme (finalement rejeté par les députés), pour un paiement sans provision une personne à ressources limitées aurait des frais d'incident moindres, tandis qu'une personne plus aisée devrait s'acquitter de frais plus élevés. Comment l'expliquer ?

C'est ce qui est prévu dans le projet de loi pour les commissions d'intervention. Ce frais est lié aux paiements par carte, aux prélèvements et aux virements. En ce qui concerne les chèques, on ne fait pas de différence entre riches et pauvres. Le plafonnement est lié au montant du chèque : pour moins de 50 euros cela coûtera maximum 30 euros, au-delà ce sera 50 euros de frais d'incident.

Pour ce qui est de la carte bancaire, si on est classé dans les populations fragiles (déterminées par décret), on bénéficiera du plafonnement prévu pour celles-ci. On ne pourra pas prendre à ces personnes plus d'une certaine somme par mois. Si l'on est un "moins fragile" ou un "plus riche", on bénéficie aussi d'un plafonnement à un niveau plus élevé (défini par le même décret).

La question majeure aujourd'hui porte sur le contenu de ce décret. Les plafonds peuvent être très variés, tout comme les effets...

Mais observe-t-on beaucoup de cas de personnes en situation "moins fragile" qui payent sans provision ? Ce double-plafonnement est-il justifié ?

La justification ne réside pas dans la fréquence des survenances chez les personnes qui ne sont pas en difficulté. Beaucoup de consommateurs ont une ou deux commissions d'intervention par mois, ce qui ne représente pas grand chose. La mise en place d'un plafond général est justifiée pour ces commissions d'intervention, car les banques n'effectuent aucun travail sur cet aspect-là : elles se font payer pour un travail qu'elles ne font pas.

Ce frais qui va être plafonné, et qui est le plus souvent lié à la carte bancaire, est justifié ainsi par les banques : quand les personnes effectuent un paiement par découvert, le conseiller est obligé de consulter le compte pour voir si de l'argent s'y trouve. S'il n'y en a pas il doit prendre la décision de laisser passer ou non le paiement. Mais dans les faits les banquiers ne vérifient pas, puisque l'un des principes fondateurs de la carte bancaire consiste dans le fait que si le consommateur a composé son code confidentiel et que celui-ci est valide, le paiement doit être autorisé. Ainsi le commerçant est sûr d'être payé. Même s'il regarde le compte, le banquier n'est pas en position de bloquer le paiement. Idéalement, il faudrait supprimer cette commission. Ce n'est pas à l'ordre du jour, car les banques sont ménagées en raison de la crise. Il n'en reste pas moins que ce frais n'a aucune légitimité.

Sans remettre en cause le principe même des frais bancaires, certains devraient-ils être modifiés ou supprimés ?

Il faudrait harmoniser les frais d'incident, qui aujourd'hui varient selon que l'on paye par carte, virement/prélèvement ou chèque. A ces trois moyens de paiements s'ajoute l'acceptation ou le refus du banquier de laisser passer le paiement. S'il le laisse passer, la banque prend 8,50 euros de frais d'intervention ; s'il refuse, elle peut prendre jusqu'à 20 euros. La banque peut donc avoir intérêt à refuser un prélèvement à découvert, même si la personne a les moyens de payer quelques jours plus tard le montant en question.

Les frais liés à la concurrence posent aussi problème. Pour déplacer un PEL d'une banque à une autre, la banque d'origine facture entre 20 et 50 euros, alors que le travail fourni derrière n'équivaut certainement pas à de telles sommes. C'est une manière de dissuader les gens de changer de banque.

Les frais liés aux successions et situations de compte anormales ne correspondent également pas au travail qui est effectivement réalisé.

Nous surveillons aussi les frais de tenue de compte, qui sont forfaitaires. Les banques les font payer tous les trois mois au motif qu'elles envoient des relevés de compte et effectuent les mises à jour nécessaires. Ce qui n'était pas répandu auparavant est de plus en plus pratiqué par elles. C'est une manière de faire monter les tarifs discrètement.

Propos recueillis par Gilles Boutin

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