Oui, c'est certain : Sarkozy veut revenir au pouvoir en 2017<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
"L'expression publique et celle des proches de Nicolas Sarkozy prouvent l’existence d’une stratégie de retour."
"L'expression publique et celle des proches de Nicolas Sarkozy prouvent l’existence d’une stratégie de retour."
©Reuters

Bonnes feuilles

L'auteur Thomas Guénolé analyse les raisons pour lesquelles Nicolas Sarkozy reviendra en 2017 avec le costume d'homme providentiel de la droite. Extrait de "Nicolas Sarkozy, chronique d'un retour impossible ?" (2/2).

Thomas Guénolé

Thomas Guénolé

Thomas Guénolé est politologue et maître de conférence à Sciences Po. Son dernier livre, Islamopsychose, est paru aux éditions Fayard. 

Pour en savoir plus, visitez son site Internet : thomas-guenole.fr

Voir la bio »

Nicolas Sarkozy veut revenir au pouvoir en 2017. Il est difficile, voire impossible, de déterminer la date exacte à laquelle il a pris cette décision, et sans doute l’intéressé lui-même aurait‑il du mal à le faire. Toujours est‑il que du lendemain de ses faux adieux à sa mise en examen par le juge Gentil, son expression publique et celle de ses proches prouvent l’existence d’une stratégie de retour.

Battu le 6 mai 2012, il appelle le 7 août la communauté internationale à intervenir pour éviter des massacres en Syrie. Son silence médiatique aura donc duré trois mois. Son communiqué sur la situation syrienne est à trois égards celui d’un chef d’État. Sous l’angle du thème, cette crise relève des Affaires étrangères, qui constituent par tradition sous la Ve République un domaine réservé du président. Sous l’angle de la teneur, il s’agit d’une exhortation de ses anciens homologues à prendre leurs responsabilités, ce qui revient à dire que lui‑meme les aurait prises. Sous l’angle du contexte, le communiqué évoque la crise libyenne, fait d’armes majeur de sa propre présidence, ce qui revient à souligner sa compétence face à ce type de problème. En toute logique, le message implicite est que, lui président, Nicolas Sarkozy aurait su faire face à cette crise.

S’ensuit la reprise du silence médiatique de l’ancien président, cette fois pour près de quatre mois. Le 27 novembre, au plus fort de la crise de l’UMP, il fait savoir par l’intermédiaire de son entourage qu’il est « sidéré » par cette situation. Deux jours plus tard, l’AFP rend compte de la teneur du communiqué de presse qu’il a menacé François Fillon et Jean-François Copé de diffuser s’ils ne parvenaient pas à s’entendre. Ce texte, qui pour finir ne sera pas rendu public, se résume en deux points : il exprime sa consternation sur l’ampleur de la crise du parti ; il juge que les duellistes y ont perdu par leur attitude toute stature de responsable politique.

Mis à part l’échec de cette tentative d’ultimatum, le contenu de ce projet de communiqué a bel et bien circulé. Son message explicite est la disqualification de François Fillon et de Jean- François Copé pour lui succéder comme chef de file de la droite. Son message implicite, en s’érigeant ainsi en arbitre, est que lui seul demeure ce chef légitime.

Entre le 7 août et le 27 novembre, entre ce communiqué effectif et ce communiqué annulé, Nicolas Sarkozy ne s’exprime pas en personne. D’autres s’en chargent pour lui. Le 22 mai, Brice Hortefeux et Christian Estrosi lancent l’Association des amis de Nicolas Sarkozy, qui prend de facto le monopole du discours sarkozyste dans l’espace public. Il a été dit et répété qu’il ne s’agissait pas d’une initiative soutenue voire décidée par l’ancien président lui-même. Cette thèse ne résiste cependant pas à l’examen, a fortiori si l’on se réfère au passé récent.

En 2005, au lendemain du non au référendum sur la Constitution européenne, Jacques Chirac, politiquement très affaibli par cet échec, est contraint de refaire l’unité dans son camp. Il rappelle Nicolas Sarkozy au gouvernement, alors même qu’il l’en avait congédié fin 2004 pour prix de la conquête de la présidence de l’UMP, peu de temps après sa célèbre admonestation : « Je décide, il exécute. » En position de force, mais dans un contexte où les soutiens explicites à sa future candidature présidentielle sont encore peu nombreux, Nicolas Sarkozy profite de l’occasion pour faire entrer deux fidèles de la première heure à ses côtés dans un gouvernement loin d’être sarkozyste. Il s’agit de Brice Hortefeux et de Christian Estrosi : ceux‑la mêmes, donc, qui constituent les fers de lance de l’association destinée à entretenir la flamme. Il est difficile de contester qu’elle a été créée pour tenir lieu de porte-parole à l’ancien président.

En l’occurrence, le mécanisme en jeu est toutefois plus complexe qu’une simple consigne donnée par le chef à ses lieutenants. Au mois de mai, Nicolas Sarkozy, comme le rapportent ses proches par diverses indiscrétions auprès de la presse, est encore hésitant. On retrouve ici l’amicale pression de l’entourage, qui a un intérêt direct à ce qu’il reprenne le pouvoir, et qui peut par ailleurs penser en toute, sincérité qu’il est le plus apte à conduire le pays. Pour autant, l’idée que Nicolas Sarkozy soit ainsi le jouet passif de manœuvres de ses lieutenants prête à sourire, et cadre mal avec le personnage. « Qui ne dit mot consent » : s’il n’a pas donné l’ordre de créer cette association, il a en tout état de cause laissé faire, encouragé, puis piloté cette initiative. En d’autres termes, au moins durant l’été 2012, entre retraite politique définitive et stratégie de retour, l’ancien président aura gardé deux fers au feu. Dans un premier temps, il laisse faire l’Association des amis de Nicolas Sarkozy au cas où il opterait pleinement pour une stratégie de retour. Dans un second temps, parce que sa décision est prise, elle devient une pièce maîtresse de cette stratégie.

 Extrait de "Nicolas Sarkozy, chronique d'un retour impossible ?" (First éditions), 2013, 16,90 euros. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

 Pour aller plus loin, Atlantico a interrogé l'auteur Thomas Guénolé :

Atlantico : Dans une interview accordée au Monde ce samedi, Patrick Buisson affirme que "Sarkozy s'imposera naturellement comme l'unique recours". Dans votre premier livre, "Nicolas Sarkozy, chronique d’un retour impossible ?", dans lequel vous critiquez par ailleurs la ligne Buisson, vous faites le même constat. L’ancien président de la République est-il le meilleur candidat de la droite, voire même le meilleur candidat tout court pour 2017 ?  Si oui, pourquoi ?

Thomas Guénolé : Oui, Nicolas Sarkozy est aujourd’hui le meilleur candidat de la droite pour 2017. Les enquêtes d'opinion dans l'électorat UMP sont sans appel : si la primaire de la droite avait lieu demain, il la remporterait sans difficulté. À cela trois raisons principales.

D’abord, Nicolas Sarkozy est le seul homme politique de la Ve République à avoir su incarner pleinement les 4 droites : libérale, gaulliste, sécuritaire, et morale. Aucun rival n'a une telle surface d'incarnation : François Fillon, c'est la droite gaulliste ; Jean-François Copé, c'est la droite libérale déguisée en droite sécuritaire.

Ensuite, il a été battu en 2012, mais c'est une défaite avec les honneurs, car bien moins large qu'annoncé. Le "peuple de droite" a donc faim de revanche. C'est un peu comme Rocky I : les fans veulent un Rocky II, la revanche, où cette fois il gagne.

Enfin, Nicolas Sarkozy a une stratégie de retour intelligente : l'absence omniprésente avec parole rare et solennelle, pour entretenir la frustration de sa base électorale. Elle est copiée sur celle de DSK avant l'affaire du Sofitel.

Un retour gagnant suppose cependant, outre le problème de la ligne Buisson, de régler un problème d'image, car le ressenti négatif sur ses comportements personnels a pesé lourd dans sa défaite : dans la continuité du "bling-bling", il doit en particulier être vigilant dans son rapport à l'argent. D'ici 2017, c'est la bourse ou l'Elysée, mais il faut choisir.

En outre, gagner en 2017 suppose que François Hollande soit en mauvaise position d'ici là. Cela se joue sur la situation économique et sociale, en particulier sur le triple front du chômage, du niveau des impôts, et du niveau des prestations sociales. À cet égard, la crise économique et sociale, agent électoral de la gauche en 2012, pourrait être l'agent électoral de la droite en 2017.

Vous écrivez également que Nicolas Sarkozy n’aura pas à revenir car pour revenir, il faut être parti : or pour vous, Nicolas Sarkozy n’est jamais parti.  Son omniprésence n’en empêche pas moins l’UMP de se déchirer. Finalement l’ancien chef de l’Etat est-il le problème ou la solution pour la droite ? Sa candidature en 2017 ne signerait-elle pas l’échec d’une classe politique déboussolée ? Dans ce contexte, Nicolas Sarkozy peut-il devenir une sorte de « Berlusconi français » ?

Effectivement : pas de retour quand on n'est jamais parti. Nicolas Sarkozy n'a pas quitté la vie politique française, il est simplement passé à une tactique de parole rare.

Concernant l'UMP, oui, Nicolas Sarkozy a contribué à sa crise, en réalité dès 2007. Une fois président de la République, il a veillé à empêcher tout nouveau chef d'émerger à l'UMP, de toute évidence pour préserver son propre pouvoir dans son camp. Cela a eu un coût lourd pour le parti : au lendemain de sa défaite de 2012, l'UMP était sans leadership, avec Jean-François Copé secrétaire général d'un parti sans président. D’où un état de flottement qui a favorisé la crise de l’automne 2012.

Le rôle de Nicolas Sarkozy dans la crise de l’UMP ne s’arrête pas là. François Fillon ayant dit, comme candidat à la présidence de l'UMP, que s'il gagnait il se considérerait futur candidat de la droite en 2017, Nicolas Sarkozy a encouragé sa garde rapprochée à soutenir Jean-François Copé. Ce dernier, en retour, lui a publiquement offert dès l’été 2012 sa loyauté pour 2017. En indiquant à ses lieutenants sa préférence pour une victoire de Copé à l’arraché, Nicolas Sarkozy a programmé la crise de l'UMP : j'explique comment en détail dans mon livre. En ce sens, le duel Copé-Fillon était en réalité, déjà, un duel Sarkozy-Fillon.

En définitive, l'on peut donc constater que Nicolas Sarkozy est le pompier pyromane de l'UMP : l'homme providentiel qui la sauvera, mais qui par ailleurs, veille lui-même à ce qu'un homme providentiel soit indispensable.

Dans le dernier chapitre de votre ouvrage, vous prédisez que le FN pourrait se retrouver à 40% en 2012. Comment parvenez-vous à ce résultat ? Comment les partis traditionnels peuvent-ils empêcher cette percée ?

J’ai étudié en l’occurrence un cas de figure très précis. Si le candidat de la droite est sur une ligne de lepénisation, il risque de provoquer au premier tour l’abstention de l’électorat de centre-droit, ainsi qu’un surcroît de vote pour François Bayrou, voire pour François Hollande, de la part de l’électorat de l’extrême centre. Et ce, sans prendre de voix à Marine Le Pen. Il risque alors de se trouver autour de 18-20% des voix. Si par ailleurs l’abstention de l’électorat total est assez forte, par rejet de la classe politique en temps de crise, alors le score du FN grossit par rétrécissement du socle électoral des autres camps. Auquel cas, Marine Le Pen peut passer devant le candidat de droite.

Dans cette configuration, pour peu que la gauche ait pris soin de simplement éviter la dispersion des candidatures au contraire de 2002, le scénario le plus probable est un second tour entre la candidate du FN et le candidat du PS.

Or, autant dans un second tour totalement improbable entre la gauche et l’extrême gauche, l’électorat de droite voterait comme un seul homme pour le candidat de gauche, autant dans un second tour PS-FN, tout un pan de l’électorat de droite s’abstiendrait tandis qu’un autre préfèrerait voter pour la candidate du FN. Avec pour corollaire un taux d’abstention très élevé, Marine Le Pen pourrait ainsi atteindre jusqu’à 40% des voix.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !