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Au delà des panneaux solaires chinois, l'Europe est-elle armée pour une politique protectionniste ?
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Combat de coqs

Bruxelles a décidé ce mardi de taxer provisoirement les panneaux solaires chinois. Pékin contre-attaque en annonçant l'ouverture d'une enquête sur les vins européens.

Robin Rivaton

Robin Rivaton

Robin Rivaton est chargé de mission d'un groupe dans le domaine des infrastructures. Il a connu plusieurs expériences en conseil financier, juridique et stratégique à Paris et à Londres.

Impliqué dans vie des idées, il écrit régulièrement dans plusieurs journaux et collabore avec des organismes de recherche sur les questions économiques et politiques. Il siège au Conseil scientifique du think-tank Fondapol où il a publié différents travaux sur la compétitivité, l'industrie ou les nouvelles technologies. Il est diplômé de l’ESCP Europe et de Sciences Po.

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Atlantico : Alors que Bruxelles a décidé de taxer provisoirement les panneaux solaires chinois afin de se protéger du dumping économique, Pékin a annoncé l'ouverture d'une enquête sur les vins européens. Les subventions versées aux producteurs étant dans le collimateur des autorités chinoises. L'Europe est-elle armée pour/peut-elle se permettre une politique protectionniste ? 

Robin Rivaton : D'un strict point de vue législatif, l'Union européenne, comme l'ensemble des pays membres de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC), est dotée de droits anti-dumping dont elle peut user si elle estime que certains de ses partenaires commerciaux ne respectent pas les règles du commerce international, par exemple en subventionnant leurs producteurs nationaux. Ces droits anti-dumping permettent de ramener le prix des importations au niveau des prix de vente sur le marché d'origine.

Il faut cependant que ces infractions soient prouvées car elles peuvent être contestées auprès d'un organisme de règlement des différends au sein de l'OMC. Ce n'est donc pas une politique protectionniste au sens où il ne s'agit pas de défendre les producteurs nationaux s'ils sont moins performants que leurs concurrents étrangers qui opèrent dans le respect des règles commerciales mais une politique de réciprocité.

Mais au-delà du droit, seuls les grands ensembles économiques peuvent se permettre ce type de politique de réciprocité avec les sanctions afférentes. Les Etats de moindre envergue risquent en effet de subir une forte rétorsion sans qu'ils soient en mesure de réellement peser sur la politique des grandes puissances.

L'Europe a-t-elle un train de retard par rapport aux autres puissances économiques majeures, comme les Etats-Unis, en matière de "protectionnisme" ou, à un niveau plus faible, de dispositions contre les mesures anti-dumping ? A-t-elle forcément à gagner de l'instauration de mesures considérées comme protectionnistes ?

Si l'on exclut le commerce intra-européen, l'Union européenne représente près de 16 % du commerce mondial étant la première puissance commerciale de la planète, devant les Etats-Unis (14%), la Chine (12%) et le Japon (6%). L'Europe a donc matériellement les moyens de répondre aux comportements déloyaux de ses partenaires commerciaux. Toutefois, elle souffre de deux difficultés pour adopter une politique calquée sur celle des Etats-Unis. D'abord, les fonctionnaires de la Commission européenne ont une orientation économique très libérale, démarche qui a parfaitement fonctionné dans le développement du commerce intra-communautaire mais qui souffre d'un manque de réalisme à l'échelle mondiale. Ensuite, les Etats-membres ont des objectifs différents qui nous empêchent de mener une politique coordonnée.

Mais le système n'est pas inopérant. Même si personne n'en a parlé, une enquête a été menée sur l'importation à bas prix de bio-diesels. Les conclusions rendues fin mai ont conduit à appliquer un taux de droit anti-dumping provisoire aux importations de biodiesel en provenance de l'Argentine et de l'Indonésie. En 2009, l'OMC a reconnu la justification des mesures prises par l'Union européenne contre l'importation de bœuf aux hormones en provenance des Etats-Unis.

A la suite de l'annonce par Bruxelles d'une taxation provisoire du secteur photovoltaïque chinois, Philipp Rösler, le ministre de l'Economie allemand, a parlé de "grave erreur". Pourquoi les Européens avancent-ils une fois de plus en ordre dispersé ? Faut-il s'en inquiéter ? Bruxelles est-elle en train de dessiner les contours d'une politique commerciale commune au forceps ?

L'adoption de mesures anti-dumping se fait par la Commission européenne de manière provisoire pendant six mois mais au bout de ce délai ce sont les représentants des Etats-membres qui donnent un caractère définitif à ces mesures. Or les Etats-membres ont des objectifs économiques différents selon leur spécialisation économique. Dans le cas précis des panneaux photovoltaïques, l'Allemagne qui fournit des machines-outils aux fabricants de panneaux solaires chinois est hostile à ces mesures, quitte à sacrifier au passage sa propre industrie solaire.

Si la Commission européenne s'exprime par une voix unique à l'OMC, la politique commerciale n'est pas encore complètement unifiée et elle laisse effectivement l'opportunité aux pays concurrents de mettre sous pression les pays européennes en les menaçant de mesures de rétorsion ciblées (par exemple, le vin pour la France).

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