Comment l’Allemagne profite des taux de chômage astronomiques des pays d’Europe du Sud<!-- --> | Atlantico.fr
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L'Allemagne déroule le tapis rouge aux chômeurs des pays de l'Europe du Sud et de l'Europe de l'Est.
L'Allemagne déroule le tapis rouge aux chômeurs des pays de l'Europe du Sud et de l'Europe de l'Est.
©Reuters

Profiteuse

"Donnez-moi vos pauvres, vos épuisés,[...] Envoyez-moi les sans-abri, les naufragés de la vie. Pour eux, je lève ma lampe près de la porte d'or!". Il semblerait que l'Allemagne ait fait sienne ces vers d'Emma Lazarus gravés au pied de la statue de la Liberté.

Guillaume Duval

Guillaume Duval

Guillaume Duval est rédacteur en chef du mensuel Alternatives économiques, auteur de La France ne sera plus jamais une grande puissance ? Tant mieux ! aux éditions La Découverte (2015) et de Made in Germanyle modèle allemand au-delà des mythes aux éditions du Seuil et de Marre de cette Europe-là ? Moi aussi... Conversations avec Régis Meyrand, Éditions Textuel, 2015.

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Atlantico : L'Allemagne déroule le tapis rouge aux chômeurs des pays de l'Europe du Sud et de l'Europe de l'Est. Quels types d'emplois a-t-elle à leur proposer ?

Guillaume Duval : L’Allemagne est un pays en état d’implosion démographique. Elle a déjà perdu plus de 500 000 habitants depuis le début des années 2000, à titre de comparaison la France en a gagné 5 millions. Cette différence se traduit  notamment par un faible nombre de jeunes qui arrivent sur le marché du travail. L’Allemagne a toute une panoplie d’emplois à proposer aux jeunes qui arrivent des pays du Sud : certes des postes à faible qualification comme partout, mais aussi des emplois plus qualifiés car elle manque de jeunes nés sur son territoire. 

Ses besoins s'inscrivent-ils dans la durée ou s'agit-il d'emplois à court terme ?

La précarité s’est beaucoup développée en Allemagne notamment pour les emplois des jeunes, comme c’est également le cas ailleurs. Ceci dit, les besoins de l’industrie allemande sont pérennes. L’Allemagne souhaite donc que ces employés issus des pays du Sud restent durablement chez elle.

Comment ces populations parviennent-elles à s'intégrer au marché du travail allemand ? Et sur la durée, restent-ils en Allemagne ou rentrent-ils dans leur pays ?

La France n’a guère de leçons à donner à l’Allemagne sur les politiques d’intégration  mais notre voisin n’est pas non plus un modèle en termes d’intégration des immigrés.

L’Allemagne est un pays, qui jusqu’en 2000 n’avait pas du tout de droit du sol dans son droit de la nationalité et qui a traditionnellement une vision très ethnique du "être allemand". L’intégration des Espagnols, des Italiens ou des Grecs se passe cependant mieux que celle des Turcs.

Comment l'expliquer ? Est-ce un phénomène allemand ou plus global qui touche au fonctionnement de l'Europe ?

Les mouvements migratoires qu’on observe aujourd’hui concernent surtout l’Allemagne car son industrie et son économie se portent  relativement bien. Avant la crise, l’Espagne attirait elle aussi beaucoup d’immigrés mais c’est évidemment terminé.

A l’échelle européenne il n’y a pas d’autre pays qui attire autant que l’Allemagne.

Quel diagnostic sur la mobilité du facteur travail en zone euro ? En quoi cette mobilité peut-elle poser problème ? Comment faire que les choses se passent différemment ?

On pourrait considérer que c’est un progrès, car il y a quelques années on déplorait souvent qu’il n’y ait pas suffisamment de mobilité au sein de la zone euro. Et cela était souvent interprété comme un frein à l’intégration de la zone. Mais en réalité, c’est un gros problème.

Ces migrations ne peuvent absolument pas être une solution à la crise dans la zone euro. Les pays du Sud en difficulté - Grèce, Italie, Espagne, Portugal - sont eux-mêmes dans une situation démographique déprimée. Le taux de natalité y est de 1,3 ou 1,4 enfant par femme depuis plusieurs dizaines d’années, il n’y a donc pas beaucoup de jeunes. Donc si ces quelques jeunes migrent vers l'Allemagne, pour y travailler et s’installer durablement dans le pays, cela veut dire que les pays du Sud vont manquer cruellement de jeunes, ce qui va aboutir à une stagnation économique prolongée : nous aurons le Mezzogiorno à la puissance dix.

La seule façon pour l’Europe de survivre dans un tel contexte serait que les pays du Nord acceptent des transferts importants vers les pays du Sud, or ce n’est pas du tout le chemin qu’on prend actuellement. De tels transferts seraient pourtant pleinement justifiés : l’Allemagne, se porte moins mal que les autres notamment parce qu’elle a économisé beaucoup de dépenses privées et publiques du fait de sa faible natalité.

Et aujourd’hui pour compenser cela elle profite indirectement des dépenses réalisées dans les pays du Sud de l’Europe pour élever les jeunes qui viennent combler les trous de la démographie allemande. La seule solution consiste à faire en sorte que l’activité reparte dans les pays du Sud, qu’ils sortent enfin de la récession. 

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