Laurence Ferrari et Audrey Pulvar déchues de leur carte de presse : le journalisme a-t-il vraiment vocation à rentrer dans la vision sclérosée qu’en a la CCIJP ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Laurence Ferrari aurait bien pu légitimement conserver sa carte de presse.
Laurence Ferrari aurait bien pu légitimement conserver sa carte de presse.
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Problème de carte

Laurence Ferrari, actuellement journaliste pour l’émission "Grand8" sur la chaîne de la TNT, s'est vu retirer sa carte de presse par la Commission de la carte d'identité des journalistes professionnels. Audrey Pulvar, elle aussi en devrait pas avoir sa carte renouvelée. Comment expliquer les choix de la commission ? Sanctionne-t-elle une forme de journalisme ?

Benjamin Dormann

Benjamin Dormann

Benjamin Dormann a été journaliste dans la presse financière et trésorier d'un parti politique. Depuis 18 ans, il est associé d'un cabinet de consultants indépendants, spécialisé en gestion de risques et en crédit aux entreprises. Il est executive chairman d'une structure active dans 38 pays à travers le monde. Il est l'auteur d’une enquête très documentée : Ils ont acheté la presse, nouvelle édition enrichie sortie le 13 janvier 2015, éditions Jean Picollec.

Le débat continue sur Facebook : ils.ont.achete.la.presse et [email protected].

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Rappelons tout d’abord que, selon la CCIJP, les conditions à remplir pour obtenir cette carte de presse sont les suivantes : « il faut exercer la profession depuis trois mois au moins consécutifs, et tirer de cette activité le principal de ses ressources, c’est-à-dire, plus de 50 %. Naturellement, les fonctions exercées doivent être de nature journalistique. Enfin, l’employeur doit être une entreprise de presse (écrite ou audiovisuelle) ou une agence de presse agréée. »

Monsieur de La Palisse n’aurait pas dit mieux : « pour être journaliste, il faut exercer une fonction de nature journalistique ». Nous voilà bien avancés avec cela !  Le dictionnaire Larousse est un brin plus précis sur ce qu’est le journalisme : « ensemble des activités se rapportant à la rédaction d’un journal ou tout autre organe de presse écrite ou audiovisuelle (collecte, sélection, mise en forme de l’information) ». 

A ce titre, on pourrait considérer que l’info spectacle-divertissement - l'infotainment  en anglais- est une forme moderne de « mise en forme l’audiovisuelle de l’information», et qu’à ce titre, Laurence Ferrari aurait bien pu légitimement conserver sa carte de presse.

L’heure est pourtant venue de se poser la question de qui doit avoir la carte ? D’un côté certains pigistes sous-payés sont obligés de trouver des compléments de revenus pour arriver à boucler leurs fins de mois, perdant de ce fait le droit d’avoir la carte de presse. De l’autre, certains « journalistes », à l’activité non journalistique, continuent à en bénéficier dans certains journaux, soucieux de préserver l’avantage fiscal qui en découle. Un maquettiste est-il un journaliste ? Le designer du site web d’un journal est-il un journaliste ? Le responsable de la publicité est-il un journaliste ? Un journaliste de la rédaction d’un pure-player (travaillant uniquement sur internet) doit-il être privé de carte, sous prétexte que son employeur n’est pas un organe de presse écrite ou audiovisuelle ? 

Certains journalistes sont employés par des sociétés de productions télévisuelles, n’ayant, de ce fait, pas le droit à la carte de presse, alors qu’ils se retrouvent sur un plateau de télé aux côtés d’autres journalistes, eux salariés de la chaine, et à ce titre titulaires de la carte. Où est la cohérence ? Par ailleurs, officiellement, la CCIJP refuse l’octroi de la carte de presse aux directeurs de publication, considérant qu’on ne peut à la fois être dirigeant d’un organe de presse et journaliste. Laurent Joffrin ou Nicolas Demorand, qui cumulent ces fonctions, en violation des statuts ou de la charte déontologique de leur journal, se sont-ils vus privés de leur carte de presse ?

Tout cela manque à l’évidence de clarté et du nécessaire débat public. C’est pourquoi la réponse hautaine de Laurence Ferrari, tweetant immédiatement à propos du retrait de sa carte de presse : « je préfère en rire – juste une aberration»  n’est pas la bonne. Le débat doit être ouvert, et non pas fermé méprisamment. A l’heure où le mot « mensonge » a été désigné mot de l’année, ne doit-on pas considérer que le métier de journaliste consiste avant tout à participer à faire connaitre la vérité au plus grand nombre ? Dans ce cas, il n’est pas compatible d’être, dans le même temps, journaliste et acteur de « la société du spectacle ». comme l’appelait Guy Debord. C’est pourquoi, il est sain, à mon sens que les animateurs du Grand journal de Canal+ ou de l’émission Le grand 8 sur D8 n’aient plus de carte de presse.

C’est aussi pourquoi Audrey Pulvar, collègue de plateau de Laurence Ferrari sur D8, est dans le vrai en n’ayant pas demandé le renouvellement de sa carte de presse cette année. (Preuve que je ne suis pas rancunier envers celle qui a fait censurer l’interview portant sur mon livre « Ils ont acheté la presse » dès sa mise en ligne. En revanche, quand je l’entends déclarer à propos de son émission de D8 «  nous avons de très bons résultats sur la cible des CSP+, qui sont les fameuses ménagères », (minute 1’25 de la vidéo), et que je constate que le journaliste du Figaro qui l’interview ne relève même pas l’énormité de ce mensonge, je me dis qu’il y a encore de nombreuses cartes de presse à supprimer. (Rappelons que les CSP+ sont les Catégories Socio-professionnelles Supérieures, « chères » aux annonceurs ; rien à voir avec les modestes ménagères, terme il est vrai plus conforme au « positionnement » de gauche de la journaliste). Comme le dit le CCFPJ, être journaliste « c’est exercer le métier de journalisme ». Ce n’est donc pas se contenter d’avoir un titre et de posséder une carte fiscalement avantageuse. Cela implique une certaine exigence et un minimum de rigueur. Ils sont, hélas, de moins en moins nombreux à en faire preuve dans l’exercice de leur fonction.

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