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Bernard Tapie ou les péripéties d’un arroseur arrosé
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Sac de nœuds

Jean-Louis Borloo, Christine Lagarde et Rachida Dati, tous les trois ministres à l'époque, se défendent d'être intervenus lorsqu'un tribunal a décidé d'octroyer 403 millions d'euros à Bernard Tapie dans le litige l'opposant au Crédit lyonnais.

André Bercoff

André Bercoff est journaliste et écrivain. Il est notamment connu pour ses ouvrages publiés sous les pseudonymes Philippe de Commines et Caton.

Il est l'auteur de La chasse au Sarko (Rocher, 2011), Qui choisir (First editions, 2012), de Moi, Président (First editions, 2013) et dernièrement Bernard Tapie, Marine Le Pen, la France et moi : Chronique d'une implosion (First editions, 2014).

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Cela fait plus de trente ans que la personne de Bernard Tapie suscite autant d’adrénaline que la perspective d’une ligne de poudre pour un cocaïnomane, d’un jeu de cartes pour un flambeur ou d’un ticket de PMU pour qui veut gagner des millions. Attraction ou répulsion, admiration ou haine, dérision ou fascination : le pavlovisme ici se porte toujours bien. En témoigne le légitime tohu-bohu provoqué par la mise en examen de l’un des trois arbitres qui avaient décidé, en 2008, de décerner à l’homme d’affaires la bagatelle de 400 millions d’euros, suite aux délirantes aventures du ménage à trois Tapie-Crédit Lyonnais-Adidas. Et tous de se demander si et quand Tapie sera ou non obligé de rendre l’argent des contribuables, le président Hollande ayant déclaré que l’Etat devait sauvegarder ses intérêts.

Rappelons tout de même quelques faits : quel que soit le jugement que l’on peut porter sur Tapie, force est de reconnaître qu’en cette affaire, le flambeur avait été flambé et l’arroseur arrosé par sa propre banque. Cette enquête, je l’avais effectuée en 1997 et reprise en 2005 après que la Cour d’Appel de Paris ait en effet condamné le Crédit Lyonnais et le CDR - qui regroupait à l’époque tous les « passifs » de la banque - à payer 135 millions d’euros aux actionnaires minoritaires et aux liquidateurs de Bernard Tapie Finance. Ce qui est démontré et qui n’a jamais été contesté, c’est que Bernard Tapie avait donné, en 1992, mandat au Crédit Lyonnais pour vendre Adidas. Or, la banque s’est exécutée en vendant l’entreprise à Robert Louis Dreyfus pour un prix d’achat deux fois supérieur à celui qu’elle avait annoncé à l’industriel. Plus : le Crédit Lyonnais a prêté une notable partie de la somme à Dreyfus au taux extravagant de… 0,5% d’intérêts, remboursable en cinq ans et passant pour cela par des sociétés offshore.

Qu’a dit en effet, fin 2005, la Cour d’Appel de Paris ? « Le Crédit Lyonnais avait l’obligation d’informer son mandataire ; le devoir de loyauté, le souci de déontologie de toute banque exigeaient de faire connaître à monsieur Tapie, client bénéficiant d’une aide financière considérable et constante depuis 1977… qu’un repreneur était éventuellement acheteur à 4,485 milliards à comparer au prix de 2,85 milliards du mandat. » Il ne faut pas non plus oublier que Robert Louis Dreyfus, sept mois après l’achat d’Adidas pour quatre milliards, opère l’introduction en Bourse et obtient une capitalisation de… onze milliards, ce qui prouve à l’envi que le redressement de la grande entreprise allemande avait bien été commencé sous Bernard Tapie et Gilberte Beaux, à l’époque directrice générale.

Comme on sait, Tapie avait refusé le montant proposé par la Cour d’Appel. En 2008, un arbitrage décidé sous la présidence Sarkozy et la supervision de Christine Lagarde, porte la somme à 400 millions, suscitant à gauche comme à droite une contestation qui ne s’est jamais arrêtée. Or, si l’on peut juger abracabrantesque les 45 millions d’euros alloués au titre de préjudice moral, le reste de la somme correspond peu ou prou à ce qu’aurait dû toucher le légitime propriétaire d’Adidas, roulé dans la farine par sa propre banque.

Rappelons, pour mémoire, les nombreuses implications politiques de l’affaire à l’époque où Tapie avait remporté haut la main, en 1994, les élections européennes sur la liste Radical et en 1992 les élections régionales en PACA sur la liste socialiste, ce qui multipliait ses chances d’accéder à la mairie de Marseille puis peut-être à la présidence de la Région. Devenant de plus en plus gênant et de plus en plus voyant, il était urgent d’en finir avec l’éphémère ministre de la Ville de Mitterrand, à l’époque chouchou de la gauche officielle pour avoir affronté victorieusement Jean-Marie Le Pen en combat télévisé.

Quel que soit l’agacement que peuvent provoquer les bruits et la fureur autour de celui qu’on n’appelle plus Nanard, force est d’admettre que dans cette affaire c’est lui qui s’est fait gentiment escroquer de deux milliards de francs, c'est-à-dire l’équivalent de 300 millions d’euros…  

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