L’étude qui montre que les nouvelles normes qui forcent les banques à détenir plus de capital ne les rendent pas plus sûres<!-- --> | Atlantico.fr
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Exiger aux banques davantage de fonds propres et de capital - comme stipulé dans les accords Bâle III relatifs à la supervision financière - n'aurait pas forcément pour conséquence de les rendre plus sûres.
Exiger aux banques davantage de fonds propres et de capital - comme stipulé dans les accords Bâle III relatifs à la supervision financière - n'aurait pas forcément pour conséquence de les rendre plus sûres.
©Reuters

Effet boomerang

Selon un rapport publié par la Banque des règlements internationaux (BRI), exiger aux banques davantage de fonds propres et de capital pourrait déboucher sur des pratiques risquées. Explication détaillée du mécanisme.

Jean-Marc Daniel

Jean-Marc Daniel

Jean-Marc Daniel est professeur à l'ESCP-Europe, et responsable de l’enseignement de l'économie aux élèves-ingénieurs du Corps des mines. Il est également directeur de la revue Sociétal, la revue de l’Institut de l’entreprise, et auteur de plusieurs ouvrages sur l'économie, en particulier américaine.

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Selon un rapport publié par la Banque des règlements internationaux (BRI), exiger aux banques davantage de fonds propres et de capital - comme stipulé dans les accords Bâle III relatifs à la supervision financière - n'aurait pas forcément pour conséquence de les rendre plus sûres. Le capital exigé pourrait en effet venir d'actifs jugés sûrs - principalement des obligations d'Etats - mais pour lesquels la demande est très forte (notamment parce que les banques centrales en achète massivement). Ainsi, les banques seraient poussées à se tourner davantage vers des mécanismes qui consistent à transformer des actifs dangereux en actifs sûrs.

Atlantico : Quels sont les risques à exiger davantage de capital aux banques décrits par la Banque des règlements internationaux ?

Jean-Marc Daniel : Le raisonnement de la BRI (la Banque des règlements internationaux, ndlr) peut se résumer simplement : comme les banques sont obligées de détenir beaucoup de dette publique de pays offrant toutes garanties, et que les banques centrales de leur côté sont disposées à reprendre n’importe quelle quantité de cette dette publique venant des Etats en question, ces derniers sont en position de force et maintiennent les taux de rémunération de leur dette à des niveaux très bas. Résultat, pour continuer à dégager des profits, les banques sont amenées à prendre des risques plus importants sur les autres actifs qu’elles détiennent

Une des conséquences de ce genre d’évolution est que les banques, ayant consenti des prêts rémunérateurs mais très risqués, les diluent en construisant de toutes pièces des actifs financiers nouveaux par addition de titres n’ayant rien de commun entre eux. Ce serait ainsi le retour des beaux jours de la titrisation qui fut accusée d’avoir masqué la réalité des risques pris par les banques américaines sur l’immobilier et d’avoir ainsi provoqué la crise financière de 2007/2008.

Faut-il prendre à la lettre l'avertissement et le danger mis en exergue par la BRI ou faut-il le nuancer ? Pourquoi ?

L’avertissement est probablement excessif mais il n’est pas infondé. Il existe une règle fondamentale en économie qui est que le taux d’intérêt moyen à long terme doit être égal au taux de croissance potentielle (c'est à dire la croissance "optimale" par rapport aux fondamentaux de l'économie, ndlr). S’il y a donc des actifs pour lesquels les règles en vigueur conduisent à faire baisser le taux d’intérêt, ou le taux de rendement, inévitablement, pour avoir un taux moyen égal au taux de croissance, les taux sur les autres actifs vont se tendre.

Derrière le raisonnement de la BRI, il y a un résultat important de théorie économique qui n'est autre que le constat qu’il est malsain pour les Etats de pouvoir emprunter à des taux très bas, voire à des taux nuls. Ceux qui, dénonçant la loi de 1973 sur la Banque de France, réclament que l’Etat emprunte à taux zéro et ne verse pas d’intérêts aux banques ne réalisent pas que cela les conduirait, comme l’analyse la BRI, soit à prendre plus de risques soit à augmenter les coûts financiers des entreprises en fixant des taux aux prêts privés très élevés.

Exiger aux banques davantage de capitaux ou de fonds propres est-il suffisant pour les rendre plus sûres ou d'autres mesures sont envisageables, voire plus efficaces ?

Derrière toutes ces mesures, il y a la volonté de faire en sorte que les banques ne fassent pas faillite. Or, les banques exercent une activité commerciale et elles doivent être sanctionnées comme toutes les entreprises par une faillite en cas d’erreurs et donc d’échec. Cela suppose non pas de multiplier les règles prudentielles qui vont finir par rendre le métier de banquier impossible, mais d’adopter trois mesures claires :

  • Une concurrence la plus large possible qui fasse que plus aucune banque ne puisse atteindre une taille telle qu’elle puisse imposer aux pouvoirs publics de la renflouer en cas de difficulté (il faut en finir avec le célèbre « too big to fail »).


  • Un système d’assurance des dépôts qui offre aux déposants, qui en pratique sont les créanciers de la banque, la certitude qu’ils retrouveront leur épargne en cas de faillite.


  • C’est une erreur de vouloir interdire aux banques de prêter car c’est leur raison d’être. C’est une erreur de vouloir sauver celles qui se sont trompées car c’est la raison d’être de l’économie de marché.

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