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Faut-il croire les communistes chinois quand ils vantent leur conversion à l’économie de marché ?
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A leur sauce

Le premier ministre chinois Li Keqiang a récemment affirmé que le parti allait activement encourager l’investissement privé et étranger. Faut-il y voir, comme certains observateurs l'affirment, un tournant dans l'histoire du capitalisme de l'Empire du Milieu ?

Françoise Nicolas

Françoise Nicolas

Françoise Nicolas est Directeur du Centre Asie de l’Institut Français des Relations Internationales (ifri). Elle est également maître de conférences associé à l'Université de Paris-Est où elle enseigne l'économie et les relations internationales.

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Le récent discours du premier Ministre Li Keqiang devant un parterre de cadres du Parti, dans lequel il appelait à réduire le rôle de l’Etat, à encourager activement l’investissement privé et étranger et à accorder une place plus importante aux mécanismes de marché dans l’économie chinoise, a été accueilli avec enthousiasme par nombre d’observateurs qui ont voulu y voir le signe que la réforme économique tant attendue en Chine était bel et bien en marche. Mais est-ce vraiment le cas ?

En vérité, ce discours ne constitue ni une surprise ni une rupture. Il s’inscrit tout d’abord dans la droite ligne de déclarations précédentes du même Li Keqiang qui, avant même d’accéder à ses nouvelles responsabilités, dénonçait les faiblesses de la stratégie économique chinoise et prônait un rééquilibrage en faveur de la consommation intérieure.

En outre, ces recommandations favorables au marché ne font que reprendre les conclusions d’un rapport conjoint de la Banque mondiale et du Development Research Center du Conseil d’Etat chinois (China 2030 – Creating a Modern, Harmonious and Creative High-income Society) publié au printemps 2012 et âprement défendu par un certain Li Keqiang.

Enfin, ces appels à la réforme sont en parfaite cohérence avec les objectifs fixés depuis longtemps de rééquilibrer le régime de croissance chinois en réduisant l’importance des investissements, notamment publics, dans la dynamique de croissance, au bénéfice de la consommation intérieure. Cette nécessaire réforme figurait déjà dans le 11ème plan quinquennal (2005-2010) lancé par l’équipe précédente Hu Jintao - Wen Jiabao.   

Alors, beaucoup de bruit pour rien ? Peut-être pas. Un certain nombre d’éléments laissent en effet penser que les intentions réformatrices ont cette fois-ci plus de chance d’aboutir. Tout d’abord, le contexte est favorable car le ralentissement économique enregistré depuis le début de l’année (les prévisions de croissance n’excèdent pas les 7,5% pour 2013) appelle une réponse, non plus de court terme, qui passerait par un nouveau plan de relance volontariste, mais une réforme structurelle, seule à même de maintenir le pays sur un sentier de croissance durable. La Chine est en effet menacée par le piège des pays à revenu intermédiaire incapables de passer à un régime de croissance endogène fondé sur l’innovation. A l’évidence, le constat sur les limites du capitalisme d’Etat est aujourd’hui assez largement partagé et l’urgence de la réforme s’impose.

En outre, ces annonces font suite à d’autres mesures, qui ont d’ores et déjà été pour partie mises en œuvre, et dont l’objectif est de réduire, si ce n’est le poids du secteur public, tout au moins le pouvoir des bureaucrates et les dépenses de l’Etat. Ainsi une réforme administrative a été amorcée, avec une réduction du nombre des départements d’Etat et une réorganisation de certains ministères, dont celui des chemins de fer, qui avait défrayé la chronique en raison de multiples scandales. La dynamique réformatrice serait donc bel et bien en marche.  

Pour autant, il convient de rester prudent sur la solidité et la durabilité de cet élan réformateur. Il n’est en particulier pas certain que les autorités chinoises parviennent à imposer l’ouverture du marché aux investisseurs étrangers, notamment dans le secteur des services. En dépit de déclarations d’intention générales, aucune disposition précise n’a pour l’instant été prise en ce sens. Et la montée des tensions entre la Chine et l’Union Européenne sur toute une série de contentieux commerciaux a toutes les chances de freiner les velléités d’ouverture de Pékin.

Par ailleurs, les réformateurs risquent de continuer de se heurter à de nombreuses résistances de la part de ceux qui ont jusque là amplement bénéficié du système. Le Premier ministre Li Keqiang aura-t-il la poigne suffisante pour imposer ses vues ? Rien n’est moins sûr. 

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