Désintoxication : comment devra s’y prendre la FED si elle veut mettre fin à sa politique d’assouplissement monétaire <!-- --> | Atlantico.fr
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La Fed envisage de mettre un frein à sa politique de "quantitative easing".
La Fed envisage de mettre un frein à sa politique de "quantitative easing".
©Reuters

Revirement

Selon plusieurs sources médiatiques, et malgré les dénégations de Ben Bernanke, la Fed pourrait renoncer à sa politique de "quantitative easing" (QE) - l'achat par la banque centrale de bons du Trésor pour injecter de l'argent dans l'économie - qui serait pourtant l'un des moteurs de la reprise américaine. Quel serait l'impact de ce demi-tour ?

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Atlantico : Selon le Wall Street Journal, la Fed envisage sérieusement de mettre un frein à sa politique de "quantitative easing", qui serait un des leviers de la croissance économique. Pourquoi selon vous ce revirement ? Est-ce le début d'un aveu que le QE n'était pas la politique la plus appropriée pour relancer la machine ? 

Nicolas Goetzmann : La politique menée par la FED utilise deux canaux : des taux à 0% et le quantitative easing. Le revirement annoncé par Bernanke le 22 mai dernier concerne effectivement le QE dont le montant pourrait être modifié. Pour le moment la Fed injecte 85 milliards par mois dans l’économie et c’est ce chiffre qui pourrait être revu à la baisse.

La raison de ce "revirement" est à trouver non dans l’échec de cette politique mais justement dans sa réussite. L’emploi américain s’est considérablement amélioré au cours des derniers mois et le rythme de création d’emploi s'est largement accéléré au cours des derniers mois. Sur le rythme actuel, l’objectif de la Fed de venir flirter avec un taux de chômage proche de 6,5% va se réaliser plus tôt que prévu. Voici la raison de l’intervention de Bernanke sur cette question.

Concrètement comment la Fed va pouvoir se retirer de cette politique conciliante, sans trop brusquer l'économie américaine dont la reprise reste fragile ? La situation américaine peut-elle se passer du tuteur de la planche à billets ? Pourra-t-elle supporter un revirement soudain, ou bien les choses vont-elles se faire très progressivement ? 

Le QE est un soutien à l’économie et pour le moment la discussion porte sur le ralentissement du soutien apporté et non sur son arrêt pur et simple. L’économie américaine ne peut pas se passer du soutien monétaire car il s’agit d’une crise...monétaire, c’est ce que nous n’avons toujours pas compris en Europe. Je ne peux pas imaginer que les gouverneurs de la Fed puissent commettre l’erreur de resserrer l’offre monétaire trop tôt. Il s’agirait là de la même faute commise en 1937. A cette époque, et pour des raisons identiques, la Fed retirait son soutien à l’économie, qui replongea brutalement en récession.

Le retrait se fera progressivement et je verrais d’un bon œil que Bernanke remplace la notion de QE par un discours d’objectif de PIB nominal, comme cela est proposé par de nombreux intervenants aujourd’hui. Une telle solution permettrait d’offrir un signal clair au marché sans risque de provoquer un "revirement brusque".

Toujours selon le Wall Street Journal, les bons résultats de la bourse américaine viendraient largement du climat de confiance qu'inspire la Fed et sa politique volontariste en faveur de la croissance. Y a-t-il un risque de krach boursier si la Fed fait demi-tour ? Comment cette dernière peut-elle faire conserver aux marchés leur confiance, tout en se retirant du QE ?

Il est évident que si la Fed décide de tout arrêter, la bourse replongera avec violence de la  même façon que les taux, qui viendront tutoyer à nouveau leurs plus bas historiques. Le soutien monétaire consiste à relancer le niveau de la demande agrégée et sans soutien celle-ci s’effondrera.

La Fed peut frapper un grand coup en modifiant son approche d’un objectif de taux de chômage et indiquer un taux de croissance nominale comme objectif de politique monétaire. Une telle politique permettrait aux acteurs économiques d’anticiper clairement la politique monétaire de la Fed, tout en arrêtant de donner des montants chiffrés (85 milliards encore aujourd'hui) à ce soutien.

Le point décisif sera le nom du prochain remplaçant de Bernanke. Bernanke lui-même ? Janet Yellen, Christina Romer, ou encore Larry Summers ? Ce choix sera connu au mois de septembre et la doctrine du nouveau gouverneur sera essentielle. Le choix de la continuité ou la mise en place d’une personnalité favorable à la rupture (vers un mandat d’objectif de PIB nominal), comme le propose Christina Romer ? 

Quel serait l'impact au niveau mondial d'une décision de la Fed de mettre fin à sa politique de QE ? Dans quelle mesure la croissance mondiale est-elle liée aux décisions conciliantes de la Fed ? 

Moins de QE, c’est moins de demande agrégée, donc moins de croissance pour le monde entier. A priori c’est l’Europe qui en souffrira le plus et notamment tous ceux qui comptent sur Bernanke pour faire le travail à leur place. Les différentes étapes de relances monétaires mises en place par la FED depuis 2008 ont permis à l’économie mondiale de ne pas sombrer aussi lourdement qu’en 1929. Seule l’Europe est restés sourde à cette doctrine et les pays du sud en payent le prix.

Les États-Unis ne connaissent pas de poussée inflationniste et ont réussi à abaisser considérablement leur taux de chômage, que faut-il de plus pour mettre en place une telle politique chez nous ? Nous avons tellement attendu que nous sommes aujourd’hui confrontés à une situation absurde: Alors que la Fed réfléchit déjà à son désengagement de la politique de sortie de crise pour cause de succès, nous sommes encore à nous poser la question du diagnostic.

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