Le succès de l’accord de réindustrialisation de l’usine Ford de Blanquefort dépendra des performances commerciales de la marque<!-- --> | Atlantico.fr
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Ford a signé vendredi un accord cadre avec les pouvoirs publics pour la réindustrialisation du site de mécanique de Blanquefort, près de Bordeaux.
Ford a signé vendredi un accord cadre avec les pouvoirs publics pour la réindustrialisation du site de mécanique de Blanquefort, près de Bordeaux.
©Reuters

Exception

Ford a signé vendredi un accord cadre avec les pouvoirs publics pour la réindustrialisation du site de mécanique de Blanquefort, près de Bordeaux. 1000 emplois seront maintenus sur les cinq prochaines années en échange de 12,5 millions d'euros d'aides publiques.

Jean-Pierre Corniou

Jean-Pierre Corniou

Jean-Pierre Corniou est directeur général adjoint du cabinet de conseil Sia Partners. Il est l'auteur de "Liberté, égalité, mobilié" aux éditions Marie B et "1,2 milliards d’automobiles, 7 milliards de terriens, la cohabitation est-elle possible ?" (2012).

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Dans une industrie européenne de l’automobile frappée par une crise durable, toute bonne nouvelle tend à apparaître miraculeuse, mais aussi désirée que suspecte. L’annonce d’un accord pour relancer l’investissement et l’emploi sur le site historique de Ford de Blanquefort, en Aquitaine, frappe ainsi  les esprits par sa conclusion heureuse après cinq années d’incertitudes.

Depuis cinq ans, on s’était en effet habitués à constater et déplorer  le déclin de ce site de fabrication de boîtes de vitesse automatique, créé en 1972, et qui employait en 2008 1600 personnes après avoir connu son zénith avec 4000 employés. Il  n’en emploie aujourd’hui que 300 sur un effectif théorique de 1200 régulièrement frappé par le chômage partiel.

Or à l’issue de longues négociations entre les cinq syndicats et la direction, soutenues par les pouvoirs publics, l’annonce publique d’un accord dont le principe avait été annoncé en septembre 2012 garantissant la pérennité de mille personnes sur cinq ans génère un soulagement véritable. Certes en contrepartie de cet engagement de Ford, les syndicats ont accepté un engagement de compétitivité qui prévoit un gel des augmentations de salaire de trois ans et les pouvoirs publics ont injecté 12,5 millions d’euros, Ford s’engagent à moderniser les lignes à hauteur de 122 millions d'euros. Il y a donc un espoir concret de consolidation de ce site fragilisé qui a retrouvé symboliquement le logo Ford en devenant le 1er août "Ford Aquitaine Industrie".

Mais la réalité industrielle s’impose comme toujours pour rappeler que si cette usine était structurellement compétitive elle n’aurait pas fait l’objet de tentatives répétées et mouvementées de Ford pour lui trouver un destin. Produisant 700 000 boîtes automatiques par an en 2002, elle n’en produisait plus de 200 000 en 2008 et se trouvait en 2008 menacée de fermeture pour 2010. Ford a réussi à se désengager de cette usine sans fermeture en la vendant en 2009, parmi six projets, au groupe allemand HZ holding avec le soutien des pouvoirs publics et un financement public de 12 millions d'euros, et privé de 200 millions. Après l’échec de la diversification promise par HZ holding notamment dans l’éolien, l’usine a de nouveau été rachetée par Ford en janvier 2011.  

La garantie de la pérennité de ce site dédié à la mécanique  ne peut résulter que de son ancrage robuste dans le dispositif de production de Ford en Europe et dans le monde. Car si sa production est tournée vers le marché mondial elle est aussi concurrencée par les autres établissements de Ford en Chine  et aux Etats-Unis. La boîte automatique dont la production sera assurée à Blanquefort à partir du mois d’août est une boîte performante, à six vitesses et dont la consommation est réduite. C’est donc un produit technologiquement prometteur. Mais son succès dépend également des performances commerciales des modèles auxquels elle est destinée, Mondeo, Kuga,  Focus…

Or si Ford a mieux réussi que ses concurrents américains GM et Chrysler à traverser la crise aix Etats-Unis depuis 2008  ses ventes en Europe ne sont guère plus brillantes que celles de ses concurrents généralistes. Le système industriel de Ford a fait l’objet de modifications significatives avec la fermeture des usines de Genk en Belgique, avec  4300 personnes, et de ses deux usines britanniques de Southampton et de Dagenham.  Cette réduction de sa capacité de production européenne de 18% s’inscrit dans une stratégie de retour à la rentabilité, l’Europe étant un foyer de pertes pour le constructeur.  Les prévisions de pertes pour 2013 tournent autour de 2 milliards de dollars contre 1,75 milliard de dollars en 2012. Or, les ventes continuent de chuter et sa part de marché se situe désormais à 7% du marché européen.

Il faut certainement se réjouir de cet accord du 24 mai 2013. Mais, instruits par l’expérience même du site comme par les cas industriels analogues, il faut l’accueillir avec prudence et vigilance car l’histoire mouvementée de ce site démontre, là comme ailleurs, que la volonté politique, renouvelée avec force à chaque étape par des gouvernements différents, l’opiniâtreté des salariés et l’enthousiasme ne peuvent durablement s ’affranchir des réalités industrielles. Blanquefort vivra si sa performance technique et industrielle le justifie dans le système industriel de Ford. C’est un fait incontournable.

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