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Les salariés qu’influence la parole syndicale n’ont pas envie d’un retour de la droite.
Les salariés qu’influence la parole syndicale n’ont pas envie d’un retour de la droite.
©Reuters

Bilan

Jean-Marc Ayrault convoque mercredi patronat et syndicats pour préparer la deuxième conférence du quinquennat qui cadrera les réformes des mois à venir. Un an après son élection, où en est la révolution du dialogue social que François Hollande a promise ?

Jean-Marie    Pernot

Jean-Marie Pernot

Jean-Marie Pernot est chercheur en science politique (Ires), auteur de « Syndicats, lendemains de crise ? », Gallimard, Folio, 2ème édition  2010.

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Atlantico : Jean-Marc Ayrault convoque mercredi patronat et syndicats pour préparer la deuxième conférence du quinquennat qui cadrera les réformes des mois à venir. Un an après son élection où en est la révolution du dialogue social que François Hollande a promise ?

Jean-Marie Pernot : On ne voit pas où serait la dite révolution. Discuter avec les syndicats, c'est mieux que les ignorer. Mais ça peut aussi servir à faire passer la pilule quand on ne promet que du sang et des larmes. Certains syndicats (notamment les deux plus importants) sont un peu coincés parce qu'ils apparaissent comme ayant donné un coup de pouce à Hollande pour son élection, ce qui est indiscutable, et en même temps ils ne peuvent soutenir un certain nombre d'abandons comme la réforme fiscale. Le gouvernement agit en confiance avec une partie des syndicats, en gros la CFDT, il essaie de ne pas trop braquer FO et la CGT mais il ne leur donne pas beaucoup d'occasions de se réjouir. Le refus au dernier moment de la loi d'amnistie est dure à avaler pour la CGT qui avait reçu des assurances. A coup de volte face de ce genre, le gouvernement Ayrault est en train de se griller. mais il semble faire un peu le même pari que Sarkozy, c'est-à-dire que le mouvement syndical n'a pas les moyens d'entraver sa politique et qu'en plus, les syndicats ne feront rien qui favorise le retour de la droite. D'un point de vue tactique, c'est assez juste, d'un point de vue stratégique beaucoup moins.

L’ambition d’une social-démocratie à la française est-elle toujours à l’ordre du jour ? Est-elle crédible étant donnée la faiblesse historique des syndicats et l’attitude la CGT durant les accords sur la sécurisation de l’emploi et la compétitivité ?

La social démocratie se définit moins par un type de politique que par un certain lien entre partis et syndicats. En France il n’a jamais existé de modèle social démocrate, non pas parce que le PS était plus radical que les autres partis de gauche en Europe (sauf lorsqu’il est dans l’opposition), mais parce qu’il n’a jamais entretenu de lien organique avec le mouvement syndical à la différence des partis équivalents chez nos voisins (Allemagne, Belgique, Italie, etc.). Ce qui pèse dans le PS c’est le réseau des élus, pas celui des syndicalistes. La seule liaison de type social démocrate qui ait existé en France est celle qui reliait le parti communiste et la CGT. Même ce lien là est aujourd’hui dilué. Il existe un lien idéologique assez fort entre le « hollandisme » contemporain et la CFDT dont la commune référence à Jacques Delors rend compte. Il est probable que le pouvoir socialiste peut compter sur un soutien le plus longtemps possible de cette organisation à sa politique. Jusqu’à quand ? Jusqu’à ce que la CFDT commence à le payer trop cher dans l’opinion des salariés.

Pour l’instant, la conférence sociale, tout cela, c’est un peu la mise en scène de l’accompagnement d’une partie du mouvement syndical de réformes déjà conçues dans les cabinets, il y a un peu d’habillage. L’accord sur l’emploi et la compétitivité s’est fait globalement sur les positions du Medef, on s’en rendra vite compte et il n’a pu rallier qu’une des principales organisations syndicales sur les trois. J’observe qu’il n’y a pas que la CGT qui n’a pas signé, FO non plus qui avait signé un tel accord en 2008. Ce n’est pas un succès de la négociation collective et ce n’est pas une grande victoire de la démocratie de l’avoir transcrit dans la loi en imposant le silence au Parlement.

La faiblesse des syndicats est constatée depuis presque trente ans, c’est vrai, ils sont faibles dans les entreprises face aux employeurs, ils ne sont pas si faibles que ça face aux gouvernements, on l’a vu à quelques reprises depuis une vingtaine d’années car ils ont une capacité à faire descendre dans la rue bien au-delà de leurs adhérents et à imposer un certain nombre d’argumentaires dans l’espace public.

Le gouvernement a-t-il revu ses objectifs à la baisse ? Les blocages politiques et sociaux qui paralysent parfois la France peuvent-ils être de nature à les décourager ?

Ses objectifs à la baisse ? C’est difficile à dire car s’il a beaucoup parlé du changement, dans le détail François Hollande n’a pas beaucoup promis. Pour l’instant sur le contenu d’un grand nombre de dossiers, on est plutôt dans la continuité du sarkozysme que dans la rupture. Les blocages en France, c’est un peu la tarte à la crème : que l’on fasse des réformes qui améliorent la vie des gens et on verra qu’ils ne sont pas opposés au changement. Le problème c’est qu’elles vont un peu trop souvent dans le même sens et d’ailleurs ces « blocages » n’ont pas empêché la succession des réformes de retraites depuis 1996, celles de l’assurance maladie depuis 1995 et autres vagues de déremboursements médicaux. L’opinion publique renâcle, les syndicats parviennent parfois à faire beaucoup de bruit mais il serait téméraire de dire que rien n’a changé dans la protection sociale dans ce pays depuis vingt ans. Il n’y a qu’à observer la misère qui s’étend et l’appauvrissement de larges couches de la société et, par exemple,  le recul du niveau de vie des retraités qui commence à se faire sentir.

François Hollande peut-il être confronté à la rue bien qu’il soit socialiste ? 

Ça, ce n’est pas évident d’abord parce qu’une partie du mouvement syndical ne s’y joindrait pas et aussi parce que la gauche au pouvoir a toujours eu un effet de résignation auprès des salariés. Les mouvements sociaux comme 1995, 2003 2006 ou 2010 ont des effets politiques, ils ont toujours porté en creux la question du « gouvernement d’après ». Les salariés qu’influence la parole syndicale n’ont pas envie d’un retour de la droite, il existe un fort risque que les syndicats qui le voudraient soient en difficulté pour mobiliser. Mais ce n’est pas écrit et si un mouvement social se dressait contre le gouvernement de JM Ayrault, ce serait le signe d’une rupture historique, elle signifierait que les salariés ont rompu toute confiance dans le PS, ce qui ne serait pas très bon pour lui car ce sont eux qui font le poids électoral de la gauche.

Peut-on imaginer un accord historique avec les syndicats sur la réforme des retraites ? A quelles conditions ?  

Sur des sujets laissés en plan sous le gouvernement précédent comme la pénibilité du travail, rien n’a avancé et le gouvernement ne manifeste aucune envie de bousculer le MEDEF. Ce serait pourtant une des conditions qui pourraient faire bouger le curseur. Mais sur les bribes de discours déjà tenus (il faudra travailler plus longtemps), F Hollande n’a aucune chance de construire un accord historique. Il aura le soutien de la CFDT parce que c’est la position que la centrale syndicale a adopté à son dernier congrès mais il n’aura en aucun cas le soutien des autres.

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