Seuls 4% des Français reconnaissent ne pas déclarer l’ensemble de leurs revenus et 20% avoir eu recours au travail au noir... faut-il les croire ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Seules 4% des personnes reconnaissent qu’il leur est déjà arrivé de ne pas déclarer une part de leurs revenus annuels à l’administration fiscale.
Seules 4% des personnes reconnaissent qu’il leur est déjà arrivé de ne pas déclarer une part de leurs revenus annuels à l’administration fiscale.
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Exclusivité Atlantico

Alors qu'une Commission parlementaire tente de démêler les responsabilités dans l'affaire Cahuzac, un sondage exclusif CSA/Atlantico révèle que seules 4% des personnes interrogées reconnaissent qu’il leur est déjà arrivé de ne pas déclarer une part de leurs revenus à l’administration fiscale.

Noël Pons

Noël Pons

Noël Pons a été inspecteur des impôts, fonctionnaire au  Service central de prévention de la corruption (SCPC). Il  dispense de nombreuses formations antifraude et  anticorruption en France et à l'étranger.

Il est l'auteur de "La corruption des élites" chez Odile Jacob.

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Sondage : Pour chacune des situations suivantes, vous est-il déjà arrivé de le faire ?

(Cliquez pour agrandir)

Atlantico : Selon un sondage CSA pour Atlantico, seules 4% des personnes interrogées reconnaissent qu’il leur est déjà arrivé de ne pas déclarer une part de leurs revenus annuels à l’administration fiscale. Comment expliquer ce chiffre, qui semble étonnamment bas ?

Noël Pons : La déclaration de revenus des personnes physiques est, à l'exception de quelques catégories de professions non salariées (bénéfices non commerciaux, bénéfices industriels et commerciaux, revenus fonciers, revenus agricoles, plus values sur cessions etc.) assise sur des revenus déclarés par des tiers qu'il est à l'évidence difficile de minorer sauf situation particulière.  Cette réponse semble assez cohérente s'il ne s'agit que de salariés.

Par contre une telle réponse qui proviendrait de professions non salariées m'étonnerait un peu car du fait de la nature de la déclaration il est plus aisé d'alourdir les charges ou pour qui travaille à l'étranger de faire disparaître un produit. De plus, même dans un sondage, il est peu probable que les sondés mettent en évidence leur qualité de fraudeur. Comme le disait si joliment Tartuffe "ce n'est pas pêcher que pêcher en silence" . 


Il faut cependant noter qu'on constate une recrudescence des échanges en espèces et qu'il existerait même des "pools" d'échange d'espèces pouvant être utilisés pour frauder ou pour blanchir.

Un Français sur cinq (20%) confie avoir déjà rémunéré pour services rendus une personne sans la déclarer aux organismes sociaux, c’est-à-dire d’avoir recouru au « travail au noir ». Peut-on douter de leur sincérité ? Même sous couvert d’anonymat, les gens sont-ils prêts à reconnaître avoir fraudé ?



Dans la situation actuelle où la fraude est devenue un sujet de discussion majeur, je ne pense pas que les gens soient prêts à reconnaître aisément avoir fraudé, de toute manière ce chiffre de 20 % peut sembler correct. En effet les experts évaluent le pourcentage de fraudeurs dans une population qui dispose des mêmes opportunités de frauder à 20%, 20% sont honnêtes et les 60% restant penchent vers la fraude si le risque de se faire prendre est nul ou estimé comme tel.

Dispose-t-on d'estimations de la fraude fiscale? Quelles sont-elles, et comment procède-t-on pour les obtenir ?

Nous disposons d’évaluations de la fraude fiscale, bien qu'il soit difficile d'évaluer son montant, car elle est par définition cachée (biais de la détection). L'on ne dispose que de peu d'informations sur les revenus tirés des fonds frauduleux une fois qu'ils ont été dissimulés dans des paradis fiscaux. Or ces revenus sont considérables et par définition non taxés. En France le conseil des prélèvements libératoires, la Commissions sur la fraude fiscale du Sénat et d'autres structures officielles ont réalisé des évaluations en tenant compte des redressements et des reprise effectuées, et celles-ci ont été sensiblement similaires. Le montant annuel se situerait entre 40 et 60 milliards d'euros. Des évaluations similaires ont été effectuées par des syndicats des impôts, des ONG, des journalistes spécialisés on peut donc penser que, même si ces évaluations peuvent être considérées comme situées dans une fourchette basse, elles sont assez cohérentes. Ces dernières sont effectuées par une extrapolation à partir des données de contrôles et leur répercussion par type de revenus.

Pour 83% des sympathisants Modem, rien ne peut justifier la fraude fiscale, bien devant la gauche (70%) et la droite (62%). Plus on va vers les extrêmes, plus ce comportement est en revanche justifié (55% pour le FN et 64% pour le Front de Gauche). Comment expliquer ces tendances ?

Je dirai simplement bravo au Modem qui a su transmettre le sens de l'état à ses représentants, je suis un peu surpris du score des sondés de la droite que je pensais plus enclins à considérer l'Etat et l'ardente obligation de contribuer à l'impôt comme un élément  de cohérence pour la nation et pour sa grandeur et sa survie dans la mondialisation. 


Ces éléments peuvent être expliqués par la longue période de communication libérale qui n'a cessé de considérer, à l'image des libertariens, l'impôt comme une charge insupportableet les manipulations utiles pour éluder son paiement comme le nec plus ultra du comportement des élites. (voir La corruption des élites). Néanmoins le fait que les sondés appartenant aux grands partis aient tous largement dépassé la moyenne montre que la France est encore considérée comme une grande nation. 

Méthodologie :

Sondage exclusif CSA/Atlantico réalisé par Internet du 14 au 16 mai 2013.

Échantillon national représentatif de 1010 personnes résidant en France âgées de 18 ans et plus, constitué d'après la méthode des quotas (sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle du répondant), après stratification par région et taille d'agglomération.

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