Secret bancaire : l'Autriche et le Luxembourg vont-ils finir par y renoncer dans la foulée de Singapour ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Singapour a cédé sur le secret bancaire et s'apprête à modifier sa législation pour favoriser l'échange de données.
Singapour a cédé sur le secret bancaire et s'apprête  à modifier sa législation pour favoriser l'échange de données.
©Reuters

Effet domino

Singapour a cédé face à la pression et va accepter l'échange d'informations sur les données bancaires. Le Luxembourg et l'Autriche se montrent encore réticents, mais peut-être plus pour longtemps.

Noël Pons

Noël Pons

Noël Pons a été inspecteur des impôts, fonctionnaire au  Service central de prévention de la corruption (SCPC). Il  dispense de nombreuses formations antifraude et  anticorruption en France et à l'étranger.

Il est l'auteur de "La corruption des élites" chez Odile Jacob.

Voir la bio »

Atlantico : Alors que Singapour a cédé sur le secret bancaire, et s'apprête ainsi à modifier sa législation pour favoriser l'échange de données. L'Autriche et le Luxembourg, qui se montrent plus réticents, vont-ils finir par céder à leur tour ?

Noël Pons : Cela fait déjà un petit moment que l'Autriche et surtout le Luxembourg, poussés en partie par la loi américaine Fatca (Foreign Account Tax Compliance Act, qui prévoit l'échange d'informations bancaires sur les comptes étrangers des Américains, ndlr), se présentent comme de plus en plus enclins à participer aux agapes de l'échange d'informations bancaires.

Des deux pays, l'Autriche semble de loin la plus réticente dans ce domaine. Mais si l'offshore leak se développe et prend de l'ampleur, la lutte contre les paradis fiscaux pourrait se développer et ces deux économies feront face à une pression bien plus importante. Les choses pourraient donc s’accélérer.

Comment le Luxembourg et l'Autriche vont-ils céder ?

Je pense que le Luxembourg et l'Autriche vont être forcés de céder sur le secret bancaire. Mais nous ne savons pas encore sous quelles conditions. N'oublions pas que de nombreux pays (en Asie ou dans la péninsule arabique) ne sont pas considérés comme des paradis fiscaux bien que les contrôles installés soient bien légers ou pas formatés pour mettre en place de telles structures de contrôle. Ainsi, lorsque l’Autriche et le Luxembourg auront cédé, il existera encore et toujours des solutions pour l'évasion fiscale. Ce sera simplement plus cher pour la mise en place, le risque de détournement sera plus élevé et moins lucratif.

De même, si les deux pays lâchent du lest, cela ne signifie pas pour autant qu'ils auront cédé sur tout. Autrement dit, ils peuvent accepter certaines concessions sur certains points et conserver d'autres pratiques et activités, si celles-ci n’entrent pas dans le cadre mis en place. Il faudra être vigilant sur ce point. Il est vrai que la mise en place d’une telle organisation est une opération de longue haleine et qui nécessitera beaucoup de diplomatie.

Si de tels pays autorisent l'échange d'informations, cela signifie t-il pour autant que ce ne sont plus des "paradis fiscaux" ? Y a t-il d'autres aspects sur lesquels ils refusent de céder ?

Des problèmes restent non résolus. Tout d'abord, la question des trusts (une société dont l'assemblage juridique est opaque afin de faciliter l'évasion fiscale, ndlr), de certains types de fondations et des sociétés dites « au porteur ». En l’espèce, il n'y a pas d'identifiants et ces structures sont détenues par des avocats ou des habitants du, ou de l’ex, paradis fiscal en question. Il n'existe donc pas de lien direct permettant de trouver les personnes auxquelles appartiennent les fonds présents dans ces trusts.

Deuxièmement, lorsque les Etats auront mis en place les textes et les structures permettant de matérialiser l'échange d'informations, il est probable que toutes les banques ne jouent pas le jeu. La plupart des grands pays, comme la Grande-Bretagne par exemple, semblent vouloir imposer aux confettis de la couronne (dont semble-t-il les Îles Vierges mais quid des Bahamas)  à répondre aux demandes d'échange d'informations. Mais le rapport du Sénat américain a fait état en 2012 du fait que certaines banques européennes et américaines blanchissaient de l'argent alors que la loi le leur interdisait… Lorsque de l’argent est en cause le pire est toujours possible !

Enfin, une fois que l’échange d'informations sera mis en place avec le Luxembourg ou l'Autriche, il faut être optimiste, les manipulations frauduleuses resteront toujours possibles. Comment sommes-nous certains que les données figurant sur les fichiers transmis sont exhaustifs ? Comment savoir si un nombre de personnes importantes seront effacées ? Et que faire pour les structures qui auront transféré leur documentation sur papier ?

Dans tous les cas, lorsque ces mesures seront adoptées, il y a fort à parier sur la conception de montages innovants dans ce domaine. De nouvelles solutions et des techniques inconnues à ce jour seront installées pour conserver une partie du secret bancaire dans les faits.

Soyons cependant optimistes, si l'échange d'information est mis en place ce sera la première mesure efficace depuis 1914 installée et la lutte contre les paradis fiscaux et ce qu’on peut qualifier de support pénal de la fraude fiscale. Il faudra un peu de temps avant qu’elle ne soit véritablement opérationnelle, mais l’impunité totale ayant disparu, la situation sera un peu stabilisée… Croisons les doigts .

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !