Le demi-échec de l’OMC : ces pans entiers du commerce international qui échappent à toute régulation<!-- --> | Atlantico.fr
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Les petits pays pauvres ont plus de difficultés à défendre leurs intérêts devant l’OMC.
Les petits pays pauvres ont plus de difficultés à défendre leurs intérêts devant l’OMC.
©Reuters

Freelance

La publication du rapport Cyclope 2013, qui donne chaque année un aperçu du marché mondial des matières premières, a pointé du doigt la paralysie de l'OMC. La gouvernance internationale est-elle au point mort, et quelle est sa part de responsabilité dans le marasme économique actuel ?

Michel Fouquin

Michel Fouquin

Michel Fouquin est conseiller au Centre d'Etudes Prospectives et d'Informations Internationales (CEPII) et professeur d'économie du développement à la faculté de sciences sociales et économiques (FASSE).

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Atlantico : En commentant le rapport Cyclope 2013, qui donne chaque année un aperçu du marché mondial des matières premières, Philippe Chalmin a dénoncé la faiblesse historique de la gouvernance internationale, pointant tout particulièrement du doigt la panne des négociations du cycle de Doha de l’OMC. Cette dernière est-elle aussi paralysée qu’on le dit, et pourquoi ?

Michel Fouquin : Dans les missions de l’OMC, il y a pour l’essentiel deux grands domaines bien distincts :la gestion au jour le jour des conflits commerciaux qui opposent les Etats membres de l’OMC en s’appuyant sur des règles acceptées par tous lors des précédents cycles de négociations ; et l’organisation de ces cycles où l’on s’efforce de promouvoir de nouvelles règles (agriculture par exemple) ou d’inclure de nouveaux domaines de compétence pour l’OMC (les services, les marchés publics, l’environnement et la santé, OGM, le climat ou les réglementations du travail…).

Dans la gestion des conflits, l’OMC, et en particulier l’Organe de Règlement des Différends, s’est avérée être un outil d’une redoutable efficacité pour régler ou sanctionner les contentieux commerciaux dans le cadre des règles existantes. Tous les pays membres, et il y en avait 159 au mois de Mars 2013, ont eu la possibilité de porter plainte ou de se défendre des accusations portées contre eux. Les petits pays comme les grands ont gagné ou perdu selon les cas, qu’ils soient riches ou qu’ils soient pauvres. On peut toutefois remarquer que les petits pays pauvres ont plus de difficultés à défendre leurs intérêts devant l’OMC que les grands pays riches qui peuvent mobiliser des équipes entières et permanentes de juristes spécialistes des questions de commerce international. Les petits pays pauvres ont cependant le soutien d’ONG efficaces et de programmes de formation financés par exemple par la Communauté Européenne pour les aider. Peu d’organisations internationales ont acquis un tel pouvoir (on aimerait par exemple que l’Organisation Internationale du Travail en ait autant) et il faut sans doute s’en féliciter.

Dans l’autre domaine, celui des négociations internationales, le cycle de Doha, qui dure sans aboutir depuis 12 ans, s’est avéré un échec. Les altermondialistes ont su se mobiliser (Seattle), mais aussi et surtout les désaccords entre pays riches (qui avaient plus ou moins fixé l’agenda) et pays émergents (le G20) a fait capoter le cycle. Il est clair que l’on doit en tirer les leçons et reconnaître cet échec à la prochaine réunion de Bali.

Les cours des matières premières baissent, notamment en raison de la chute de la production industrielle du premier importateur mondial qu’est la Chine. Dans quelle mesure le marasme économique actuel est-il à mettre sur le compte de carences de l’OMC ?

L’OMC n’a strictement rien à voir avec le marasme actuel. Je dirais même qu’au contraire la résilience du système commercial international dans cette crise a été remarquable si on la compare aux événements qui ont suivi la crise de 1929. Aucun pays n’a quitté l’OMC, qui a continué de fonctionner normalement, aucun pays membre n’a pris de mesures protectionnistes générales, la reprise du commerce a été nette en 2010 et 2011. La crise est une crise financière qui a failli asphyxier l’économie mondiale, et donc provoqué une chute extrêmement brutale du volume du commerce.

Quelles sont les raisons structurelles de la crise de l’OMC ? Le  désaccord entre pays riches et BRICS est-il le seul point de blocage ? Par quels moyens pourra-t-elle aller de l’avant ?

Un nouveau Directeur Général a été nommé par consensus. C’est un Brésilien, Roberto Carvalho de Azevêdo. Il devrait mettre un terme au cycle de Doha, si possible en obtenant un accord minimal qui sauverait la face de tous soit en décrétant l’échec complet. Cela est nécessaire pour repartir sur de nouvelles bases. Plusieurs solutions sont alors possibles : renoncer à l’agenda unique qui veut que si l’on n’est pas d’accord sur tout, on est d’accord sur rien ; la complexité des thèmes et le champ couvert est si vaste qu’on ne peut sans doute progresser que de cette façon. De la même façon, les pays pauvres sont de plus en plus différents et exigent des adaptations fines que le système actuel ne permet pas. Admettre que la vision simpliste du libre-échange (terme qui ne figure pas nommément dans les objectifs de l’OMC) mérite elle aussi des aménagements, comme l’exception culturelle chère aux Français par exemple.

Propos recueillis par Gilles Boutin

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