"Rendre leurs terres aux descendants d'esclaves", soit. Mais quelle réforme foncière serait concrètement envisageable ?<!-- --> | Atlantico.fr
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On n’est pas un citoyen en fonction de sa généalogie mais en fonction de sa naissance.
On n’est pas un citoyen en fonction de sa généalogie mais en fonction de sa naissance.
©Reuters

Casse-tête

Christiane Taubira prône une "politique foncière" en faveur des descendants d'esclaves. Pourtant, rendre à ceux qui ont été spoliés sans spolier les contemporains implique des mesures d'une rare complexité.

Bernard  Mandeville

Bernard Mandeville

Bernard Mandeville est avocat à la Cour d’appel de Paris. Il exerce ses activités dans le domaine du droit de l’agriculture et du patrimoine foncier. Il est spécialiste en droit rural, et à ce titre, est responsable la commission de droit rural et agro-alimentaire du Barreau de Paris.
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Atlantico : Quelles politiques foncières concrètes l’Etat peut-il mettre en œuvre pour redistribuer des terres aux descendants d’esclaves sans expropriation ?

Bernard Mandeville : Il y a des compétences qui sont attribuées aux sociétés d’aménagement fonciers et d’établissements rurales : les SAFER. Il en existe une vingtaine en France qui bénéficient de pouvoir de préemption  à l’occasion de ventes de terre dans un cadre amiable mais elle n’ont pas de compétences d’expropriation. Elles peuvent réaliser des opérations à caractères amiables pour le compte de l’Etat. Il ne s’agit pas d’une politique forcée d’après les déclarations de la ministre de la Justice, on ne va pas exproprier des gens de terres qui appartiennent à des personnes privés parce que dans ce cas on aurait un problème de liberté publiques, de constitutionnalité. On ne peut pas priver un propriétaire privé de sa terre sans rentrer dans le cadre d’une expropriation

D’autre part, il y a également les établissements publics fonciers qui sont une création plus récente, les " EPS" qui ont des compétences parallèles aux SAFER mais dans un milieu urbain. Si l’état veut une politique amiable, il faut doter ces organismes publics de pouvoirs leur permettant mener à bien cette politique. 

La ministre de la Justice parle d'une action publique qui consisterait à « acheter des terres pour les redistribuer ». Comment cela serait-il possible et quel en serait le coût pour le contribuable français ?

Ce type de politique va représenter un coût important. L’état devra agir de manière amiable en indemnisant les propriétaires actuels. De fait, le coût pour le contribuable français serait équivalent à la valeur des terrains en question. D’autre part, il faudrait ensuite faire des recherches sur les descendants d’esclaves. Qui sont-ils ? Il faudrait définir la notion de « descendants d’esclaves », opérer des recherches généalogiques et avoir comme un brevet de descendant d’esclaves. C’est aux antipodes de ce que la ministre de la Justice recherche. Ce processus me parait complètement incohérent et serait contraire à une série de principe : principe d’égalité des citoyens, atteinte à la propriété privé. On n’est pas un citoyen en fonction de sa généalogie mais en fonction de sa naissance. Cette déclaration est à mes yeux purement idéologique. Ce processus peut produire l’effet inverse car il va identifier une catégorie de personnes comme étant descendants d’esclaves. Ceux qui auraient cette qualité d’anciens esclaves revendiqueraient des droits, des réparations à l’Etat.

Existe-t-il des précédents en France et à l’étranger où l’Etat a mis en place une politique de redistribution des terres ?

Il y a un précédent historique en France, il a eu lieu durant la révolution française en 1789, c’est la « revente des biens nationaux », expropriés aux nobles qui ont d’ailleurs été rachetés la plupart du temps par ces mêmes nobles. Cette politique n’est pas en accord avec la culture de démocratie mais plutôt avec celle de filiation révolutionnaire. Sur le plan international, on observe un politique de redistribution des terres au Venezuela sous l’impulsion d’Hugo Chavez.

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