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Le Pakistan, l’Etat qui fait peur…
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Epouvantail

Après la victoire électorale de Nawaz Sharif, le Pakistan est loin d’être débarrassé de ses démons…

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle est un géopolitologue et essayiste franco-italien. Ancien éditorialiste (France SoirIl Liberal, etc.), il intervient dans des institutions patronales et européennes, et est chercheur associé au Cpfa (Center of Foreign and Political Affairs). Il a publié plusieurs essais en France et en Italie sur la faiblesse des démocraties, les guerres balkaniques, l'islamisme, la Turquie, la persécution des chrétiens, la Syrie et le terrorisme. 

Son dernier ouvrage, coécrit avec Jacques Soppelsa, Vers un choc global ? La mondialisation dangereuse, est paru en 2023 aux Editions de l'Artilleur. 

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On parle souvent de la Corée du Nord comme étant le pays le plus dangereux du monde. D’autres estiment que l’Iran, ou même son allié syrien, sont aussi dangereux et que les principales menaces pour le Monde libre sont ces trois « Etats-voyous » et Al-Qaïda. Mais on oublie trop souvent que les deux principaux parrains, financiers, pourvoyeurs d’armes, idéologues du terrorisme islamiste sunnite d’Al-Qaïda ne sont ni l’Iran chiite ni la Syrie alaouite, ni hier les régimes bombardés par les Occidentaux de Kadhafi ou de Saddam Hussein, mais deux pays islamiques sunnites alliés de longue date de l’Occident : l’Arabie saoudite, Etat-théocratique, puis bien sûr son allié stratégique pakistanais.

Détenteur de l’arme atomique, ennemi juré de l’Inde qu’il menace régulièrement de guerre, le Pakistan n’a jamais été pour autant spécialement mis au ban des nations par l’Occident, contrairement à l’Iran, pourtant objectivement moins dangereux. Alliant militarisme ultra-nationaliste et islamisme radical, le Pakistan, allié de longue date de Washington, a toujours sponsorisé les Talibans. La Charià qui y est en vigueur dans sa version totalitaire, s’impose aux minorités chrétienne, chiite, hindouïste, etc, persécutées de façon quotidienne. Et c’est dans ce charmant pays que des élections législatives du 11 mai dernier ont porté démocratiquement à la tête du gouvernement Nawaz Sharif, chef de la Pakistan Muslim League (PML-N), mouvement nationaliste-ultra-conservateur qui prône un dialogue avec les Talibans, qui ont participé à ces élections à leur manière... en terrifiant les femmes qui voulaient voter et en assassinant une dizaine de candidats et personnalités laïques...

Nawaz Sharif, qui entame son 3ème mandat, défend, comme le nouveau chef de l’opposition Imran Khan, le très populaire ancien champion national de criquet, une rupture pure et simple de la coopération antiterroriste avec les Etats-Unis, au nom du refus des bombardements de drones en zone tribale pachtoune qui ont fait nombre de morts. Sharif affiche un ultra-conservatisme qui inquiète les laïques, grands perdants du scrutin, ainsi que les différentes minorités. fait presque banal: le 4 mai dernier, le parti laïque Muttahid Qaumi Movement a été la cible d’un attentat qui a couté la vie à 3 personnes. Message de terreur parfaitement reçu par les autres partis… Nawaz Sharif, qui au départ n’était pas spécialement un islamiste, joue par conséquent avec le feu en misant sur la démogagie anti-américaine, l’ultra-nationalisme et l’alliance avec les Talibans. Cela n’augure rien de bon dans un pays déjà gagné par le fanatisme et la haine envers tout ce qui n’est pas musulman-sunnite ou pakistanais. Et on se demande comment Sharif neutralisera l’insurrection des Talibans du Tehreek-e-Taliban Pakistan (TTP) dans la zone tribale pachtoune frontalière de l'Afghanistan et qui est très présent à Karachi, la capitale économique. Pour les laïques, les chiites, les chrétiens et membres d’autres religions minoritaires, Sharif fait peur car il prône un dialogue avec ceux qui assassinent les membres des minorités et les laïques et vitriolent les femmes qui veulent voter, perdent leur virginité avant le mariage ou s’opposent au voile. Ces islamistes sunnites obscurantistes conditionnent leur collaboration avec le pouvoir en place à une application plus stricte de la charià, dont est déjà pourtant en vigueur une version totalitaire qui permet de persécuter légalement les minorités, les libéraux, les « blasphémateurs » et les femmes libres.

Le centre de gravité politique du pays s'étant déplacé ces dernières vers la droite religieuse, M. Sharif devra sacrifier encore plus les (rares) droits des femmes et des minorités sur l’autel d’une introuvable Pax islamica, car rien ne satisfait jamais assez les totalitaires. Sharif prône ainsi le dialogue avec des terroristes sunnites responsables d’une campagne de meurtres sans précédents contre la minorité chiite (20 % de la population). Des chiites que les Talibans voudraient tout simplement éliminer par la conversion massive au sunnisme ou l’éradication physique… Au cœur de ce projet génocidaire se trouve le Ahle Sunnat Wal Jamaat (ASWJ), implanté surtout dans le Pendjab, fief du clan Sharif. Ses commandos qui y perpètrent des attaques contre les chiites et y ont leur base arrière sont couverts par le parti de Sharif. Obsédés par les Chiites, les islamo-terroristes sunnites exigent, en échange d’une paix avec le parti de Sharif, l'adoption de lois sanctionnant pénalement la vision chiite de l'ordre de succession des califes après le prophète Mahomet, véritable casus belli pour les Chiites qui ne peuvent que se radicaliser ou fuir un pays où ils vont officiellement devenir des Infidèles. Faits parmi d’autres, le 16 février 2013, une bombe déposée dans le bazar d'un quartier chiite (hazara) de Quetta, la capitale du Baloutchistan, a tué 85 chiites. Déjà, le 10 janvier, 93 chiites ont péri de la même manière. Et le 3 mars dernier, en pleine campagne électorale, deux bombes ont explosé devant une mosquée chiite et fait 48 victimes chiites. D’après la police, l’attentat terroriste était l'œuvre du Lashkar-e-Jhangvi (LeJ), dont la vocation est d’éliminer les minorités et les « mauvais musulmans ».

A Karachi et à Quetta, les attaques antichiites sont monnaie courante. Depuis janvier 2013, plus de 250 chiites ont été assassinés par des mouvements islamistes sunnites pro-talibans. Pour l’année 2012, le bilan des victimes chiites était de 400 tués. Pour aboutir à cette pax islamica avec ces fanatiques islamistes, Sharif compte sur la puissante armée pakistanaise, véritable « Verticale du pouvoir", dont les services de renseignements (ISI) sont liés aux Talibans qu’ils ont toujours appuyé depuis les années 1980, tantôt contre les Soviétiques, tantôt contre l’Inde et pour mieux contrôler le Pakistan à travers les clans pachtounes déobandis, vrai nom théologique des Talibans et qui vivent des deux côtés de la frontière afghano-pakistanaise. Mais Sharif n’est pas apprécié des militaires qui craignent sa volonté de rendre le pouvoir aux civils et de reléguer les militaires dans leurs seules casernes, pari plus qu’improbable au Pakistan. En fait, s’il veut pacifier les Talibans et appliquer son programme, Nawaz Sharif sera obligé de composer avec le second vainqueur du scrutin , la "troisième force", le parti du très populaire Imran Khan, quant à lui soutenu en sous-main par les militaires et dont l’objectif est de rompre avec les Etats-Unis et de s’allier aux Talibans. Ce dernier, devenu le leader de l'opposition, pèsera en faveur d’une plus forte coopération avec l’armée. Et l’un des rares projets non inquiétants de Sharif qui consiste à normaliser les relations avec l’Inde sera violemment combattu par les milieux sunnites radicaux, l’armée et le parti d’Imran Khan, dont les alliés talibans considèrent l'Inde comme l’ennemi existentiel et pour qui l’alliance avec New Dehli est un casus Dheli, sachant que l’armée pakistanais a toujours couvert les terroristes islamistes du Cachemire et les talibans agfhans face à l’Inde. En conclusion, rappelons que les services secrets militaires de ce charmant « pays des Purs », le Pakistan, créé en 1947 pour les Musulmans sur fond d’expulsion de la plupart des non-musulmans, l’ISI, ont toujours été infiltrés par le djihadisme, qu’ils ont toujours soutenu les Taliban et Al-Qaïda ; que le père de la bombe atomique pakistanaise, Abdul Qadeer Khan, n’est autre qu’un ancien membre du mouvement terroriste Lashkar-e-Taiba, composante du premier cercle d'Al-Qaïda et responsable de moult attentats en Inde, attentats couverts par l’armée pakistanaise elle-même, au risque de provoquer un jour une guerre entre l’Inde et le Pakistan, deux puissances nucléaires...

N’oublions jamais que les dirigeants d’Al-Qaïda ont toujours été protégés par le Pakistan, à commencer par Oussama Ben Laden, jusqu’à sa capture, qui valut au Pakistanais qui informa la CIA d’être condamné pour « trahison » dans son pays… N’oublions jamais que Oussama Ben Laden - que l’on a longtemps cru caché en zone tribale dans une grotte immonde – fut tranquillement soigné en 2003 à l'hôpital de la ville-mosquée Binori, coeur de Karachi, et qu’il vécut jusqu’à sa mort et le raid américain qui le tua dans une confortable villa qu’il fit construire en pleine zone militaire pakistanaise, à 50 km de la capitale pakistanaise…

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