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Les sanctions économiques
arme de transition démocratique ?
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Même pas mal

Les sanctions économiques et autres mesures de gels des avoirs de dirigeants déchus ne sont pas nouvelles, mais ont connu un formidable essor ces dernières années et plus particulièrement ces dernières semaines, à la faveur de la chute des régimes tunisien, égyptien et (bientôt ?) libyen et ivoirien. Mais attention à l’exploitation politique qui pourrait en être faite, au mépris des droits individuels...

Aurélien Hamelle

Aurélien Hamelle

Aurélien Hamelle, 32 ans, est avocat au barreau de Paris, associé du cabinet Metzner Associés, spécialisé en droit pénal des affaires et droit pénal.

Il est l’auteur d’un essai sur le thème de la justice pénale, Faut-il vraiment durcir la justice ? (JC Lattès, 2009).

 

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Le Général de Gaulle disait que l’Etat français ne considère par les régimes, mais les Etats. En ce sens, l’imposition d’embargos par la communauté internationale, ou par des Etats agissant seuls, lui donne à la fois tort et raison. Tort parce que les sanctions internationales visent le plus souvent à conduire un régime en place vers la sortie. Raison en revanche car ces sanctions imposent des restrictions à l’Etat dans son ensemble.

Une histoire des sanctions internationales

Le Traité de Versailles de 1918 est un premier modèle du genre pour l’imposition de lourdes sanctions économiques par une communauté d’Etats, France et Royaume-Uni en tête, à un autre, l’Allemagne. Néanmoins, il s’agissait de réparations de guerre et non pas tant de sanctions visant à faire changer le régime en place, ce que la guerre avait déjà fait. Triste précédent, on en conviendra, qui faisait déjà dire au Maréchal Foch à l’époque qu’il ne s’agissait pas d’une paix mais d’un armistice de vingt ans. S’ensuivirent à titre d’exemple les sanctions prises par la Société des Nations contre l’Italie, après son invasion de l’Abyssinie (Ethiopie) en 1936, les sanctions américaines contre Cuba à partir de la fin des années 1950, l’embargo onusien imposé à l’Irak après l’invasion du Koweït ou plus récemment les mesures restrictives imposées au Soudan dans le contexte du conflit au Darfour.

Les embargos comme alternative ou préalable à l’ingérence armée ?

Décréter la paix ou construire la démocratie par les armes est un exercice politique périlleux et aléatoire, sans compter qu’il présente des coûts humains et matériels colossaux, comme le démontrent les exemples afghan et irakien.

Les mesures de sanctions internationales adoptées – le plus souvent – par l’ONU permettent de peser sur un régime en place sans sortir le sabre de son fourreau. On choisira par exemple d’interdire la vente d’armes ou  la fourniture de matières premières essentielles à l’industrie militaro-nucléaire, comme en Iran, pour (tenter de) contraindre un régime à évoluer. Les mesures qui touchent également au confort de vie – mais pas à la survie – des populations sont très prisées puisqu’elles nourrissent la contestation de l’intérieur.

L’histoire récente nous apprend cependant qu’il est difficile de parvenir à atteindre ces objectifs sans qu’une intervention armée ne soit finalement décidée : ex-Yougoslavie, Afghanistan, Irak. Le déroulement des événements récents en Libye ne le démontre que trop : aux sanctions ont rapidement succédé les frappes militaires.

Le gel des avoirs : outil de pression ou de réparation, c’est selon

De plus en plus de régimes de sanctions internationales prévoient des mesures de gel d’avoirs détenus dans la plupart des pays membres de la communauté internationale par des dirigeants à déchoir ou déchus. Ce gel est en théorie censé éviter que les dirigeants déchus ne puissent profiter de biens mal acquis. Néanmoins, ces mesures de sanctions individuelles sont adoptées par des instances internationales dont le souci est plus politique que judiciaire, sans qu’aucune procédure satisfaisante ne soit prévue pour protéger les droits fondamentaux des personnes pouvant être touchées à tort par celles-ci. On pense par exemple aux tiers de bonne foi auxquels des sommes seraient dues par ces dirigeants. Que faire si l’ONU gèle injustement des avoirs, alors qu’il n’existe aucun Tribunal indépendant susceptible d’imposer à l’ONU et à son conseil de sécurité, le respect de droits individuels sacrifiés sur l’autel de considérations géopolitiques ? A ce jour, le seul recours possible serait de saisir le juge national contre l’application concrète d’une mesure de gel, voir un juge supra-national comme les juges de Strasbourg (Cour européenne des droits de l’homme) ou de Luxembourg (Cour de justice de l’Union européenne), ces derniers jouissant d’une autorité suffisamment établie pour insuffler un peu de procédure équitable dans l’ordre international. Loin de fragiliser un système de sanction par ailleurs utile et efficace, cela permettra de lui conférer un peu plus de légitimité en balayant l’argument de « justice des vainqueurs » ou de « pressions occidentales » que les dirigeants visés lui opposent souvent.

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