Mario Draghi, maître ou esclave : l'homme le plus puissant d'Europe subit-il le mandat de la BCE ou le détourne-t-il subtilement mais sûrement ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Mario Draghi, peu connu du grand public, est un économiste réputé.
Mario Draghi, peu connu du grand public, est un économiste réputé.
©Reuters

Super Mario

Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne, s'exprime aujourd'hui, entre autres, sur les taux d'intérêt directeurs et l'état de santé de la zone euro. Portrait d'un homme habile et pragmatique, bien que peu connu du grand public, devenu aussi puissant que les chefs d'Etat.

Benoist  Rousseau

Benoist Rousseau

Benoist Rousseau est informaticien et historien économiste diplômé de l'Université Paris Sorbonne.

Il partage sur Andlil.com sa vision iconoclaste sur l'économie et les marchés financiers. Ancien professeur d'histoire, il dirige une société de conseils en informatique tout en étant un blogueur actif et un trader en compte propre.

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Mario Draghi, Italien âgé de 65 ans, est un économiste reconnu et un financier expérimenté. Son CV est impressionnant : titulaire d'un Doctorat en économie du prestigieux Massachusetts Institut of Technology (MIT), professeur d'université à Turin et à Florence, il devient directeur général du ministère du Trésor public italien chargé des privatisations. L'Italie est alors au bord de la faillite, et entre 1991 et 2000, Mario Draghi devient le "père la rigueur" : dévaluation de la lire, coupes sombres dans les dépenses publiques, privatisation d'une grande partie des entreprises publiques... C'est durant cette période qu'il obtient les surnoms de "Super Mario" ou de "Mister Britannia", clin d’œil à Margaret Thatcher, selon que l'on juge positivement ou négativement sa politique.

Mais sa reconnaissance va bien au-delà des frontières puisqu'en 2006, après sa nomination au poste de gouverneur de la Banque d'Italie pour six ans, il est aussi adoubé par les dirigeants du G20 qui le propulsent à la tête du Forum de Stabilité Financière. Il jouit alors d'une reconnaissance internationale. Cet homme discret, efficace et fin politique selon ses amis et adversaires, est jugé comme pragmatique et non comme dogmatique.

Seules ombres à ce parcours exemplaire, Mario Draghi traîne son passage chez Goldman Sachs comme un boulet. Alors qu'il était employé comme vice-président pour l'Europe par la banque d'affaires de 2002 à 2005, celle-ci conseillait la Grèce pour masquer ses déficits budgétaires en utilisant des produits dérivés. Était-il au courant ? De plus, son fils exerce le métier de trader sur les marchés de taux chez Morgan Stanley, marchés sur lesquels la BCE a une influence directe. Peut-on parler d'un risque de conflit d'intérêts ?

Quoi qu'il en soit, cela n'empêche pas Mario Draghi de succéder le 1er novembre 2011 à Jean-Claude Trichet président de la BCE à la suite d'une décision des chefs d'État et de gouvernements européens. Et c'est à ce poste, que Super Mario donne la pleine mesure de ses talents : il est l'homme qui à lui seul rassure les marchés financiers sur le destin de l'Union Européenne et de l'Euro. Alors que les politiques ne semblent plus s'accorder sur le chemin à suivre, que le couple franco-allemand est au plus mal, que la commission européenne est étrangement discrète, il y a dans ce chaos européen une seule personne qui semble indiquer la marche à suivre, ou du moins savoir ce qu'il fait : le président de la Banque Centrale Européenne.

Malgré le mandat de la BCE qui est très restrictif, par rapport par exemple à la Federal Reserve Américaine, Mario Draghi, subtilement, avance ses pions et prend par ses actes des décisions de politique économique. En baissant récemment son principal taux d'intérêt à 0,50 %, soit le plus bas historique, il tranche dans le débat franco-allemand : il favorise une politique de relance en Europe, les emprunteurs voient le coût de leurs crédits s'alléger, les entreprises peuvent se financer à moindre frais... Cette décision n'est pas pris par hasard, elle est perçue comme un accompagnement du frémissement de reprise aux États-Unis d'Amérique dans l'espoir que la zone euro profite elle aussi de la dynamique américaine. La décision de Super Mario a fait bondir les places boursières européennes à leur plus haut de l'année. Il annonce aussi qu'il réfléchit à mettre en place des politiques économiques non orthodoxes pour soutenir les pays du sud de l'Europe. Il faut bien entendu comprendre que Mario Draghi est prêt, pour sauver L'Euro, à intervenir aux marges de son mandat… et que par cette déclaration il fait pression sur les gouvernements européens pour qu'ils s'activent et prennent les décisions nécessaires. Il laisse entendre que si rien n'est fait, lui est prêt à prendre ses responsabilités...

Mario Draghi est donc devenu en moins de 18 mois l'homme le plus puissant d'Europe car les gouvernements européens faute de coordination, de décision et surtout de courage laissent un grand vide à la tête de l'Union Européenne. Est-ce qu'il y a encore un pilote dans l'avion ? La réponse est oui, Mario Draghi ne laissera pas l'Europe s'écrouler sans rien faire. C'est dans les périodes de crise que l'on reconnaît les grands capitaines, l'Histoire reconnaîtra peut-être dans quelques années que cet italien discret et pragmatique a tenu la barre en pleine tempête alors que les chefs de gouvernement ne savaient plus quoi faire…

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