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"Ben Laden restera à jamais comme celui qui a réussi à défier l'Occident, États-Unis en tête"
"Ben Laden restera à jamais comme celui qui a réussi à défier l'Occident, États-Unis en tête"
©Reuters

Menace posthume

Deux après sa mort, la mémoire d'Oussama Ben Laden est toujours entretenue par les plus fanatiques des islamistes. Son image a-t-ellle encore une influence réelle soit chez les talibans, soit les islamistes radicaux dans le monde ?

Haoues Seniguer

Haoues Seniguer

Haoues Seniguer est maître de conférences en science politique à l'Institut d'Études Politiques de Lyon (IEP)

Il est aussi chercheur au Triangle, UMR 5206, Action, Discours, Pensée politique et économique à Lyon et chercheur associé à l'Observatoire des Radicalismes et des Conflits Religieux en Afrique (ORCRA), Centre d'Études des Religions (CER), UFR des Civilisations,Religions, Arts et Communication (CRAC), Université Gaston-Berger, Saint-Louis du Sénégal.

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Atlantico : A l’ occasion des deux ans de la mort d’Oussama Ben Laden, leader des Talibans et cerveau supposé des attentats du 11 septembre 2001, 450 islamistes se sont réunis dans le sud-ouest du Pakistan pour lui rendre hommage. Que représentait réellement Ben Laden pour les talibans et pour les islamistes de par le monde ? Un leader ? Un idéologue ?

Haoues Seniguer : Pour la plupart des islamistes, et même quelquefois chez certains musulmans ordinaires (ce qui, soit dit en passant, peut au moins sérieusement interroger), Ben Laden restera à jamais comme celui qui a réussi à défier l'Occident, États-Unis en tête, en le frappant et en le terrorisant sur son propre territoire. Cependant, après avoir dit cela, il y a de précieuses nuances à apporter quant à la nature du rapport qu'entretiennent des musulmans à son égard, islamistes ou non du reste. L'image de Ben Laden auprès d'eux est très paradoxale, ambivalente ou contradictoire. Les talibans et les franges les plus dures de l'islamisme apprécient sans doute l'homme et son œuvre, dans son intégralité. Ceux-là estiment qu'il a parfaitement honoré le Jihâd, tandis que certains musulmans ou islamistes légalistes, tout en éprouvant une espèce de sympathie confraternelle à l'égard du croyant, tiennent néanmoins en profonde détestation son mode d'action, compte tenu des actes dont il s'est rendu coupable, et qui ont fait des milliers de victimes civiles innocentes. Ainsi, Ben Laden, quel que soit le point de vue de chacun, était moins un idéologue qu'un leader charismatique, au sens sociologique du terme. Il demeure visiblement un modèle à suivre pour certains groupuscules et individus, à l'image de ces centaines d'islamistes pakistanais que vous évoquez ! Cela reste apparemment pour l'heure un phénomène isolé. 

Ben Laden a-t-il laissé  derrière lui une sorte d’"héritage idéologique" qui structure encore une partie de la pensée islamiste ?

Un Ben Laden mort en martyr des mains d’un soldat américain est-il plus dangereux qu’un Ben Laden silencieux terré comme une proie ? L’Amérique a-t-elle eu raison de le tuer ? A ma connaissance, hormis les communiqués, Ben Laden n'était pas à proprement parler un idéologue, au sens de producteur de concepts nouveaux de l'idéologie islamiste. L'idéologie islamiste dite "radicale" ou "violente" s'était déjà en grande partie structurée dans les années 1950-1960, soit donc bien avant son émergence sur la scène publique internationale. Cette littérature a notamment été produite par l'écrivain égyptien Sayyid Qutb qui mourra pendu dans les prisons nassériennes en 1966. 

c'est une simple hypothèse que je formule ici / une forme de martyrologie pourrait avoir un certain succès ou emprise auprès de militants déjà fortement idéologisés. Les conditions de sa mort pourraient le cas échéant avoir des effets adjuvants. Ce n'est pas "l'Amérique qui  tué" Ben Laden, comme vous le dites, mais des soldats américains obéissant aux ordres de la présidence. Fallait-il le tuer ? C'est à ceux qui ont donné le feu vert et conduit l'opération de répondre à la question. En tout état de cause, dans l'absolu, il est toujours préférable de traduire les personnes présumées coupables en justice, afin d'évaluer leur niveau de culpabilité, les complicités dont elles ont pu bénéficier, de remonter les éventuelles filières, et les objectifs réels ou supposés des violences commises.

Est-il réel, comme l’a dit à cette occasion le mollah Abdul Sattar Chisti, responsable du JUI, que la mort d’Oussama Ben Laden ait redonné une impulsion au Jihad ? Celui-ci est-il de par le monde plus actif qu’avant sa mort ?

Il est difficile de répondre à une pareille question. En revanche, la sociologie nous enseigne qu'il faut toujours prendre de la distance critique par rapport  au discours des acteurs, a fortiori s'il s'agit de militants ou d'activistes, car peut se profiler une véritable guerre de communication! Sans sous-estimer la menace "terroriste" de par le monde, c'est potentiellement à un jeu de poker menteur auquel se livre le mollah pour redynamiser les troupes ! Au-delà de toutes ces légitimes interrogations sur l'islamisme violent, etc.,  l'observateur et l'acteur politique de façon générale, doivent essayer de faire l'effort lent, patient d'aller voir derrière l'écorce que constitue le langage religieux ou islamique, aux fins de comprendre les ressorts de ce qui pousse des individus ou groupes à appeler au Jihad !

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