Hollande et les entrepreneurs : la déclaration d'amour accouchera-t-elle d'une véritable révolution culturelle ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
François Hollande a annoncé hier lundi des mesures en faveur de l'entreprise et l'entrepreneuriat.
François Hollande a annoncé hier lundi des mesures en faveur de l'entreprise et l'entrepreneuriat.
©

Pigeons

François Hollande a annoncé lundi des mesures en faveur de l'entreprise et l'entrepreneuriat, allant de la sensibilisation dès le plus jeune âge à l'incitation fiscale, dans le but avoué de dissiper les tensions apparues avec les patrons à l'automne.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Voir la bio »

C’est un François Hollande méconnaissable qui s'est livré, sans pudeur ni réserve à une déclaration d’amour aux entrepreneurs. « Incroyable », les amis de Jean-Luc Mélenchon ne vont pas en dormir … « Uncredible » disent les alliés de David Cameron, « on aurait cru entendre Tony Blair.. » Outre-Rhin, les proches d’Angela Merkel ont vérifié que les télévisions fonctionnaient correctement, « unglaublich ! » après le week-end d’offensive aussi violente que débile contre la politique de la chancelière comparée à Margaret Thatcher.

Si on efface le bilan désastreux de la première année du quinquennat. Si on oublie la campagne présidentielle qui, dans le délire anti-économique avait ciblé les chefs d’entreprise, si on gomme le racket fiscal auquel le gouvernement s’est livré dans les six premiers mois, si on fait semblant de ne pas avoir entendu Arnaud Montebourg vitupérer contre les chefs d’ entreprise, et même si on se bouche les oreilles pour n’entendre ni le Front de gauche, ni le PC, ni la CGT, ni Marie Noëlle Lehmann, ni Claude Bartolone accuser l’ Allemagne…

Bref si on n’oublie tout ce qui s'est passé depuis un an, le discours de François Hollande prononcé à l’issue des assises entrepreneuriales est allé au-delà de tout ce que pouvaient attendre les chefs d’entreprise…


Alors bien sûr, il y a toute une série de mesures fiscales et institutionnelles, très détaillées qui sont de nature à améliorer les conditions de créations et de développement des entreprises. Des baisses de taux sur l'imposition des plus-values, des ouvertures de financement, une mobilisation de l’épargne …etc …etc .


Mais ce qui est aussi important c’est que ces outils de redressement (dont il faudra vérifier l’application) mais que tout le monde attendait s'appuient sur une analyse de la situation que personne ne peut réfuter aujourd’hui tant elle est évidente et sur une ambition de changer un écosystème français qui conduisait au déclinet qui nécessitait là encore avec évidence une réaction.

L’analyse développée par le président de la République correspond enfin à la réalité. Le président reprend à son compte, tout ce que les observateurs responsables ne cessent pas de rabâcher depuis un an. En trois points.


1e point, la France est en train de crever de chômage. Pas de travail, pas de perspectives d’en trouver. Tout est paralysé, impossible de créer des emplois publics, on en a trop et pas d'argent pour les financer. Trop de déficits publics, trop d’endettement que personne ne veut plus payer à notre place.


2e point, la seule solution pour en sortir c’est de faire de la croissance, le seul moyen de faire de la croissance c’est de permettre aux entreprises de se développer et pour que les entreprises puissent se développer il faut leur dégager la route et leur redonner des marges de compétitivité. Notre appareil de production ne tient plus en équilibre dans cet univers concurrentiel mondialisé. C’est tout simple.


3e point, le seul moyen d’améliorer la compétitivité, c’est d’alléger le poids de charges sociales et fiscales, et de promettre aux chefs d'entreprise qui ne seront pas rançonnés (sinon ils se couchent) mais au contraire ils seront récompenses financièrement pour les risques qu’ils ont pris ou qu’ils prennent chaque jour. François Hollande ajoute qu’il lui faut aussi « réinventer » une culture pro-entreprise. Devant le ministre de l’Education nationale, il a dit qu’il fallait introduire l’entreprise à l’école. Vincent Peillon qui n'a jamais mis les pieds dans une entreprise va avoir du travail à faire sur lui-même. Ce n’est pas un projet c’est une révolution culturelle. Devant le ministre de l’Economie et du Budget, Pierre Moscovici, il a carrément dit qu’il avait demandé aux services fiscaux de ne plus harceler les chefs d’entreprise par des contrôles intempestifs.

On a donc « compris que le Président avait enfin compris » que son quinquennat se jouerait sur le dynamisme des entreprises seules créatrices de richesse.


Alors beaucoup y verront une rupture avec tout ce qui s'est passé, oui sauf que lui et ses collaborateurs s’évertuent à expliquer que tout cela est cohérent et se situent dans la continuité, le pacte de compétitivité de Louis Gallois, la rigueur budgétaire, l’adhésion renforcée à la zone euro .. etc etc.


Sans doute est-ce dans la continuité de tout ce qui a été fait ! Mais les analystes politiques retiendront surtout que François Hollande a pris ce virage le dos au mur, bloqué par les résultats exécrables, les risques de la récession donc de la faillite et la montée des extrémismes de gauche qui professent des objectifs allant de la non-croissance au protectionnisme c’est-à-dire à l’enfermement économique.Il a donc écouté enfin le bruit de pigeons, la plainte des patrons du CAC 40, il a aussi entendu l’enthousiasme des entrepreneurs français installés en Chine (il ne savait pas qu’ils existaient ), il a lu et relu les notes d’Emmanuel Macron son conseiller économique à l’Elysée qui pleure depuis un an, il a dîné et déjeuné avec Michel Sapin, Manuel Valls, Pierre Moscovici et reçu beaucoup de patrons, il a même compris les responsables de la CFDT ou de la CGPME ou de la CGT qui l’ont imploré de faire quelque chose. Dans un sens ou dans l’autre. Mais de faire, d agir, de piloter !!!.

Enfin, il ne peut pas ne pas avoir senti le danger que représentait la tendance très anti-allemande de l’aile gauche.

Le patronat et l'opposition ne pourront pas être très critiques après cette déclaration d’amour aux chefs d’entreprise.. Sauf qu’après avoir pris du recul.. il faudra bien évidemment surveiller deux choses.


Un, l'application de tout ces outils n’est pas évidente. Il faudra assumer techniquement la réforme fiscale et sociale, vérifier surtout que la chasse aux patrons a bien été fermée. Mais là, n’est plus l’essentiel. L’essentiel, le test du changement portera sur la gestion budgétaire et les dépenses publiques. Des intentions ont été données mais rien n’a été fait, Plus grave, le président a laissé parler ceux de sa famille qui ont d’une façon très démagogique mis en cause l’accord franco-allemand.


Deux, il faudra voir comment François Hollande gère sa majorité. Il a chaussé les bottes de la responsabilité économique.Bien.Mais ses électeurs se sentent complètement trahis. Comment gérer un programme de croissance avec des alliés écologistes qui ne veulent pas de croissance ?Comment gérer un système fiscal plus favorable aux patrons quand le Front de gauche les traite de voyous ?

Alors oui ça pourrait marcher, mais à condition de se fermer les yeux, d’oublier ce qui s’est dit pendant la campagne présidentielle, de gommer les dissensions au sein de l’équipe gouvernementale etc… Bref de se réinventer. Beaucoup vont avoir du mal à oublier parce que beaucoup politiquement ne savent plus où ils habitent.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !