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Pourquoi une loi "Florange" sur les sites rentables passera difficilement l’épreuve du Conseil constitutionnel
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L'Assemblée nationale examine aujourd'hui la loi sur la reprise des sites rentables, rebaptisée loi Florange. Une loi promise par François Hollande pendant sa campagne. Si elle est adoptée par le Parlement, peut-elle être validée par le Conseil constitutionnel ?

Philippe Blacher

Philippe Blacher

Philippe Blacher est professeur de droit constitutionnel à l'université Jean Moulin Lyon 3 et il dirige le centre de Droit constitutionnel. Il est également l'auteur du livre Droit Constitutionnel aux édition Broché.

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Il faut souhaiter que le Parlement puisse jouer son rôle de législateur, prévu à l'article 24 de la Constitution. Par conséquent, le texte qui sera déposé demain à l'Assemblée nationale a vocation à évoluer, à être amendé par les parlementaires.

Le projet de loi relatif à la sécurisation de l'emploi comporte plusieurs dispositions issues de l'accord national interprofessionnel du 11 janvier dernier. Une nouvelle rédaction du code du travail obligerait une entreprise à rechercher un repreneur.

Cet article peut – sans doute – être jugé conforme au droit de propriété dans la mesure où le Conseil constitutionnel adopte une jurisprudence bien moins protectrice de la propriété privée que la Cour de cassation par exemple. Soucieux de préserver la liberté du législateur (le Conseil rappelle fréquemment « qu'il ne possède pas un pouvoir d'appréciation et de décision identique à celui du Parlement » pour valider la loi), le Conseil constitutionnel vérifie simplement qu'une « nécessité publique » justifie l'atteinte à la propriété. En l'espèce, on peut estimer que la préservation de l'emploi, l'intérêt économique local et une forme de protectionnisme économique soient des motifs suffisants pour valider l'atteinte au droit de propriété.

En revanche, beaucoup moins certaine est la conformité constitutionnelle de la disposition à l'égard de la liberté d'entreprendre. Protégée depuis une décision du 16 janvier 1982 (Loi de nationalisation), la liberté d'entreprendre peut certes connaître des limitations liées à des justifications d'intérêt général mais le législateur ne peut y apporter une atteinte « disproportionnées » au regard de l'objectif poursuivi par la loi. La jurisprudence constitutionnelle impose, de surcroît, que les limitations apportées à la liberté d'entreprendre soient énoncées de façons claire et précise. Dans ces conditions, il est possible que l'appréciation du juge constitutionnel repose sur l'alternative suivante :

-  ou bien cette recherche par l'entreprise d'un repreneur est qualifiée d'obligation juridique, et dans ce cas il y a de fortes chances que la disposition législative soit déclarée contraire à la Constitution. Comment imposer aux entreprises une obligation de rechercher (et de trouver) un repreneur ? Quel type de sanction (pour l'heure non prévue par le projet de loi) risque le chef d'entreprise récalcitrant ? Comment ce régime incitatif peut-il être jugée « normatif » ?

ou bien cette obligation n'est pas une « norme » juridique – au sens strict du terme – mais plutôt une exigence constitutionnelle. Ainsi la recherche d'un repreneur ne peut pas être analysée comme une véritable obligation juridique mais plutôt comme une obligation morale. Plusieurs indices révèlent le caractère non juridique de la contrainte : l'absence de sanction; l'absence de contrôle dans le suivi du dispositif; la rédaction floue de la disposition... Par conséquent, si ce n'est pas une règle de droit mais une simple recommandation il n'y a pas véritablement de contrôle de constitutionnalité qui s'exerce et faute d'être du vrai droit il y a peu de chance de voir les comportements dans l'avenir modifiés par ce texte !

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