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Quand Hans Werner Sinn, le trublion teuton répond à George Soros : non, l'Allemagne ne doit pas quitter la zone Euro
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Droit de réponse

Le financier George Soros considère que si l’Allemagne veut continuer de faire obstacle à l'introduction des euro-bonds, elle devrait quitter la zone euro. L'économiste allemand Han Werner Sinn lui a rédigé une réponse cinglante.

Bruno Bertez

Bruno Bertez

Bruno Bertez est un des anciens propriétaires de l'Agefi France (l'Agence économique et financière), repris en 1987 par le groupe Expansion sous la houlette de Jean-Louis Servan-Schreiber.

Il est un participant actif du Blog a Lupus, pour lequel il rédige de nombreux articles en économie et finance.

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Billet publié initialement sur le Blog a Lupus

Avant-propos de Bruno Bertez

Sinn über alles! Sinn est le meilleur !

Le texte de Sinn est comme à l’accoutumée remarquable.

La logique y règne en maître  Il démystifie les propositions de Soros comme il se doit ; c’est-à-dire en montrant que les euro-bonds sont la solution des kleptos, debtocrates qui veulent faire leur plein sur le dos des peuples.

Il trace l’articulation entre la crise financière et les problèmes économiques sous-jacents comme la sous-compétitivité des pays du sud et de la France. Car l’essentiel est là. Faire l’économie d’une restructuration économique ne permet que de gagner du temps, les problèmes restent intacts. Mieux, ils s’enracinent, et Sinn le montre bien.

Il nous fournit le chiffre colossal déjà consenti :  1,2 trillions ont été consentis à ce jour.

Là ou Sinn est faible, c’est lorsqu’il aborde la politique. Il ne considère pas que les demandes des eurosceptiques doivent être prises en compte, il faut les balayer, il faut faire contre elles, contre la volonté, finalement, des peuples. Cela le conduit à prendre ses désirs pour des réalités :  le redressement par l’austérité et la dévaluation interne sont possibles. Il néglige la politique et donc le social, ce qui est une faiblesse considérable.

De la même façon, il écarte la possibilité que l’Allemagne sorte de l’euro, non en se situant au niveau économique, mais en se situant au niveau de la politique étrangère, la frontière avec la France. C’est une pirouette ! Ce n’est pas parce que le mythe de la réconciliation forcée entre la France et l’Allemagne a la vie dure qu’il faut y souscrire. Le peuple français ne se rapproche pas du peuple allemand. Il s’en écarte. Mieux, l’animosité se développe des deux cotés du Rhin. L’euro forcé, l’euro à tout prix, dresse les peuples les uns contre les autres, il ne les rapproche pas. Donc l’argument de Sinn ne résiste pas à l’analyse.

Il y a une voie que Sinn n’a pas encore explorée dans ses réflexions, c’est celle de la restructuration européenne concertée des dettes et des créances. C’est la seule voie qui permet de traiter le passé, de libérer l’avenir, de libérer les énergies, de s’attaquer aux problèmes conjoints de la compétitivité et de l’investissement.

On ne peut à la fois solder les comptes du passé et  préparer l’avenir. Il faut choisir. Les ressources sont rares, si on les consacre à payer des dettes et solvabiliser des créances fictives, on ne peut en même temps avoir les capitaux pour investir.  Le refus de restructurer les dettes condamne à plus de 10 ans de régression.

La restructuration concertée des dettes serait la contrepartie qu’il faudrait donner aux peuples pour qu’ils acceptent l’effort de la productivité, de la mise à plat des systèmes sociaux. Elle serait la pierre angulaire d’un grand projet  qui redonnerait un avenir à l’Europe et un sens aux efforts demandés aux citoyens.

PIB de la Zone euro depuis 2007 (base 100)

Chômage des jeunes (moins de 25 ans) en Europe


Nous voudrions insister sur la faiblesse fondamentale du papier de Sinn. Nous pouvons nous permettre de le faire parce qu’au plan économique, nous partageons quasi sans réserve son analyse. Mais précisément, le plan économique ne suffit pas. Les hommes ne sont pas des abstractions, ce sont des êtres vivants, pas toujours intelligents, plutôt « sheople », dociles, mais jusqu’à un certain point. Dans l’analyse, il faut réintroduire l’humain, la société, la société civile, l’effort, le sang, les larmes, bref il faut remettre du concret.

On ne peut raisonner en stricte économie car l’économie c’est bon en rythme de croisière, de beau temps. Derrière l’économie, ce qui se dissimule et n’apparaît que dans les périodes de crise et de dislocation, c’est la force, la violence.

Notre idée est que nous approchons d’une de ces périodes. Ce ne sera pas linéaire, progressif comme le pensent les politiques et les économistes, non, ce sera en rupture. En tout ou rien. Un jour on supporte,  les idiots croient à la linéarité et puis le lendemain, c’est le fétu de paille sur le dos du chameau, la goutte qui fait déborder le vase et les réactions non linéaires, les réactions de foule s’enclenchent. C’est cela la vie, c’est cela l’humain… Bien sûr, cela se situe en dehors de la capacité d’entendement des  Bernanke, des Enanistes, des socialistes de la sociale démocratie. Et c’est pour cela que la crise précisément a éclaté en 2008, la non linéarité, les phénomènes de foule.

Quand c’est trop, c’est trop.

La semaine dernière, un universitaire réputé espagnol a publié un texte de grande qualité sur une éventuelle sortie de l’Espagne de la zone euro. C’est un texte disons nous de qualité. Rien a voir avec les déclamations populistes que les pseudo élites n’ont aucune difficulté à ridiculiser.

Ventes au détail et confiance des consommateurs en Espagne

Emprunts toxiques des banques espagnoles

Chômage en Espagne



Ce professeur part du réel, le chômage et la baisse du niveau de vie des Espagnols. Il ne part pas de l’économie et de la finance, il part de la vie. C’est lui, avec ses compétences, son expérience, sa connaissance de l’histoire qui cette fois ridiculise les tenants de la thèse officielle bien-pensante. La sortie de l’euro est catastrophique, elle est inimaginable, impossible.

Nous pensons que la sortie d’un pays faible n’est pas la meilleure solution technique, la meilleure solution c’est la sortie des pays du Nord par le biais et la transition de la création d’un second euro, L’EUROMARK. Les études existent, au plus haut niveau, on les dissimule de peur que l’on sache qu’il y a des alternatives à la situation présente.

Réponse à George Soros par Hans Werner Sinn

Le débat sur les euro-bonds n’a rien de désintéressé. Les financiers veulent limiter leurs pertes en déchargeant la toxicité de leurs instruments sur les sauveteurs intergouvernementaux. L’Allemagne ne cédera pas.

L’été dernier, le financier George Soros invitait l’Allemagne à accepter la mise en place du Mécanisme européen de stabilité, appelant le pays à "diriger ou se retirer". Il considère aujourd’hui que, si l’Allemagne veut continuer de faire obstacle à l’introduction des euro-bonds  elle devrait alors quitter la zone euro (L’Agefi Suisse du 11 avril).

Soros joue véritablement avec le feu. Une sortie de la zone euro, tel est en effet précisément ce à quoi aspire le parti récemment formé et baptisé «Alternative pour l’Allemagne», tirant son soutien d’une large proportion de la population allemande.

Le temps presse. Chypre est quasiment en passe de sortir de l’euro, l’effondrement de ses banques ayant certes été retardé par la fourniture de liquidités d’urgence. Les partis eurosceptiques dirigés par Beppe Grillo et Silvio Berlusconi ont de leur côté rallié au total 55% du vote populaire aux dernières élections italiennes.

Il est peu probable par ailleurs que les Grecs et les Espagnols supportent plus longtemps le poids de l’austérité économique, le chômage des jeunes approchant  les 60%. Pendant ce temps, le mouvement pour l’indépendance de la Catalogne suscite un tel élan qu’un important général espagnol a averti qu’il enverrait l’armée à Barcelone si la province avait l’audace d’organiser un référendum sur la question d’une sécession.

La France, se heurte elle aussi à des problèmes de compétitivité, et se trouve dans l’incapacité d’honorer ses engagements en vertu du Pacte budgétaire de l’Union européenne. Le Portugal a quant à lui de nouveau besoin d’un plan de sauvetage, et la Slovénie pourrait elle aussi bientôt solliciter une aide.

De nombreux investisseurs font écho à Soros. Ils souhaitent en effet limiter les pertes, en déchargeant la toxicité de leurs instruments sur les sauveteurs intergouvernementaux susceptibles de les payer grâce aux fruits de la vente d’euro-bonds, désirant voir leur argent placé en un lieu plus sûr. Les peuples font d’ores et déjà l’objet de sollicitations mal avisées dans un effort d’épongement des titres toxiques et de soutien des banques les plus fragiles, les institutions financées par les contribuables, comme la BCE, et autres plans de sauvetage ayant à ce jour apporté 1 200 milliards d’euros en crédit international.

Si Soros a raison, et que l’Allemagne doit faire un choix entre les euro-bonds et une sortie de la zone euro, de nombreux Allemands préféreront très certainement quitter l’euro. Il serait alors probable que le nouveau parti politique allemand suscite de plus en plus de soutien, et que l’état d’esprit change. Il en serait alors fini de l’euro lui-même; son principal objectif n’était-il pas en effet de rompre la domination de la Bundesbank en matière de politique monétaire.

Seulement voilà, Georges Soros est dans l’erreur. Pour commencer, il n’existe aucune base juridique à sa proposition. L’article 125 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne interdit expressément la mutualisation de la dette.

Pire encore, Soros échoue à reconnaître la véritable nature des problèmes de la zone euro. La crise financière actuelle est le simple symptôme du mal sous-jacent qui touche l’union monétaire : la perte de compétitivité de ses États membres du sud.

L’euro a permis à ces pays d’accéder au crédit à bas prix, lequel a été utilisé pour financer des augmentations de salaires qui n’ont pas été soutenues par des gains de productivité. Ceci a abouti à une explosion des prix et à des déficits extérieurs colossaux.

Le fait de maintenir des prix et des revenus nominaux excessifs dans ces pays, au moyen d’un crédit artificiellement bon marché et garanti par d’autres États, ne peut que rendre la perte de compétitivité d’autant plus permanente. L’ancrage de relations débiteur-créancier entre les États de la zone euro ne peut quant à lui qu’alimenter les tensions politiques – comme cela fut le cas aux États-Unis dans les premières décennies du pays.

Afin de retrouver de la compétitivité, les États du Sud devront réduire le prix de leurs produits, et les États du Nord accepter une inflation plus élevée. Or, l’existence d’euro-bonds entraverait précisément cette issue, dans la mesure où les prix relatifs au nord ne peuvent être augmentés que lorsque les épargnants du nord investissent leur capital sur leur territoire, et non lorsque ce capital est officiellement escorté vers le sud dans le cadre de garanties de crédit financées par le contribuable.

D’après une étude conduite par Goldman Sachs, des pays comme la Grèce, le Portugal et l’Espagne vont devoir devenir 20 à 30% moins chers, et les prix allemands augmenter de 20% par rapport à la moyenne de la zone euro. Certes, si l’Allemagne venait à sortir de la monnaie unique, le retour à la compétitivité serait plus aisé pour les pays du sud dans la mesure où l’euro reliquat ferait l’objet d’une dévaluation ; mais la difficulté fondamentale des États en crise persisterait aussi longtemps que les autres pays compétitifs demeureraient au sein de la zone euro. L’Espagne, par exemple, serait encore contrainte d’abaisser ses prix de 22 à 24% par rapport à la nouvelle moyenne de la zone euro.

Dans une telle perspective, les pays en crise n’échapperaient pas à une réduction douloureuse des dépenses aussi longtemps qu’ils évolueraient au sein d’une union monétaire réunissant un certain nombre d’États compétitifs. La seule manière d’éviter cela consisterait pour eux à sortir de la zone euro afin de dévaluer leur nouvelle monnaie. Ce n’est cependant pas la voie vers laquelle ils semblent jusqu’à présent s’orienter.

Sur le plan politique, une sortie de la zone euro constituerait de la part de l’Allemagne une erreur considérable, dans la mesure où le Rhin réapparaîtrait en tant que frontière patente entre la France et l’Allemagne. La réconciliation franco-allemande, réussite la plus significative de la période d’après-guerre en Europe, s’en trouverait mise à mal.

Ainsi, aussi déplaisante puisse-t-elle paraître à certains États, la seule option restante consiste à resserrer les contraintes budgétaires au sein de la zone euro. Après des années de crédit facile, il est temps de revenir à la réalité. Il appartient aux États en faillite d’informer leurs créanciers de leur incapacité à honorer leurs dettes. Quant aux spéculateurs, il leur faut endosser la responsabilité de leurs décisions, et cesser de solliciter les deniers du contribuable dès lors que leurs investissements tournent mal. (HWS)

Hans-werner sinn  Université de Munich Project Syndicate Avril 13

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