Mur des cons : "Comment accepter la haine et le mépris de magistrats pour des familles qui, comme la mienne, ont eu un enfant tué" ? <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Philippe Schmitt, père d'Anne-Lorraine, assassinée de 34 coups de couteau dans le RER D, est sur le "Mur des cons".
Philippe Schmitt, père d'Anne-Lorraine, assassinée de 34 coups de couteau dans le RER D, est sur le "Mur des cons".
©DR

Réaction

Philippe Schmitt est le père d'Anne-Lorraine, assassinée de 34 coups de couteau dans le RER D, le 25 novembre 2007, par un récidiviste, Thierry Devé-Oglou. Il figure sur le Mur des cons du Syndicat de la magistrature (SM), révélé par Atlantico. Ce jeudi, il a décidé de porter plainte.

Atlantico : A titre personnel, comment avez-vous appris votre présence sur ce mur et quelle est votre réaction ?

Philippe Schmitt : Je me suis rendu sur votre site le jour de la sortie de l'information. J'ai passé la vidéo très rapidement. Mais je ne me suis pas repéré dessus. J'étais passé à autre chose. Et en fait j'ai appris ça de la part d'un ami qui m'a contacté et m'a affirmé m'avoir vu sur ce mur. J'ai donc revu la vidéo en m'arrêtant plusieurs fois pour me chercher. Et effectivement, avec surpris et stupeur, je me suis reconnu sur ce mur. On me voit en chemisette bleue avec un pull sur les épaules. Et sur ma photo,  il y a un autocollant avec la flamme symbole semble-t-il du Front national.

Alors tout d'abord, je n'appartiens en aucun cas au Front national. Ensuite avec mon épouse et mes enfants  nous sommes profondément scandalisés ! S'agissant d'un homme politique cela peut être dans la logique des choses de prendre des coups bas. Mais moi je ne suis pas un homme politique. Je suis le père d'une victime et je trouve absolument abject de me retrouver sur un mur intitulé le "Mur des cons" !  A travers ma photo, je trouve que c'est notre histoire personnelle qui est bafouée. On voit à travers de tels actes le mépris et la haine que ces magistrats éprouvent pour des familles comme nous et comme toutes les familles de France qui ont eu une enfant tué dans ces circonstances. Je trouve cela absolument  anormal.

Pourquoi je suis là ? Je me pose la question. J'ai critiqué, je critique encore et je critiquerai toujours, parce que ce ne sont pas eux qui me feront taire, les dysfonctionnements de la justice. Je trouve anormal que des gens qui soient punis de 10 ans de prison n'en fassent que cinq. On les retrouve dans la rue. Ils sont sans contrôle. Ils récidivent. Tout le monde trouve cela normal. Je m'élève contre ce fait. Je m'élève contre la suppression des peines de rétention. J'ai été opposé à l'abolition des peines planchers. Je suis donc forcément, d'après eux, un dangereux facho.

Que pensez-vous de la mise en place d'un "Mur des cons" au sein du Syndicat de la magistrature ?

Je pense que c'est totalement déplacé ! On n'est pas dans une salle de classe, dans une salle de potaches ou dans un patronage. On est dans un monde de magistrats et j'estime que leur première qualité n'est pas forcément d'être impertinent. Le principe d'un tel mur, je trouve cela scandaleux. Le fait même, d'une certaine manière, qu'ils fichent des gens sur un mur intitulé "Le Mur des cons" c'est quelque chose de honteux. Sur quel critère est-on un con ? A titre personnel, j'aimerais bien savoir le critère sur lequel j'ai été sélectionné. Le principe même dans un syndicat, soit disant responsable au niveau du siège national, qu'il puisse y avoir ce mur là, c'est une plaisanterie qui ne fait pas rire du tout.

Ces critiques que vous faites envers la justice, sont-elles selon vous les seules motivations qui ont poussé les auteurs à vous placer sur ce mur ?

Il y a cette motivation là effectivement. La deuxième c'est que par le passé j'ai participé à un débat télévisé avec un de leur responsable. Le débat a été cordial mais très musclé. Cette personne en question n'a peut-être pas accepté et est peut-être revenu le soir même en disant : "J'ai débattu avec ce type. Quel con !" C'est une hypothèse.  J'ai fait également un bout de chemin avec l'Institut pour la justice mais cela fait plus de quatre ans. Je ne pense pas que cela soit la raison. Vraiment je ne vois pas, je ne sais pas pourquoi.

J'ai bénéficié de par mes relations de micros et de présence médiatique et je n'ai jamais manqué une occasion de dire ce que je pensais. Aux Assises, au moment du procès de l'assassin de ma fille, chaque soir j'ai dit tout ce que je pensais de cette politique pénale qui est mise en place. J'ai été reçu aussi à une conférence où j'ai dit tout le mal que je pensais du projet Taubira. Je ne m'en suis jamais caché et je continuerai ainsi. Peut-être que cela leur déplait.

Quelles sont les suites judiciaires que vous envisagez à cette affaire ?

J'ai eu mon avocat au téléphone dans l'après-midi. Nous étions en train d'évoquer toutes les possibilités pour donner suite à cette affaire. Je vais porter plainte pour insultes. Maintenant est-ce que cette insulte s'est faite dans un cadre privé ou public ? Est-ce qu'un siège de syndicat est accessible facilement ? C'est ce que nous sommes en train de regarder avec mon avocat (Maître Bruno Drye ndlr).  

La plainte sera déposée dans les jours qui viennent parce qu'avant je souhaite voir quelle est l'évolution de cette histoire. Aujourd'hui la Garde des Sceaux s'est exprimée par exemple. Elle aurait demandé l'avis du Conseil supérieur de la magistrature. Ce ne sont peut-être que des gesticulations médiatiques. A voir. J'étudie de toute manière très sérieusement la possibilité d'une action avec mon avocat. Mon avocat demande d'ailleurs à ce qu'on publie la liste des membres du Syndicat de la magistrature. En effet, il se propose de les récuser désormais systématiquement dans les prochaines affaires dans lesquelles ils seraient amenés à intervenir. Il estime que ce sont des magistrats partiaux et à ce titre là la justice n'est donc pas bien rendue.

Propos recueillis par Maxime Ricard

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !