Mais qu'est-ce que la loi d'amnistie sociale vise vraiment à apaiser : les relations sociales ou celles entre le gouvernement et ses alliés politiques ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Le texte d'amnistie des délits et sanctions pour des faits commis lors de mouvements sociaux est discuté à l'Assemblée nationale.
Le texte d'amnistie des délits et sanctions pour des faits commis lors de mouvements sociaux est discuté à l'Assemblée nationale.
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Drapeau blanc

Le texte d'amnistie des délits et sanctions pour des faits commis lors de mouvements sociaux est discuté à l'Assemblée nationale à partir de ce mercredi. Adopté dans la douleur au Sénat, il divise la majorité. Alain Vidalies, le ministre des Relations avec le Parlement a annoncé que le gouvernement allait finalement se positionner contre : "La position du gouvernement dans ce débat sera non. Nous ne sommes pas favorables à cette amnistie, ni à aucune autre." a-t-il déclaré sur France info.

Alexandre Melnik

Alexandre Melnik

Alexandre Melnik, né à Moscou, est professeur associé de géopolitique et responsable académique à l'ICN Business School Nancy - Metz. Ancien diplomate et speach writer à l'ambassade de Russie à Pairs, il est aussi conférencier international sur les enjeux clés de la globalisation au XXI siècle, et vient de publier sur Atlantico éditions son premier A-book : Reconnecter la France au monde - Globalisation, mode d'emploi. 

 

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La loi d’amnistie sociale constitue une nouvelle preuve que l’actuel leadership français est complètement déboussolé face aux tempêtes de l'économie globale du XXI siècle. Le gouvernement, faisant passer au forceps cette loi, me rappelle un médecin incompétent qui, incapable d'établir un diagnostic adéquat, prescrit un « traitement de papa » sous forme de cachets d'aspirine à un malade atteint d'un cancer.

Prenons un peu de recul conceptuel : en ce début de nouveau millénaire, face aux impératifs brûlants de la globalisation (à savoir - une totale transmutation du paradigme civilisationnel de l'Humanité, un réel changement DE monde, comparable au tournant de la Renaissance avec son corollaire de la Première révolution industrielle) la gauche française, la plus idéologique et la plus archaïque du monde occidental, s'accroche comme à une bouée de sauvetage à une vision fossile du XIX siècle qui sent la naphtaline du «  Capital » de Karl Marx, sous une forte influence de Pierre-Joseph Proudhon avec son célèbre aphorisme « la propriété, c'est le vol ». Quelle pitoyable, scandaleuse inculture économique ! Quelle ignorance de l'abécédaire de l'économie de marché devenue aujourd'hui universelle, faute de toute alternative crédible.

Bref, en imposant la loi d’amnistie sociale, le gouvernement, une fois de plus, manifeste son déni de réalité et construit une nouvelle « ligne Maginot », absolument inopérante et contre-productive dans un monde plat, global et de plus en plus compétitif. Résultat : la France, en s'attaquant à des chimères d'un autre âge, perd dramatiquement des points dans la course à la performance engagée à l'échelle planétaire. Et, malgré son fort potentiel de développement, elle s'enfonce (dois-je dire - elle se complaît ?) dans une absurde « race to the down » propre à un « loser » de la globalisation qui, comme un dépressif suicidaire, construit lui-même son échec.

Je rappelle également que le problème des syndicats en France est inscrit dans une partie de l’ADN identitaire française, façonnée par la révolution de 1789, dont la gauche française, sclérosée dans sa vision du monde, s'est attribué les droits d'auteur. Incapable de générer les trade-unions à l'anglo-saxonne – pragmatiques, disposés au dialogue social, ouverts aux négociations avec le patronat – la France, sous le prétexte de la justice sociale, a accouché un monstre syndical, bureaucratique et casseur, téléguidé par la gauche de la gauche. Ainsi, pendant la guerre froide, les fers de lance du mouvement syndical se sont transformés en des succursales du PC subventionnées par le Kremlin via le KGB.

Aucun dirigeant français - hormis sans doute Nicolas Sarkozy qui n’est cependant pas allée jusqu’au bout de cette démarché – n’a jamais osé s’attaquer à ce tabou, pour détrôner de son piédestal cette vache sacrée du syndicalisme français érigée par la gauche au pouvoir en vertu et en fondement du fameux modèle français. Sur ce point, la France aurait vraiment besoin d’une Margaret Thatcher, volontariste et audacieuse, pour inscrire son mouvement syndical atavique dans la modernité, pour l’adapter aux défis de notre temps. Hélas, cela ne s’est jamais produit : trop de pesanteurs, trop de lourdeurs du « système français », et surtout la peur du changement, la peur qui pénètre le « logiciel mental » français, inhibant toute réforme en profondeur.

Bien sûr, le timing de l’adoption de la loi n’est pas dû au hasard : cette mesure intervient au moment d’une forte progression de Jean-Luc Mélenchon qui profite de l’impéritie du gouvernement. Mais en lui jetant cet os dans la vaine tentative de le calmer et reprendre l’initiative, François Hollande joue avec le feu, car, en réalité, il ne fait qu’aiguiser les appétits du Front de gauche et au lieu d’apaiser le climat social, déjà tendu, il ne fera que l’exacerber.

A travers cette loi qui représente une véritable « prime à la casse », une sorte d’indulgence délivrée aux plus violents instincts de l’extrême-gauche, le gouvernement français, hermétique, allergique au changement, et de surcroît, de plus en plus dominé par ses vieux démons du trotskisme-léninisme, tente, en vain, de s'amnistier elle-même, en vase clos, sans aucune prise avec les réalités du monde. Il commet ainsi une erreur stratégique dont la nocivité est comparable avec la Loi des 35 heures. C’est une démarche myope, lourde de nouveaux conflits, destructrice pour tout ce qui reste de la compétitivité française. Adopter en 2013 la loi sur l’amnistie sociale revient à s’accrocher aux manuscrits à l’époque de l’imprimerie, ou encore à la traction animale au moment de l’invention de la machine à vapeur. Autrement dit, se tromper de siècle !

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