Déblocage de la participation pour relancer le pouvoir d’achat : mais pourquoi cela fonctionnerait-il davantage cette fois-ci que les précédentes ? <!-- --> | Atlantico.fr
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La proposition de loi sur le déblocage de l'épargne salariale est présentée mardi à l'Assemblée nationale.
La proposition de loi sur le déblocage de l'épargne salariale est présentée mardi à l'Assemblée nationale.
©Reuters

Coup d'épée dans l'eau

Le gouvernement veut miser sur le déblocage de l'épargne salariale pour soutenir la croissance. Une stratégie tentée à plusieurs reprises par le passé ... sans grand succès.

Jérôme Dedeyan

Jérôme Dedeyan

Jérôme Dédeyan est président de Debory Eres, une entreprise spécialisée dans l’épargne salariale et l’actionnariat salarié. Il intervient régulièrement sur BFM Business dans l’émission "Les Experts".

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Atlantico : La proposition de loi sur le déblocage de l'épargne salariale est présentée mardi à l'Assemblée nationale. Elle devrait normalement être acceptée et mise en place dès juillet. En quoi consiste-t-elle ? Quel est l'objectif visé par le gouvernement ?

Jérôme Dedeyan : Le gouvernement prévoit que les salariés pourront débloquer par anticipation pour consommer, et pendant 6 mois, en une seule fois, jusqu’à 20 000€ de leurs avoirs de Participation et d’Intéressement détenus dans leur Plan d’Epargne d’Entreprise. Cette possibilité sera donc ouverte avant la fin du délai traditionnel de blocage de 5 ans de chaque versement, même si les salariés n’ont pas un des 10 cas traditionnels de déblocage anticipé (mariage ou PACS, achat de résidence principale, cessation du contrat de travail…). A priori les avoirs détenus dans un PERCO (Plan d’Epargne Retraite Collectif) ou en FCPE solidaires ne sont pas concernés. Le déblocage des avoirs détenus dans un PEE et investis en actions de l’entreprise (actionnariat salarié) devrait, lui, être autorisé par un accord d’entreprise.

Les trois derniers déblocages de participation, en 2004, 2005 et 2008 ont été des échecs. En 2008, sur les 12 milliards d'euros de prévision par le gouvernement, les salariés n'ont finalement sorti que 3,9 milliards. Peut-il fonctionner cette fois alors qu'il a échoué auparavant ? Y a-t-il des paramètres qui ont changé et qui expliqueraient qu'il puisse avoir un réel intérêt ? 

L’échec de 2008 montre bien combien les salariés sont attachés à leur épargne salariale, d’autant plus que la Participation et l’Intéressement ne sont placés que si le salarié l’a choisi au moment du versement. En 2005, c’était encore plus flagrant puisque 80% des avoirs débloqués… ont été ré-épargnés, souvent dans des produits d’épargne moins avantageux ou ne finançant pas ou moins directement l’économie, essentiellement assurance-vie et Livret A.

N'est-ce pas une vision court termiste ? Peut-elle vraiment relancer la consommation ? 

Si les français voulaient consommer et pas épargner, ils mobiliseraient les avoirs d’épargne salariale déjà disponibles sur leurs plans d’épargne. Or ils les gardent souvent plus longtemps que les 5 ans théoriques de placement. Et puis 20 000 €, c’est une somme qui est très largement supérieure aux 7 500€ dont les français disposent en moyenne dans leur plan ! Et comment vérifier que les sommes débloquées, qui ne sont pas du pouvoir d’achat supplémentaire, mais bien le fruit du partage du profit épargné librement par les 9 millions de salariés qui en bénéficient chaque année, iront bien acheter des produits, « made in France» de surcroît, et contribuer à la relance ? En mettant en place une usine à gaz de contrôle des facturettes, et de barrière anti ré-épargne ? On peut aussi dire que cette mesure est injuste pour les salariés qui n’ont pas pu accumuler cette épargne car non bénéficiaires.

Alors que de prochaines réformes concernant les retraites vont être lancées, quel peut-être l'intérêt pour les salariés à liquider leur épargne longue ? 

Aucun, sauf s’ils ont ponctuellement un besoin impérieux d’argent à très court terme. Le PEE est favorablement traité puisque les plus-values ne sont soumises qu’à 15,5% de prélèvements sociaux et pas imposables, et que c’est l’employeur qui paie les frais de tenue des comptes. Lâcher la proie pour l’ombre alors que cette épargne populaire, « indolore » pour les ménages les plus modestes puisqu’elle vient en plus du salaire, leur permet de se mettre à l’abri pour plus tard serait inconséquent. Heureusement le PERCO (Plan d’Epargne Retraite Collectif) n’est pas concerné.

En incitant les salariés à dépenser cette épargne quels sont les risques qu'ils encourent et que l'on fait courir à l'économie ? 

Il y a un triple risque : risque d’incohérence de l’action publique, risque de précarisation des salariés, risque de baisse de l’investissement productif. L’épargne salariale est investie à plus de 60% en actions de nos entreprises, est la première source d’accès à la propriété et souvent la seule épargne que les gens ont les moyens d’avoir. Elle est la source principale de réconciliation des salariés avec les entreprises et de dialogue social, et représente 2 accords d’entreprise sur 3. Elle est en train de devenir un des piliers des retraites supplémentaires grâce au PERCO. Cette mesure de déblocage, tout comme la hausse massive et récente du forfait social, envoie un mauvais signal « dépensier », conforme hélas au comportement des pouvoirs publics ces 40 dernières années. Si elle se traduit par une augmentation des achats de biens importés, elle ne servira à rien. On serait mieux inspiré de permettre à tous les français de bénéficier de l’épargne salariale en l’orientant encore mieux vers le financement de nos entreprises, et de redonner du vrai pouvoir d’achat en réduisant la dépense publique et en allégeant les impôts.

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