Manif pour tous : Monsieur le président avez-vous lu "Les Raisins de la colère" ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Lettre ouverte au président François Hollande.
Lettre ouverte au président François Hollande.
©Reuters

Lettre ouverte

Cette guerre, votre guerre, pour le mariage gay, je ne veux pas la faire. Et je m’en vais déserter. Comme des millions d’autres.

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

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Monsieur le président, je vous fais une lettre que vous lirez peut-être si vous en avez le temps…

Monsieur le président, vos promesses de campagne étaient au nombre de 93, et vous avez renoncé à la plupart d’entre elles, contraint, forcé ou simplement distrait. Comment se fait-il que la seule pour laquelle vous êtes parti en guerre, vous homme pacifique, soit celle du mariage gay ?

Monsieur le président, vous avez eu des mots fermes pour fustiger les débordements qui ont, parfois, accompagné les manifestations des anti mariage gay. Comment se peut-il que vous n’ayez commissionné aucun de vos porte-paroles, par exemple celle qui est chargée des droits de la femme, pour s’indigner des propos visqueux de votre ami Pierre Bergé qui a dit que les ventres des femmes pouvaient se louer comme les bras des ouvrières ?

Monsieur le président, vous passez pour avoir un sens politique assez affûté. Pourquoi n’avez-vous pas estimé opportun de dissuader un autre ami à vous, Jean-Jacques Augier, votre trésorier de campagne, de prendre la tête du magazine homosexuel Têtu à un moment si mal choisi qu’il pourrait mettre en doute votre indépendance d’esprit ?

Monsieur le président, vous avez été normalement élu, et le Parlement où vos amis sont majoritaires également. C’est effectivement à l’Assemblée de faire et de dire la loi, et pas à la rue. Vous êtes-vous demandé si c’est vraiment et seulement le mariage gay qui a jeté, jette et va jeter des centaines de milliers de personnes sur le pavé parisien ? Ne vous est-il pas venu à l’esprit que leur angoisse et leur colère obéissaient à des causes bien plus profondes ?

Monsieur le président, vous laissez vos partisans (il y en a encore) répéter mécaniquement que le mariage homosexuel a été légalisé dans plusieurs États démocratiques et civilisés. Mais ne vous est-il pas venu à l’idée que cela s’est fait dans des pays pacifiés, alors que la France est plongée dans une crise politique, morale, économique et sociale dévastatrice ? Est-ce que c’était le moment ?

Monsieur le président, vous avez, soucieux de préserver des emplois, reçu à l’Élysée des grands patrons, ceux d’ArcelorMittal et de Peugeot. Et vous n’avez pas trouvé un moment pour accorder audience aux dignitaires des trois grandes religions françaises, opposés à votre projet, qui représentent quelques millions d’âmes, peut-être souffrantes ?

Monsieur le président, vous êtes très affaibli dans l’opinion. Un tout dernier sondage vous met à égalité avec Marine Le Pen en cas de présidentielle. Et c’est sur le mariage gay que vous avez jugé bon de vous montrer fort, inébranlable et inflexible ?

Monsieur le président, vous n’ignorez certainement pas le nombre de chômeurs, de pauvres, de mal logés et d’écrasés d’impôts qu’il y a en France. Vous seriez assez aveugle pour ne pas voir que votre mobilisation sans faille dans l’affaire du mariage gay les écœure et les désespère ? Et comment pouvez-vous être sourd aux cris des ouvriers de Florange, de Petroplus, de Peugeot, eux qui vous ont fait roi et qui vous disent sans ménagement qu’ils attendent autre chose que le mariage de Pierre et Paul à la mairie ?

Monsieur le président, vous êtes un homme libre. Pourquoi – c’est anecdotique mais néanmoins symbolique – n’avez-vous pas réalisé que ce qui est bon pour vous et Valérie Trierweiler pouvait être suffisant pour les couples homosexuels ?

Monsieur le président, vous êtes un homme cultivé et vous avez sans doute lu Les Raisins de la colère. Pourriez-vous trouver le temps de relire ce livre, qui vous rappellera comment fermentent ces raisins-là et comment, hélas, à la colère peut succéder la haine ?

Monsieur le président, je vous sais très occupé et je comprendrai aisément que vous ne trouviez pas de temps ni pour ma lettre ni pour John Steinbeck. Peut-être alors pourriez-vous vous contenter de regarder la couverture du Point, qui ne vous est pas favorable mais qui n’est pas pour autant une officine du GUD, des Jeunesses Identitaires et de Civitas ? Vous y êtes représenté en Louis XVI avec ce titre : "Nous sommes en 1789 !"

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