Culture pour tous : et si étendre la gratuité des musées n’était pas le meilleur moyen d’y parvenir <!-- --> | Atlantico.fr
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L'entrée dans les musées est souvent jugée trop cher.
L'entrée dans les musées est souvent jugée trop cher.
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La Joconde, le penseur de Rodin : autant d’œuvres conservées par les musées français. Un patrimoine mis à disposition mais pas à n'importe quel prix. Avant d'admirer une peinture ou une sculpture,vous devrez payer votre entrée. Un ticket jugé souvent trop cher par le public qui parfois élude sa visite pour s'économiser quelques deniers au dépit de sa culture.

Jean-Michel Tobelem

Jean-Michel Tobelem

Jean-Michel Tobelem est docteur en gestion, diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris et d’études supérieures de droit public.
Il est directeur de l’Institut d’étude et de recherche Option Culture.
Jean-Michel Tobelem est l'auteur des ouvrages Musées et culture, le financement à l’américaine et Le Nouvel âge des musées, les institutions culturelles au défi de la gestion, il dirige une collection consacrée à la gestion de la culture et anime le blog www.option-culture.com
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Atlantico : La gratuité d'accès au patrimoine historique, littéraire, musical qui se trouve dans les musées est une idée qui progresse. Quelles en sont les avantages et les limites ?

Jean-Michel Tobelem : L’avantage principal concerne l’accessibilité à la fois psychologique (on limite la « prise de risque » qui fait hésiter certaines personnes à pousser la porte d’un musée) et financière (on réduit la barrière monétaire qui pousse d’autres personnes – et elles sont plus nombreuses qu’on ne le croit – à renoncer à leur visite).

Mais la gratuité sera d’autant plus efficace (et cette efficacité est réelle, comme l’a démontré une étude réalisée par le ministère de la Culture ayant porté sur 14 musées et monument, à Paris et en région) à 4 conditions. Premièrement, le site doit être attractif et de qualité ; à défaut, gratuit ou pas, il suscitera bien sûr peu d’intérêt. Deuxièmement, il convient de renouveler l’attractivité du site sinon – passée une première visite de curiosité ou de découverte – l’incitation à revenir sera modeste. Troisièmement, il est important de faire savoir – régulièrement – que cette gratuité existe ; car dans le cas contraire il est probable que seuls les visiteurs habitués seront au courant de cette mesure. Quatrièmement, si l’on souhaite attirer des visiteurs qui ne sont pas des spécialistes des musées, il est important des mettre en place des outils adaptés de découverte, de médiation, d’interprétation et d’aide à la visite.

Les musées payant affichent des prix de plus en plus élevés, alors qu'ils reçoivent des subventions importantes. Quels arguments pourraient pourtant plaider en faveur du maintien d'un prix d'entrée ? Quel pourrait d'ailleurs en être le niveau optimal ?

Sachant en premier lieu que l’efficacité de la gratuité est double (d’une part en termes d’augmentation du volume des visites et, d’autre part, en termes d’élargissement du profil des visiteurs en direction des catégories plus populaires) et sachant en second lieu que le nombre de personnes ayant renoncé à leur visite pour des raisons de prix est important (comme l’a montré une étude du CREDOC), le maintien d’un prix d’entrée peut se justifier lorsqu’un musée, du fait de son statut (associatif par exemple) ne reçoit pas (ou peu) de subventions. Pour ce qui est par ailleurs des quelques musées – de taille importante – pour qui le montant des droits d’entrée est très significatif (ce qui n’est pas le cas de la majorité des établissements), dans ce cas la gratuité suppose une décision de nature politique, de la part des instances locales (pour les musées locaux) ou des ministères concernés (pour les musées nationaux). En tout état de cause, compte tenu des raisons avancées précédemment, il convient de fixer les tarifs au niveau le plus raisonnable possible si la gratuité n’est pas envisageable.

Certains musées où la gratuité a été instaurée sont devenus quasiment inaccessibles. Le prix d'entrée peut-il également avoir pour vertu de réguler le flux des visiteurs ? En parallèle avec d'autres solutions ? Lesquelles ?

On ne peut rendre la gratuité comptable du manque d’accessibilité de certains établissements. À l’inverse, le passage obligé au comptoir de vente est assurément responsable des goulets d’étranglement que l’on constate dans les musées payants les plus fréquentés. L’instauration de la gratuité – sous réserve d’éventuelles conditions d’aménagement de certains musées – permettrait au contraire de rendre la visite plus fluide. En tout état de cause, l’objectif de régulation des flux permet d’envisager si nécessaire plusieurs mesures : réservations à l’avance, élargissement des horaires de visite, information et sensibilisation au préalable (pour éviter certains horaires ou certains jours), instauration de plusieurs circuits de visite, etc.

En définitive, le but de la gratuité étant de conquérir de nouveaux publics et de fidéliser les publics existants, il serait paradoxal de se plaindre de son efficacité.

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