L'élection du Medef ou la pathologie du capitalisme à la française<!-- --> | Atlantico.fr
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Le PDG de Radiall Pierre Gattaz est pressenti pour succéder à Laurence Parisot à la présidence du Medef.
Le PDG de Radiall Pierre Gattaz est pressenti pour succéder à Laurence Parisot à la présidence du Medef.
©Reuters

Le Nettoyeur

La puissante fédération de la métallurgie a choisi hier jeudi de soutenir Pierre Gattaz, président du Groupe des fédérations industrielles (GFI), après avoir auditionné les six candidats à la tête du Medef.

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry est journaliste pour Atlantico.

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Ça semble plié. L'UIMM, la puissante fédération de la métallurgie, a décidé d'apporter son soutien à Pierre Gattaz dans la campagne pour la direction du Medef. Tout est encore possible, mais les sources informées s'accordent pour dire que le Medef élira le candidat de l'UIMM, et que donc Pierre Gattaz sera son prochain président.

Pierre Gattaz est PDG de Radiall et président du Groupe des fédérations industrielles, mais il est également fils d'Yvon Gattaz, ancien président du CNPF, la structure à laquelle le Medef a succédé. Son prédécesseur, Laurence Parisot, est de la troisième génération d'une famille de dirigeants d'entreprises. Son prédécesseur à elle, Ernest-Antoine Seillière, est issu d'une longue dynastie des affaires. Il n'y a aucun mal à naître dans une famille de gens d'affaires, mais il est difficile de regarder cette succession de profils et de se dire que la France est le pays du self-made man...

Et ce n'est pas une coïncidence. Dans le livre Le Capitalisme d'héritiers, l'économiste Thomas Philippon une explication convaincante de la relation si paradoxale que les français ont avec le travail et les affaires. Il ne s'agit pas juste de problèmes de réglementation et de fiscalité (qui, eux-mêmes, en démocratie, sont issus de la culture politique qui les a créés), mais d'un problème plus profond : le capitalisme français est fondamentalement un capitalisme d'héritiers.

Comme l'écrit Philippon, le dialogue social en France est marqué par “l'insatisfaction et la méfiance.” C'est peut être en partie dû à un syndicalisme contestataire et même historiquement révolutionnaire, mais également à des “pratiques managériales conservatrices et frustrantes pour les salariés”. En effet, “le capitalisme français peine en effet à promouvoir les plus créatifs et les plus compétents, et tend à privilégier l'héritage et la reproduction sociale dans le recrutement de ses élites.” En clair : plutôt que de promouvoir le petit jeune aux idées innovantes et peut être un peu bizarres, on va plutôt promouvoir le fils-de ou, à défaut, le diplômé bien formaté de d'une grande école (grandes écoles dont on sait à quel point elles sont un parfait ascenseur social). Dans la plupart des pays, lorsqu'on demande aux jeunes diplômés de classer les entreprises pour lesquelles ils aimeraient travailler, les entreprises nationales arrivent en tête. En France, les jeunes diplômés placent les filiales d'entreprises étrangères en tête.

On est là à des années-lumière du système qui a donné naissance à Google, Apple, Intel et Facebook. A la place, nous avons un système où Ernest-Antoine Seillière a pu dire que “il n'y a pas de capitalisme qui ne soit pas familial. L'anomalie du capitalisme, c'est le marché”--et pire, que personne ne s'en offusque. Lorsque le visage du patronat français est une succession d'héritiers, comment s'étonner que beaucoup de français rejettent ce système ? Ils ont raison de le rejeter, il est injuste !

Le pire, c'est que M. Seillière a raison tout en ayant tort : contrairement aux français qui regardent autour d'eux et font l'amalgame entre capitalisme, rigidité sociale et redistribution vers le haut, M. Seillière a bien compris que le vrai marché, avec sa concurrence qui fait baisser les marges pour augmenter le pouvoir d'achat des consommateurs, sa décentralisation de la décision et sa destruction créatrice, est l'ennemi de gens comme lui. C'est pour ça que seuls des gens comme Xavier Niel, qui ne viennent pas du sérail, peuvent bousculer les lignes en innovant. Gageons que si Xavier Niel voulait être président du Medef, l'UIMM ne le soutiendrait pas.

Cette élection du Medef est un rappel que, bien plus souvent qu'on ne le pense, le pire ennemi du capitalisme est les entreprises—et qu'en France, depuis longtemps, les capitalistes ont tué le capitalisme.

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