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Quelles sont aujourd'hui les pistes d'alternatives sérieuses à l'énergie nucléaire ?
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Jeu de bascule

L'Autorité de sûreté nucléaire présentait mardi 16 avril son rapport sur l'année 2012 à l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et techniques (Opecst) du Sénat.

Henri Prévot

Henri Prévot

Henri Prévot est ingénieur général des Mines. Spécialiste des questions de sécurité économique et de politique de l'énergie, il tient un site Internet consacré à la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre.

Il est l'auteur du livre "Avec le nucléaire" paru chez Seuil.

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Atlantico :  Alors que l'Autorité de sûreté nucléaire vient de rendre un rapport mitigé bien que loin d'être alarmiste, les projets de production alternative d'électricité se multiplient. Lesquels sont aujourd'hui vraiment crédibles et justifient les investissements publics qu'on y consacre ?

Henri Prévot : tous les acteurs de la filière nucléaire en France sont engagés dans une démarche d’amélioration continue. Si l’Autorité de sûreté nucléaire avait vu quoi quoi ce soit qui mette en jeu la sûreté d’un réacteur, elle n’aurait pas hésité à en ordonner l’arrêt.

L’électricité produite en France en 2012 provient pour 75% de centrales nucléaires, pour 12% de l’hydraulique, pour 9% de centrales au charbon ou au gaz, pour 3,5% d’éolien et de photovoltaïque.

A l’avenir, il serait évidemment possible de réduire la part du nucléaire en augmentant la part des énergies fossiles ou celle de l’électricité éolienne ou solaire – mais pour quel motif et à quel coût ?

La politique de l’énergie a pour objectif d’assurer la sécurité d’approvisionnement au moindre coût en respectant l’environnement. Augmenter la production d’électricité à partir de gaz ou de charbon diminuerait la sécurité d’approvisionnement et augmenterait considérablement les émissions de CO2. Ce ne serait pas aller précisément vers l’objectif…

A première vue, produire de l’électricité éolienne ou solaire n’augmente pas les émissions de CO2. Mais ce n’est pas exact. Cette production liée au vent, au soleil et aux nuages est parfaitement indépendante de la demande de sorte qu’il faut à tout instant fournir un complément de production. Par ailleurs, la pointe de consommation apparaît en fin d’après-midi d’hiver quand il fait déjà nuit et les périodes de grand froid sont souvent anticycloniques, c'est-à-dire sans vent. Une production d’électricité éolienne ou photovoltaïque sera donc accompagnée d’une production à partir de gaz ou de charbon, à moins que l’on se dote d’une capacité de production supérieure aux besoins et de moyens de stockage de l’électricité. Stocker l’électricité est possible en effet, mais très coûteux.

Ajoutons que les réseaux de transport d’électricité éolienne ou photovoltaïque doivent être dimensionnés selon la capacité maximum de production alors que, le plus souvent, éoliennes ou photovoltaïques ne produisent rien ou fort peu. Ces réseaux de transport sont donc très mal employés. Le coût du transport et de la distribution, ramené au MWh (mégawatt.heure) s’en ressent.

Coût de production, coût de l’intermittence, surcoût du réseau – c’est tout cela, rajouté, qui fait que le coût de l’électricité renouvelable est largement supérieur au coût d’une production d’électricité nucléaire.

Aujourd’hui, celui-ci est de 40 à 45 €/MWh. Le coût de production du prototype d’EPR de Flamanville sera supérieur à 100 €/MWh mais on connaît les difficultés rencontrées sur le chantier. Les réacteurs en construction en Chine nous montrent que les délais peuvent être tenus. Un EPR de série coûtera donc beaucoup moins cher que celui de Flamanville, de sorte que l’électricité produite pourrait sans doute coûter autour de 70 €/MWh.

Le coût de production d’une éolienne sur terre est de l’ordre de 80 €/MWh. Si l’éolienne est en mer, le coût est aujourd’hui supérieur à 200 €/MWh. Quant au photovoltaïque, son coût est de 150 à 300 €/MWh. A cela, il faut ajouter le surcoût du réseau et le coût de l’intermittence. En tout, un panier d’électricité renouvelable coûte beaucoup plus cher que l’électricité nucléaire produite aujourd’hui et que l’électricité qui sera produite par les EPR.

Cela n’a pas empêché le gouvernement de décider d’augmenter vigoureusement la production éolienne et photovoltaïque. Il faudra donc que le consommateur paie ce surcoût : il s’en rend déjà compte en consultant sa facture d’électricité où se trouve une ligne CSPE, contribution au service public de l’électricité.

Cette taxe avait été créée pour abaisser le prix de l’électricité produite dans les îles et pour alléger la facture des personnes qui ont de grandes difficultés financières. Aujourd’hui, la CSPE est surtout utilisée pour payer le surcoût de production de l’électricité éolienne et photovoltaïque et son poids va terriblement s’alourdir au fur et à mesure de la montée en puissance des éoliennes et panneaux photovoltaïques. Elle est aujourd’hui de 13,5 €/MWh soit environ 13% du prix de l’électricité et passera à 22,5 €/MWh en 2016 sans financer ni le surcoût de réseau ni le coût de l’intermittence qui contribueront l’un et l’autre à alourdir encore la facture d’électricité. Certains se consolent en comparant cela à ce que paient les consommateurs allemands : 70 €/MWh en 2014. Piètre consolation sans doute !

Au total, la contribution de la CSPE pour financer les énergies renouvelables sera de 7 milliards d’euros en 2020.

N’a-t-on réellement rien de mieux à faire avec ces 7 milliards par an que remplacer du nucléaire pour des éoliennes ou du photovoltaïque ?

7 milliards par an… La "transition énergétique " telle qu’elle a été décidée avant même l’ouverture du débat qui doit la dessiner coûterait beaucoup plus cher encore. La différence entre ce qu’il faudrait dépenser en diminuant la capacité nucléaire et ce que l’on dépenserait en l’augmentant est, selon moi, de 20 ou 30 milliards d’euros par an.

Quelles sont les pistes les plus probables d'évolution du mix de production électrique français ?

Si l’on pense que les finances de l’Etat et celles de consommateurs méritent d’être ménagées et si l’on ne refuse pas par principe le nucléaire, je ne vois aucune raison de produire en France métropolitaine de l’électricité éolienne ou photovoltaïque. Le seul motif serait de créer une base de démonstration du savoir faire des nos entreprises pour l’exportation car, là où la capacité nucléaire est nulle ou insuffisante, l’éolien et le photovoltaïque ont un bel avenir. Pour créer cette base de démonstration, il suffit de quelques GW et non des 30 ou 40 GW qui ont été décidés à la suite du Grenelle de l’environnement. Le mix de production d’électricité ressemblerait donc à ce qu’il est aujourd’hui, essentiellement nucléaire et hydraulique avec 10 à 15 GW d’éolien et de photovoltaïque.

Mais qui voudra revenir sur ces décisions très coûteuses ? Certes pas les lobbies de production éoliens ou photovoltaïques, qui vendent leur électricité à EDF à un prix fixé par l’Etat très rémunérateur. Quant aux producteurs d’électricité nucléaire, ils sont les principaux producteurs d’électricité renouvelable. Les seuls qui pourraient être intéressés sont les consommateurs. Mais leurs associations sont bien timides et n’ont pas encore complètement accepté de voir que la meilleure façon de ne pas trop obérer le pouvoir d’achat et de lutter contre la précarité énergétique est de produire de l’électricité la moins coûteuse possible.

Une baisse de la consommation est-elle envisageable ?

Il est possible de diminuer la consommation d’électricité pour le chauffage grâce à l’utilisation des pompes à chaleur. Mais les nouveaux usages de l’électricité se multiplieront : technologies de l’information et de la communication ; domotique ; véhicules électriques et hybrides rechargeables ; camions hybrides munis d’un trolley pour se connecter à une caténaires sur le voie de droite des autoroutes ; production de biocarburant avec une technique qui utilise au mieux la biomasse. Globalement, nous pourrons beaucoup diminuer notre consommation d’énergie fossile en augmentant la consommation d’électricité.

Une augmentation des prix est-elle inéluctable ?

Il faudra une augmentation du prix de l’électricité pour financer les travaux de "jouvance" dans les réacteurs en fonctionnement, les renforcements décidés après l’accident de Fukushima et la construction de nouveaux réacteurs EPR. Cette augmentation, limitée à cela, serait modérée. Mais elle sera considérablement alourdie par le financement des éoliennes (surtout en mer) et des panneaux photovoltaïques.

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