Italie J+50 sans gouvernement : quel impact sur le pays ?<!-- --> | Atlantico.fr
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L'Italie n'a plus de gouvernement depuis 50 jours.
L'Italie n'a plus de gouvernement depuis 50 jours.
©Reuters

L'histoire sans fin

Pier Luigi Bersani n'a toujours pas pu former un gouvernement de coalition suite aux élections législatives italiennes, il y a déjà cinquante jours. Alors que les grands électeurs italiens essaieront d'élire aujourd'hui un nouveau Président de la République, les perspectives d'amélioration s'annoncent sombres.

Atlantico : L'Italie n'a plus de gouvernement depuis 50 jours. Dans quelle situation le pays se trouve-t-il aujourd'hui ? L'Italie en souffre-t-elle concrètement ?

Christophe Bouillaud : Oui et non. Disons que l'absence de perspectives sur le moyen terme finit par être très inquiétante surtout qu’aucune grande réforme ne peut être engagée par le gouvernement intérimaire, celui de Mario Monti, qui, dans l'attente, est encore en place. 

Après, la crise politique n'est pas aussi ouverte et violente qu'elle peut l'être dans d'autres pays, mais il y a une lenteur extraordinaire des choses qui fait qu'une partie de l'opinion publique est sans doute exaspérée. Mais cette lenteur permet aussi de décanter un certain nombre de choses, notamment du côté du Parti démocrate qui est déchiré par des conflits internes entre Pier Luigi Bersani, et son jeune challenger Matteo Renzi. C'est le paradoxe : le parti qui a gagné les élections d'une courte tête risque d'exploser, faute d'avoir su concrétiser cette victoire.

Comment le pays, et notamment le monde des affaires, vit-il cette situation ?

Le monde des affaires fait face à un problème important issu de cette situation : le taux de crédit aux entreprises reste encore très important malgré les efforts de la Banque centrale européenne. En effet, le taux directeur de la BCE est très bas, mais il n'y a pas de transmission de ce taux favorable pour l'économie italienne car, techniquement, la décision politique qui peut permettre cette transmission ne peut être fait que par un gouvernement de plein exercice. Et les banques italiennes étant extrêmement frileuses, elles ne prêtent plus et surestiment le risque porté par des entreprises italiennes. Et à force de le surestimer, elles finissent même par le provoquer puisque les entreprises font faillite faute de crédits.

Cela vaut aussi pour les particuliers avec un marché immobilier qui est très déprimé. On en parle moins que ce qui se passe en Espagne ou en Irlande, car il n'y a pas eu en Italie de boom spectaculaire des prix, mais ceux-ci baissent maintenant depuis plusieurs années. Et la richesse des Italiens étant largement placée dans l'immobilier, celle-ci fond.

Pour essayer de faire face à la situation, le gouvernement de Mario Monti a décidé il y a quelques semaines d'anticiper les remboursements que l'État italien doit aux entreprises (via les commandes publiques, la restitution de la TVA...) pour leur donner un peu d'air. Mais cela a aussi pour effet de faire d'augmenter la dette publique. 

Comment les choses pourraient-elles se débloquer ? Dans cette situation d'enlisement, tous les partenaires essaient-ils de trouver une solution ? Ou bien y a-t-il des forces politiques qui "jouent la montre" pour en tirer un profil stratégique ?

Fondamentalement, je pense que les grands partis, le Parti démocrate et le PDL de Berlusconi, "jouent la montre" pour contrer Beppe Grillo. Ils espèrent que si de nouvelles élections ont lieu, faute de solution, le phénomène Grillo s'écroulera de lui-même. Il faut bien comprendre que les deux partis ne peuvent pas s'allier avec ce que représente le M5S de Grillo, la seule solution est donc de le détruire. Ils misent sur une détérioration de l'image du M5S pour qu'il disparaisse. Mais Grillo aussi use d'une stratégie attentiste. Il espère que le Parti démocrate et le PDL soient obligés de gouverner ensemble, pour se placer dans l'opposition, en attendant que la situation se détériore encore plus, pour gagner les élections.

En tout cas c'est vraiment un combat à mort entre le M5S et les grands partis. Ce qui est sûr c'est que personne, politiquement parlant, ne souhaite un dénouement apaisé.

L'Italie élit aujourd'hui, au suffrage indirect, son nouveau président. La fonction présidentielle peut-elle sortir renforcée du blocage parlementaire ? L'Italie a-t-elle selon vous besoin d'un "homme fort" que pourrait être ce présidet pour sortir de cette situation ?

Les parlementaires qui élisent le Président de la République risquent fort de faire le choix d'un politicien de longue date, ce qui serait probablement un très mauvais signal. Historiquement, les présidents italiens étaient souvent issus de la génération antifasciste de la fin de la guerre, comme l'est d'ailleurs Napolitano (87 ans) l'actuel homme en poste. La question maintenant est de trouver quelqu'un qui soit de la génération suivante et qui ne soit pas trop marqué par les affaires.  Il n'est pas si évident de trouver une personne qui soit à la fois connu, avec une certaine expérience et qui fasse l'unanimité. Je pense donc que l'on va se diriger vers un "second couteau" qui traînera le moins de "casseroles" possible.

Le mandat de Naoplitano court en théorie jusqu'au 15 mai. Mais si un président est élu demain, il est probable qu'il démissionnera pour lui laisser sa place. A partir de là, soit le nouveau président dissout les chambres parlementaires pour provoquer une nouvelle élection comme il en a le droit (ce qui serait ironique, car ce serait renvoyer devant les électeurs ceux qui l'ont élu) ce qui amènerait un scrutin avant l'été. Soit, sur l'impulsion du nouveau président, émerge un gouvernement purement technique et intérimaire qui fait une ou deux réformes économiques indispensable et qui prépare une nouvelle loi électorale pour que l'on ne se retrouve plus dans la situation de blocage actuel pour le prochain scrutin. Loi électorale qui sera faite bien sûr pour que Beppe Grillo n'ait pas de représentants...

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