Mais comment les Israéliens font-ils pour être aussi heureux ?<!-- --> | Atlantico.fr
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En conflit quasi-permanent depuis sa création en 1948, Israël semble paradoxalement être un lieu propice au bonheur.
En conflit quasi-permanent depuis sa création en 1948, Israël semble paradoxalement être un lieu propice au bonheur.
©Flickr/benjaminasmith

La mélodie du bonheur

Seule démocratie plongée dans un Moyen-Orient en instabilité croissante, l'Etat juif en conflit quasi-permanent depuis sa création en 1948, semble paradoxalement être un lieu propice au bonheur. C'est la conclusion à laquelle aboutit une étude de l'OCDE qui vient d'être publiée.

Hagay Sobol

Hagay Sobol

Hagay Sobol, Professeur de Médecine est également spécialiste du Moyen-Orient et des questions de terrorisme. A ce titre, il a été auditionné par la commission d’enquête parlementaire de l’Assemblée Nationale sur les individus et les filières djihadistes. Ancien élu PS et secrétaire fédéral chargé des coopérations en Méditerranée, il est vice-président du Think tank Le Mouvement. Président d’honneur du Centre Culturel Edmond Fleg de Marseille, il milite pour le dialogue interculturel depuis de nombreuses années à travers le collectif « Tous Enfants d'Abraham ».

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La subjectivité du bonheur

L’OCDE, l'Organisation pour la coopération et le développement économique, a mené une étude en 2012 sur la qualité de la vie dans ses 34 pays membres, ainsi qu’en Russie et au Brésil, dont les résultats viennent d’être publiés. Une dizaine de paramètres qui fondent habituellement la notion de bien être ont été analysés, tels que le logement, l’emploi, le revenu, l’éducation, la santé, la sécurité, l’équilibre entre le travail et les loisirs, ainsi qu’une indice de satisfaction générale. Cette année les participants ont eu, en outre, la possibilité de pondérer les paramètres qui leur semblaient les plus importants.

On s’aperçoit ainsi que l’Etat hébreu est relativement mal classé (moyen ou bas) dans des domaines essentiels comme l’équilibre travail - vie privée, le logement, les revenus ou, l’éducation, mais par contre les israéliens ont mis en avant la santé et le bonheur, avec pour ce dernier une note de 7.5 sur 10, alors que la moyenne des pays interrogés n’était que de 6.7 !

Le bonheur est par essence une notion subjective qui ne se décrète pas, mais qui se ressent. Ainsi, en fonction du contexte, de l’histoire et de la géographie, certains éléments seront priorisés, alors que d’autres seront jugés secondaires, et cela pouvant varier d’une population à une autre. Au regard de cette étude, il est important d’aborder concrètement la réalité israélienne.

Une liste de problèmes qui n’en finit pas

Les Israéliens travaillent beaucoup, gagnent peu et ont du mal à acheter leur logement. Le niveau d’éducation laisse à désirer et il existe de grandes disparités sociales. Il faut ajouter à cela des menaces contre la sécurité personnelle tels que les d’attentats terroristes, les pluies de missiles qui s’abattent régulièrement sur les agglomérations civiles et les conflits comme dernièrement à Gaza ou au Liban. En conséquence, les femmes comme les hommes à partir de 18 ans sont astreints à un long service militaire (de 2 à 3 ans) qui n’a rien d’un « pique-nique », suivi de périodes militaires au cours de la vie, car le pays n’a qu’une armée de métier très réduite. Aussi, il n’est pas rare qu’une famille ait perdu un parent, un frère, une sœur ou un enfant dans ces tristes évènements. Difficile dans tout cela de voir le bonheur comme cela ressort de l’étude

Pourtant ce n’est pas la première fois que ce type de résultat est constaté. Déjà l’année dernière dans une étude de l’ONU, Israël s’était très bien classé à ce propos et partageait le peloton de tête des pays occidentaux avec le Danemark, la Finlande, la Norvège ou le Canada. Et ce sentiment de bonheur n’est pas restreint à la population juive, comme l’a démontré une enquête de l’OMS de 2012 menée sur plus de 4 750 adolescents juifs et arabes, où Israël était classé au troisième rang mondial sur « l’indice du bonheur », après l’Arménie et la Macédoine.

La démocratie comme exutoire à la tension permanente ?

Quand on arrive en Israël, on ressent un sentiment de sécurité bien différent des images diffusés par les médias, ou que l’on pourrait se faire après tout ce qui vient d’être énoncé. Il n’y a pas de char à « tous les coins de rues », et les jeunes gens souvent habillés à la dernière mode respirent la joie de vivre.

On est frappé également de voir en 8 millions d’habitants que compte le pays, un résumé du monde entier. Car Israël a dû absorber en 65 ans des immigrations massives venant de tous les continents et en dernier lieu des Ethiopiens et des Russes.

Bien sûr, il y a le « mur » tant décrié, mais cela n’empêche pas ce pays d’être une démocratie vivace, où l’on peut tout dire tout écrire. Une sorte d’exutoire à la situation de tension permanente. Un Etat qui a fait élire autant de députés arabes que le Shass, le parti orthodoxe sépharade qui a été de pratiquement toutes les coalitions gouvernementales. Une nation en guerre qui n’hésite pas à nommer à des grades élevés au sein de son armée des Druzes ou des bédouins. Certains sont d’ailleurs devenus ministres.

S’adapter ou périr ?

Israël, ce jeune pays qui a fait face à des situations extrêmes où son existence a été à maintes reprises menacée, a dû trouver pour survivre des solutions originales, tant sur le plan des rapports humains que de sur le plan organisationnel et faire un tout cohérent à partir d’une telle diversité.

En raison du contexte, chacun vit pleinement sa vie, car chaque jour pourrait-être le dernier. Les relations sont directes, voire « rugueuses », car on n’a pas le temps pour les « bonnes manières », il faut aller à l’essentiel.

On retrouve cela également à l’armée, où il n’y a pas d’organisation pyramidale, pour que cela aille plus vite et être plus efficace. L’armée, toujours, c’est le lieu par excellence de l’intégration faisant se rencontrer des gens de toutes origines et qui donne très vite, voire trop vite, la maturité, le sens des responsabilités et de l’unité. Survie oblige, la sienne, celle du groupe, et de la population toute entière.

Sans ressource, l’Etat hébreu a tout misé sur l’innovation. La pression encore et toujours, a fait que le pays est devenu une « Start-up Nation », dont la production va de l’agriculture innovante jusqu’à la « high tech ». Dans ce domaine aussi l’armée est présente. En raison d’un budget très élevé, on s’efforce de trouver des applications civiles aux développements militaires, comme par exemple dans le domaine de la santé (systèmes de simulation endoscopiques, scanners, robots chirurgicaux).

Cette situation rejaillit immanquablement dans le domaine artistique qui est à l’origine d’une créativité extraordinaire, cinéma, théâtre, musique, danse, peinture, littérature... Depuis le « 11 septembre », ces préoccupations sont également partagées par les Etats-Unis, et l’on voit ainsi de plus en plus d’œuvres israéliennes adaptées pour le public américain (Séries TV Homeland ou En analyse).

La « Sabra »

La précarité au quotidien a forgé une mentalité et une psychologie particulière que l’on appelle le « sabra », celui qui est né en Israël, par référence à la figue de barbarie : « piquant à l’extérieur, mais tendre à l’intérieur ». C’est probablement ainsi qu’il faut interpréter les résultats de cette étude récente. Un français qui du jour au lendemain serait amené à vivre ainsi ne donnerait certainement pas les mêmes réponses, car ses référentiels sont différents. Par contre, pour un israélien, élevé dans ce contexte, le point de vue est différent.

Avec le temps, et l’éducation il est possible de s’adapter à l’environnement et d’en tirer avantage. N’est pas ça finalement la définition du bonheur ? En tout cas c’est un message d’espoir.

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