Confessions de Cahuzac : le ministre déchu a-t-il donné à voir un pénitent sincère... ou un menteur pathologique ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Jérôme Cahuzac a annoncé sa démission de l'Assemblée nationale hier soir sur BFMTV.
Jérôme Cahuzac a annoncé sa démission de l'Assemblée nationale hier soir sur BFMTV.
©Reuters

Feux de la rampe

L'ancien ministre PS du Budget, Jérôme Cahuzac, s'est expliqué pour la première fois mardi soir sur BFM sur l'existence d'un compte à l'étranger.

Elodie Laye Mielczareck

Elodie Laye Mielczareck

Elodie Laye Mielczareck est sémiologue. Elle est spécialisée dans le langage verbal (sémantique) et non verbal (body language). Elle conseille également les dirigeants d’entreprise et accompagne certaines agences de communication et relations publiques internationales, notamment sur la question de la raison d’être. Très régulièrement sollicitée par les médias, Elodie Laye Mielczareck décrypte les tendances sociétales de fond, ainsi que les dynamiques comportementales de nos représentants politiques et autres célébrités. Elle est également conférencière et auteure.

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Cahuzac interviewé par BFM réalise son mea culpa médiatique. Quelle est la sémantique utilisée par l’ancien ministre ? Que nous dit sa gestuelle ? Cette fois, est-il sincère ou a-t-il gardé sa « part d’ombre » ?

Mea culpa, les ficelles médiatiques

L’exercice est très (trop) maîtrisé. Une impression de déjà vue ? Si l’exercice est une première en France, les mots et les attitudes, eux, rappellent un autre homme politique quelques mois plus tôt sur le plateau de TF1. Pas étonnant, la DSKtisation tient sans doute de la participation des mêmes conseillers en communication : mains rapprochées sur la table, prosodie robotique, mine de dégoût, « faute morale », une formule sémantique répétée plusieurs fois… Peut-on être aussi sincère en étant autant dans la maîtrise et le contrôle de sa parole ? La spontanéité n’est-elle pas un élément essentiel à toute communication sincère ? L’authenticité peut-elle être mise en scène ?

La corde sentimentale : entre fragilité et ambiguïtés

Certains effets sont utilisés pour rendre le discours « vivant » et « incontestable », notamment l’utilisation du temps présent lorsque Jérôme Cahuzac évoque la situation qu’il a vécu : « Je décide de dire la vérité  (…) Je suis en train de me consumer (…) je ne supporte plus cette contradiction ». Au contraire, quand il parle de sa faute morale, il l’évoque au passé : « J’ai commis une folle bêtise, une folle erreur ». Au sein du discours, le sentiment dysphorique est ainsi actualisé pour pouvoir être partagé par empathie avec les spectateurs, alors que la faute elle, appartient à un temps révolu, celui de l’oubli (temps de l’oubli versus temps du partage »). 

Le visage est marqué, crispé, les yeux sont tirés vers le bas, la tonalité de la voix se veut basse et monotone : Jérôme Cahuzac ne feint pas une grande fatigue et une émotion certaine. Pour autant, certaines formulations sont étranges, beaucoup trop « mécaniques », beaucoup trop « distanciées » pour paraître sincères. Jérôme Cahuzac utilise très souvent un discours très « mental » (versus « affectif »), très éloigné de son ressenti, avec des formules à rallonges et étonnantes. Par exemple : « Dans cette détresse et cette tristesse, il me reste à être digne ». Une formule qui interroge. On peut se demander jusqu’où elle n’est pas contre-productive car d’un point de vue linguistique, elle montre un désengagement important du sujet dans la phrase – tournure passive versus tournure active.  Ou encore la phrase « affronter le plus dignement possible » avec une tournure à l’infinitif – là le sujet est tellement évacué de la phrase qu’il n’existe plus – et l’usage d’un adverbe qui laisse toujours perplexe. Par ailleurs aucun clignement d’œil et un visage fermé voire complètement figé quand il affirme « j’ai indiqué ce montant (…) ce compte n’a jamais permis de financer la campagne du PS ». Tous les doutes sont permis…

Temps forts et émotionnellement vécus

Heureusement, certains temps du discours semblent échapper à un contrôle trop prononcé. Certaines attitudes, certaines formules révèlent les sentiments de leur locuteur. Jérôme Cahuzac est dans la sincérité lorsqu’il affirme « je n’ai pas eu la force de refuser » : haussement des sourcils, clignements des yeux, fluidité des mouvements du buste, etc. Il est également dans l’authenticité quand on lui parle du suicide auquel il a peut-être pensé. Sa moue de dégoût montre un sentiment fortement vécu. Également, la zone de crispation autour de la bouche quand on lui demande « vous avez peur de la prison ? » est un des éléments qui montre le sentiment de peur réellement vécu par Cahuzac.

Autre fait remarquable, quand on lui parle de sa future vie politique, il se montre touché émotionnellement par cette question (l’œil gauche se referme et paraît beaucoup plus petit que le droit) : « cela me paraît improbable (…) j’ai le sentiment assez puissant qu’une page se tourne ». Quand il prononce cette assertion, Cahuzac est d’une grande sincérité et se montre touché émotionnellement.

En outre, le seul moment du discours où Jérôme Cahuzac bredouille est celui où il parle de son ambition : « J’avais l’ambition heu.. »Visiblement la question de l’ambition le met très mal à l’aise, il ne saurait comment justifier cette approche.

Sa relation à Hollande

La relation entre Hollande et Cahuzac semble tendue… Jérôme Cahuzac affirme sincèrement « je lui souhaite de tout cœur bonne chance » , sa posture de tête, comme un enfant grondé, montre qu’il est dans une posture de révérence voire de respect face au président. Quand le journaliste demande en parlant du président « Vous a-t-il parlé ? (…) A-t-il accepté vos excuses ? » le lapsus gestuel est assez fort, Jérôme Cahuzac ne cesse de faire « non » de la tête. Visiblement, la coupure relationnelle entre le Président et l’Ancien Ministre du Budget est assez franche.

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