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Transparence : quitte à prendre les Etats-Unis pour modèle, ira-t-on jusqu'à importer leur rapport à l'argent ?
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Editorial

Chez nous, l'argent est signe de pêché et de malheur. Outre Atlantique, de réussite et de prospérité.

Pierre Guyot

Pierre Guyot

Pierre Guyot est journaliste, producteur et réalisateur de documentaires. Il est l’un des fondateurs et actionnaires d’Atlantico.

 

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Il est étonnant de constater ces deux dernières semaines combien, dans notre pays pourtant cocardier et culturellement si peu enclin à l’atlantisme, les Etats-Unis d’Amérique sont brandis comme le symbole et l’exemple à suivre en matière de transparence politique.

« Les Américains, eux, n’hésitent pas à dévoiler leur patrimoine jusque dans les plus infimes détails » argumente, pour tenter de faire passer la pilule du projet de loi sur la moralisation de la vie politique aux parlementaires, une bonne partie de la gauche - écologistes inclus - qui n’en est plus dans cette affaire à un paradoxe près, en allant chercher des leçons de vertu chez ceux qui ne sont d’habitude que de sauvages impérialistes.

C’est étonnant parce que, même sans être un expert des Etats-Unis, il suffit d’aller au cinéma ou de lire la presse de temps en temps pour savoir que la vie politique américaine n’est pas exempte d’entourloupes, de coups bas et de turpitudes. La capitale politique américaine est aussi celle de tous les réseaux et de tous les groupes de pression. C’est à Washington qu’a été créé le terme « lobby », en référence au hall de l’hôtel où le général Grant s’était installé pendant la guerre de sécession et où grenouillaient les groupes d’intérêts. Et beaucoup de Français seraient surpris d’apprendre que le délit d’initié qui punit ceux qui profitent d’informations confidentielles pour s’enrichir en Bourse n’est applicable aux membres du Congrès américain que depuis l’année dernière !

L’autre facteur de surprise est l’évident fossé qui existe entre la France et les Etats-Unis dans la relation à l’argent. Chez nous, l’argent est signe de pêché et de malheur. Outre Atlantique, de réussite et de prospérité.

Jésus affirmait, selon St Luc : « Malheur aux riches ! ». Pour Calvin, la réussite matérielle pouvait être interprétée comme un signe d’élection divine. Jean-Jacques Rousseau faisait de la propriété l’origine des inégalités et du malheur des hommes, l’industriel américain Carnegie de l’obligation de dépenser son argent de son vivant, un principe de vie. « Mon seul adversaire n’a jamais cessé d’être l’argent », déclarait le général de Gaulle en 1952, pour une fois suivi par François Mitterrand qui s’attaquait à « l’argent qui corrompt, l’argent qui achète, l’argent qui écrase », ou par François Hollande qui en 2006 lançait son fameux « J’aime pas les riches ». Aux Etats-Unis, il est inconcevable pour un président de ne pas faire la promotion de la réussite économique individuelle.

Aujourd’hui, la soudaine publication du patrimoine privé des membres du gouvernement laisse un goût un peu amer et d’inachevé. Mal préparée à ce genre de révélations, l’opinion publique française est tentée d’accuser de malhonnêteté ceux qui possèdent beaucoup et de mensonge ceux qui déclarent peu.

« Le temps, c’est de l’argent » expliquait l’un des pères de l’Amérique, Benjamin Franklin. En ces temps de crise, il eut pourtant été pertinent pour François Hollande d’en prendre un peu plus.

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