Plongée dans la vie des chômeurs de longue durée<!-- --> | Atlantico.fr
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Les employeurs ont tendance à moins embaucher les personnes qui sont au chômage depuis plus de 6 mois.
Les employeurs ont tendance à moins embaucher les personnes qui sont au chômage depuis plus de 6 mois.
©Reuters

Dure réalité

Deux économistes américains ont réalisé une étude sur le chômage longue durée : plus ce temps d'inactivité est long, plus les chances d'embauche diminuent. En France, qui est concerné par ce type de chômage, quel impact sur le monde du travail ?

Gilles Saint-Paul

Gilles Saint-Paul

Gilles Saint-Paul est économiste et professeur à l'université Toulouse I.

Il est l'auteur du rapport du Conseil d'analyse économique (CAE) intitulé Immigration, qualifications et marché du travail sur l'impact économique de l'immigration en 2009.

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Atlantico : Une étude rapporte que les employeurs ont tendance à moins embaucher les personnes qui sont au chômage depuis plus de 6 mois. Quel est le profil des personnes touchées par le chômage longue durée ? Ce profil a-t-il évolué ?

Gilles Saint-Paul : Le chômage de longue durée touche particulièrement les travailleurs âgés avec une durée moyenne d'inscription sur les listes de 15 mois contre 6 mois pour les jeunes et 9 mois pour les 25-49 ans. Cette hiérarchie a toujours été respectée. Ces durées ont tendance à diminuer en phase expansive du cycle et à augmenter pendant les récessions. La nouveauté est que cette récession est particulièrement longue: la proportion de chômeurs de longue durée continue à augmenter, passant de 30 % en 2009 à 40 % maintenant. De même, le nombre de chômeurs inscrits depuis plus de trois ans est passé de 270 000 en 2008 à près de 520 000, ce qui signifie qu'il a pratiquement doublé. Par ailleurs ces statistiques évoluent de façon très inerte et ne commencent à s'améliorer que quelques années après une reprise de l'activité.

Pourquoi la période d’inactivité est-elle si importante pour les employeurs par rapport à l'expérience ou aux autres facteurs d'embauche ?

Il y a d'une part des effets de découragement de la part des chômeurs de longue durée qui ne cherchent pas du travail aussi activement. Il y a aussi des stigmates du côté des employeurs qui craignent qu'une période de chômage trop longue ne soit une indication que le candidat à l'embauche est peu productif. Il y enfin des effets de perte de qualification pendant les périodes de chômages, conjuguées au fait que les secteurs qui embauchent requièrent souvent des qualifications différentes de celles que proposent les personnes en recherche d'emploi.

Les chiffres du chômage de février montrent une évolution du chômage longue durée en France. Les chômeurs de longue durée représenteraient 40% des sans-emplois. La France est-elle en train d'entrer dans un cercle vicieux : plus de chômeurs longue durée, ces mêmes chômeurs qui n'intéressent pas les entreprises ? Si oui, comment s'en sortir ?

On peut effectivement penser que la France sortira de la récession actuelle avec une masse critique de chômeurs qui auront du mal à retrouver un emploi même en période de boom. Cela signifie qu'on peut s'attendre à ce que la prochaine expansion montre des signes d'essoufflement alors même que le chômage ne sera pas encore retombé à son niveau antérieur à la crise. Tout se passe comme si les chômeurs de longue durée étaient une "génération perdue" qui ne participent pas au processus de recherche d'emploi.

Pour en sortir, on peut utiliser la "carotte" et le "bâton". On sait qu'une durée moins grande d'indemnisation du chômage est associée à une durée du chômage plus faible. Par exemple au Royaume-Uni où l'indemnisation dure moins longtemps la proportion de chômeurs de longue durée est de 30 % contre 40 % chez nous. C'est le "baton". On peut également envisager des programmes de formation, de reclassement ou de suivi des chômeurs: c'est "la carotte". Tous les pays le font dans une certaine mesure, et bien entendu la "carotte" est plus coûteuse pour le contribuable que le "bâton". Enfin il conviendrait de remettre en question toutes les barrières à la mobilité du travail aussi bien sectorielle que géographique.

Quelles sont les conséquences sur le marché du travail d'une tel constat ?

La prévalence du chômage de longue durée implique que le marché du travail français fonctionne mal - il est peu efficace pour allouer les demandeurs d'emploi aux emplois vacants. Ce n'est après tout pas très surprenant compte tenu de ses rigidités. Celles-ci protègent les employés en place au détriment des nouveaux entrants. Beaucoup de ces "outsiders" soutiennent le statu quo car ils espèrent à leur tour accéder au statut "d'insiders" (et ils ont sans doute tort). Les autres optent souvent pour l'expatriation vers des pays qui sont toujours, de manière peu surprenante, plus flexibles: Etats-Unis, Grande-Bretagne, Suisse....du coup leur voix ne se fait plus entendre, et le système en sort renforcé

Propos recueillis par Manon Hombourger

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