"Lors de la dernière crise, nous avions la Chine" comme moteur de la consommation, maintenant nous n'avons plus personne<!-- --> | Atlantico.fr
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"Le monde manque d'une locomotive économique" a déclaré Peter Löscher, PDG de Siemens.
"Le monde manque d'une locomotive économique" a déclaré Peter Löscher, PDG de Siemens.
©Reuters

Panne de locomotive

Le directeur de l'entreprise Siemens a récemment annoncé son pessimisme quant à l'année 2014 et prévoit 7 000 suppressions d'emplois. Problème : aujourd'hui, le monde est orphelin des locomotives économiques qui autrefois tiraient l’économie mondiale vers le haut en temps de crise.

Wolf  Richter

Wolf Richter

Wolf Richter a dirigé pendant une décennie un grand concessionnaire Ford et ses filiales, expérience qui lui a inspiré son roman Testosterone Pit, une fiction humoristique sur le monde des commerciaux et de leurs managers. Après 20 ans d'expérience dans la finance à des postes de direction, il a tout quitté pour faire le tour du monde. Il tient le blog Testosterone Pit.

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Il n'y avait aucun nuage à l'horizon. Les indices Dow Jones et S&P 500 affichaient des niveaux records, le DAX allemand se rapprochait sûrement des 8 000 points et le Nikkei japonais était en plein essor. C'est alors qu'un éminent représentant de l'économie réelle a gâché ce ravissant tableau.


"Le monde manque d'une locomotive économique" a déclaré Peter Löscher, PDG de Siemens, un des bijoux de la couronne allemande, qui se décrit elle-même comme "géant mondial de l'électronique et du génie électrique" avec 370 000 employés répartis dans plus de 190 pays, et 78,3 milliards d'euros (101 milliards de dollars) de revenus. Une jauge de l'économie mondiale. L'entreprise a donc rencontré quelques problèmes.

"Je suis arrivé chez Siemens alors que l'entreprise traversait sa plus grande crise" a expliqué Löscher dans une interview au Handelsblatt. En 2007, il devenait le premier directeur à être embauché depuis l'extérieur en 165 ans d'histoire de l'entreprise. Siemens était alors au cœur du plus grand scandale de corruption jamais connu en Allemagne. Ses bureaux avaient été perquisitionnés en 2006. En 2007, Siemens a été condamné à une amende par la Commission européenne lui reprochant de faire partie d'une entente de plusieurs fournisseurs internationaux pratiquant le truquage d'offres et la fixation des prix. Deux anciens dirigeants ont été condamnés par un tribunal allemand suite à des accusations de corruption. D'autres condamnations ont suivi. À la fin de l'année 2008, le coût des amendes approchait 3 milliards d'euros.

Löscher a menée l'entreprise hors de cette mauvaise passe et a investi dans des technologies vertes politiquement correctes pour redorer son blason. Cela a payé, et il a été perçu comme une sorte de héros. Mais Siemens est maintenant sous pression. La société a manqué son objectif de bénéfices pour l'exercice 2012 de plus d'un milliards d'euros. Les revenus ont augmenté d'environ 7%, mais les dépenses ont bondi, et les profits nets ont chuté de 26% pour atteindre 4,5 milliards d'euros. Et c'était le bon temps.

Löscher souhaite économiser 6 milliards d'euros. L'entreprise pourrait supprimer 7 000 emplois en Allemagne. "Programme Siemens 2014", l'a-t-on ingénieusement baptisé. Son principal concurrent General Electric a aussi annoncé un programme de diète. "En ces temps économiques difficiles, il faut agir sur la productivité", a justifié Löscher.

Des temps économiquement difficiles ? Pas du point de vue des bourses aux Etats-Unis, en Allemagne et au Japon qui planent à leur manière omnisciente. Et cette locomotive américaine ? Ne roule-t-elle pas à pleine allure, si l'on s'en tient à l'état des indices Dow Jones et S&P 500 ? Non. "Au mieux, elle titube", affirme Löscher.

"Au mieux" ! Il en sait quelque chose. Siemens USA emploie 60 000 personnes réparties dans tous les États. Mais cette locomotive américaine dont le monde est devenu si dépendant est cassée. Alors il est passé à l'autre locomotive.

"Pendant la dernière crise, nous avions la Chine", a rappelé Löscher avec nostalgie, "et la plupart des autres pays émergents avaient aussi des taux de croissance élevés". Mais les espoirs se sont éteints. "A court terme, on ne doit pas s'attendre à un stimulus de la part de la Chine" a-t-il noté. Il n'y aura donc personne pour tirer le monde vers le haut lors de la prochaine crise.

Il s'est également inquiété de la crise de l'euro. "La situation reste difficile. La zone euro est une récession. Avec l'affaire de Chypre, il est devenu clair que la méfiance des marchés n'est pas de l'histoire ancienne. A moyen terme, le progrès va se ralentir en Europe."

Les entreprises comme Siemens, contrairement aux banques géantes, doivent survivre dans l'économie réelle, mais... "Les affaires ne sont sont pas simplifiées", remarque Löscher. "Les entreprises à cycle court manquent aussi d'élan. Nous n'espérons aucun vent arrière venant de l'économie mondiale et des marchés." Puis il a même éteint la dernière lueur d'espoir : "De nombreux experts espèrent un redressement au deuxième semestre. Nous n'en percevons aucun signe avant-coureur."

Alors comment se préparer à ce scénario ? "Se concentrer pleinement sur les facteurs que nous maitrisons", a-t-il dit, en référence au fameux Programme Siemens 2014 "c'est-à-dire les coûts de production et la productivité", en d'autres termes licencier des salariés et se débarrasser des filiales en difficulté. Lorsque suffisamment d'entreprises font des coupes, cela exacerbe la pression vers le bas. Quatre banques d'investissement s'intéressent déjà à toutes sortes d'unités de Siemens. Y compris celles spécialisées dans l’énergie solaire, maintenant que l'image de Siemens a été polie ; les choses ont changé, a-t-il dit "les marchés se font effondrés, l'Espagne a coupé les subventions, et les États-Unis ont découvert les gaz de schiste."

Avec un peu d'espoir, le revenu sera stable en 2013, et en 2014, peut-être y aura-t-il une "légère croissance", a-t-il noté. Mais attendez, l'objectif à atteindre n'était-il pas de 100 milliards d'euros de revenus ? "C'était un objectif secondaire" a-t-il dit. Mais il est maintenant à la poubelle. "Actuellement, l'économie mondiale est stagnante."

Cela résume l'état de l'économie réelle autour du monde. Les billons imprimés par les banques centrales et donnés à leurs copains sont allés courir après des actifs et ont créé toutes sortes de bulles chapeautées par énormément de pouvoir. Ils ont obscurcis les risques, distordu les marchés de crédit, et gonflé les marchés d'actions qui sont maintenant ivres de cet argent et aveugles face à l'économie réelle. Cela fait sens : les manipulations des banques centrales n'ont jamais été conçues pour – et ne peuvent – résoudre les problèmes économiques sous-jacents – mais elles entravent la voie vers leur résolution.

Les pays de la zone euro tombent comme des dominos. Mais les sauvetages – par les contribuables ou les autres pays – empêchent les banques de s'effondrer, les gouvernements de faire défaut, et les investisseurs de prendre des pertes bien méritées. Aux Etats-Unis, le budget d'Obama, avec ses nouvelles taxes, donne des palpitations cardiaques à droite comme à gauche. Mais comment les pays font-il vraiment ? Lire "De l'enfer des taxes au paradis des taxes".

Article précédemment publié sur le blog de Wolf Richter, Testosterone Pit

Traduit de l'anglais par Julie Mangematin

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