Subventions masquées, monnaie truquée... La face sombre de l’opération dumping de la Chine sur les économies occidentales<!-- --> | Atlantico.fr
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"Pékin aujourd’hui ose s’offusquer publiquement de la baisse du yen..."
"Pékin aujourd’hui ose s’offusquer publiquement de la baisse du yen..."
©Reuters

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Depuis début 2012, en toute impunité, Pékin accorde une subvention de 10% du montant de leurs exportations aux entreprises exportatrices chinoises et pratique la concurrence déloyale.

Antoine Brunet

Antoine Brunet

Antoine Brunet est économiste et président d’AB Marchés.

Il est l'auteur de La visée hégémonique de la Chine (avec Jean-Paul Guichard, L’Harmattan, 2011).

 

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A ce jour, M. Karel de Gucht, le commissaire européen au commerce extérieur toujours prompt à dénoncer M. Montebourg comme protectionniste, n’a obtenu aucune concession de Pékin sur les dossiers pourtant très établis de concurrence déloyale de la Chine dans l’industrie solaire et dans l’industrie sidérurgique. Aucune démarche punitive n’a par ailleurs été entreprise par Bruxelles à l’encontre de Pékin.

A ce jour, M. Pascal Lamy, Président de l’Organisation Mondiale du Commerce O.M.C. (et ancien commissaire européen au commerce extérieur) n’a toujours rien entrepris contre la violation par Pékin d’une des règles les plus fondamentales de l’OMC, l’interdiction des subventions à l’exportation.

Depuis début 2012 en effet, en toute impunité, Pékin accorde une subvention de 10% du montant de leurs exportations aux entreprises exportatrices chinoises (subvention qui est accordée sous forme d’un crédit d’impôt).

Pékin aujourd’hui ose s’offusquer publiquement de la baisse du yen alors qu’un an auparavant, il a lui-même pris, unilatéralement,  une mesure protectionniste qui équivaut à une dévaluation brutale de 10% du yuan contre toutes monnaies. Cela est franchement inacceptable.

D’autant plus inacceptable que la Chine a pris cette mesure alors même que son commerce extérieur restait très fortement excédentaire (à un rythme de 400 milliards $ par an) et que sa croissance restait supérieure à 7,5% l’an. 

En se lançant dans une subvention de 10% à l’exportation Pékin commet une véritable agression commerciale au détriment du reste du monde : pour avoir renforcé la progression de ses exportations, la Chine est venue aggraver encore le déficit commercial de la plupart des autres pays ; ce déficit commercial qui lui-même est à la base de leur désindustrialisation, de la stagnation de leur PIB, du recul de leur emploi, de l’explosion de leur chômage et de leur déstabilisation budgétaire, sociale et politique.

Mais que fait donc l’OMC sur un dossier aussi majeur ? La violation par Pékin des règles de l’OMC remonte à plus d’un an et à ce jour, nous observons que l’OMC est restée totalement passive. Ni mécanisme punitif à l’encontre de Pékin, ni procédure susceptible de déboucher sur une punition, ni même une  récrimination publique.

Que devient le libre-échange si, discrétionnairement, un très grand pays comme la Chine se permet d’en bafouer les règles sans en être puni ?

Les grands prêtres du libre-échangisme que sont MM. Karel de Gucht et Pascal Lamy nous expliquaient déjà contre toute évidence que le libre-échange entre les pays développés et la Chine restait « gagnant-gagnant » même si celle-ci maintenait des coûts salariaux horaires 25 fois inférieurs à ceux des pays développés et même si celle-ci maintenait des droits de douane de 30% en moyenne sur les produits qu’elle importe des pays développés (quand nous sommes engagés devant l’OMC à limiter à 5% les droits de douane sur  les produits que nous importons de chez elle).

Nos grands-prêtres vont-ils maintenant réactualiser leur argumentaire et oser nous expliquer que le libre-échange  entre les pays développés et la Chine reste « gagnant-gagnant » même si, discrétionnairement et illégalement, la Chine vient d’accentuer encore son dispositif protectionniste et se permet d’accorder désormais à ses entreprises, une subvention égale à 10% de leurs exportations.

Si l’histoire peut servir de guide, il faut rappeler que l’Empire Britannique est entré en déclin à partir des années 1870 pour avoir joué le libre-échangisme. A l’époque, il prétendait avoir la capacité de jouer le jeu du libre-échange avec deux pays, les Etats-Unis et l’Allemagne, qui avaient pourtant opté, en paroles et en actes, pour un protectionnisme résolu,. Ces deux pays pillèrent à l’Empire britannique ses parts du marché mondial, le laissant, à la veille de la première guerre mondiale, très affaibli sur tous les plans (industriel et financier, technologique et militaire).

Les populations des pays développés en tout cas ne sont certainement pas dans un jeu « gagnant-gagnant » avec la Chine.

A mesure que celle-ci désindustrialise leurs pays, elles sont gravement atteintes deux fois. Elles subissent une explosion du chômage, en conséquence directe de la désindustrialisation. Elles subissent une austérité budgétaire renouvelée, en conséquence indirecte (la désindustrialisation tend à aggraver le déficit budgétaire, ce qui, sous la contrainte du financement, oblige les gouvernements à des politiques renouvelées d’austérité budgétaire).

L’option du libre-échangisme, que prennent de facto MM. Karel de Gucht et Pascal Lamy, est une formidable erreur. Elle conduit les pays développés à une catastrophe économique et budgétaire et à un chaos social et politique. 

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