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Jean-Luc Mélenchon veut instaurer un référendum révocatoire pour écarter les élus corrompus en cours de mandat.
Jean-Luc Mélenchon veut instaurer un référendum révocatoire pour écarter les élus corrompus en cours de mandat.
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Bannis

Suite à l'affaire Cahuzac, Jean-Luc Mélenchon a évoqué la possibilité d'instaurer un référendum révocatoire pour écarter les élus corrompus en cours de mandat.

Didier Maus

Didier Maus

Didier Maus est Président émérite de l’association française de droit constitutionnel et ancien maire de Samois-sur-Seine (2014-2020).

 

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Atlantico : Suite à l'affaire Cahuzac, Jean-Luc Mélenchon a évoqué la possibilité d'instaurer un référendum révocatoire pour écarter les élus corrompus en cours de mandat : "Si les citoyens avaient la possibilité de demander un référendum révocatoire pour le maire, le conseiller général, le président de la République", ça, [ce serait] du pouvoir. Le reste, c’est des mots". Est-ce une mesure envisageable en France du point de vue constitutionnel ? Entrainerait-elle une modification de la Constitution ? 

Didier Maus : Le référendum de révocation (ou révocatoire, recall en anglais) est une pratique qui consiste à permettre aux électeurs, après une demande par pétition en ce sens, de révoquer des titulaires de fonctions électives : Président, maire, parlementaire, shérif, juge… Elle est présentée par ses partisans comme très démocratique dans la mesure où elle permet  un contrôle permanent des élus. A l’inverse,  ses détracteurs –très nombreux- considèrent qu’un tel référendum est contraire à l’interdiction du mandat impératif, à la liberté de l’élu et est susceptible de conduire vers un véritable populisme à tendance autoritaire.

Le référendum de révocation n’a jamais existé en France. Il ne fait aucun doute que son introduction nécessiterait une révision de la Constitution. La démocratie représentative, y compris dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme repose sur l’idée que les élus disposent d’un mandat d’une certaine durée (ni trop court, ni trop long) pour agir et qu’à son issue les électeurs et électrices se prononcent à nouveau, à la suite d’une campagne électorale libre,  honnête et contradictoire.

Le principe de référendum révocatoire est déjà mis en place dans plusieurs pays, notamment dans certains états des Etats-Unis, en Suisse et au Vénézuala. Est-il réellement pratiqué ? 

Le référendum de révocation est peu répandu, donc peu pratiqué. 

En Suisse il n’existe pas au niveau fédéral. Six cantons le prévoient : Berne, Schaffhausen, Tessin, Soleure, Thurgovie et Uri. Il semble qu’aucune des très rares tentatives de révocation n’ait abouti.

Les États-Unis sont la terre d’élection du recall. S’il n’existe aucune procédure de ce type dans la constitution fédérale plusieurs États le prévoient. Il y a eu en 2011, dans 17 États (sur 50) au total, 150 tentatives de recall : 75 ont abouti à la révocation de la personne visée. La plupart  du temps il s’agit de la mise en cause des maires des communes. Le plus célèbre recall est celui du 7 octobre 2003 en Californie : le gouverneur Gray Davis a été révoqué. Arnold Schwarzenegger a été élu à sa place.

Au Venezuela le président Hugo Chavez a fait modifier la Constitution en 2004 pour introduire le référendum de révocation. La consultation du 15 août 2004 lui a immédiatement été favorable.

Aurait-il de réelles vertus de moralisation de la classe politique ? 

C’est très difficile à apprécier. La moralisation repose autant –sinon plus-sur des comportements que sur des règles juridiques. La peur du gendarme n’a jamais empêché les voleurs d’exister. Il existe une responsabilité spécifique des autorités politiques élues, celle de mettre en harmonie les demandes contradictoires de la société et de tenter de définir et de mettre en œuvre un avenir collectif commun. La trop grande fréquence des élections, comme aux États-Unis pour la Chambre des représentants (deux ans), est un frein à l’action à long terme et aux mesures courageuses.

A l'inverse, quelles sont les dérives potentielles que ce type de mesures peut entraîner ?

Il est évident que des demandes fréquentes de révocation, même si elles échouent, peuvent créer une véritable ambiance d’instabilité et de suspicion. L’histoire prouve qu’un climat de ce genre est facilement susceptible de déboucher sur une demande sociale de nouvelle autorité. Il est parfois difficile d’accepter les défauts de la démocratie. Il est encore plus difficile d’accepter l’absence de démocratie. L’honneur des démocraties est de permettre que les situations illégales, anormales et amorales soient connues et sanctionnées.

De manière paradoxale, « l’affaire Cahuzac », avec ses côtés nauséabonds, n’aurait jamais été possible dans un régime non démocratique. 

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