Eclipse médiatique totale : ces 10 sujets incontournables que l’affaire Cahuzac a pourtant réussi à jeter dans l’ombre<!-- --> | Atlantico.fr
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L'affaire Cahuzac nous a empêché de voir de nombreux sujets bien plus incontournables
L'affaire Cahuzac nous a empêché de voir de nombreux sujets bien plus incontournables
©Reuters

Et pendant ce temps-là

Depuis presque deux semaines, tous les regards sont braqués sur l'affaire Cahuzac. Un tsunami médiatique qui a masqué une actualité pourtant très riche.

André   Bercoff,Bruno Bertez,Eric Verhaeghe et Nicolas Goetzmann

André Bercoff,Bruno Bertez,Eric Verhaeghe et Nicolas Goetzmann

André Bercoff est journaliste et écrivain.Il est notamment connu pour ses ouvrages publiés sous les pseudonymes Philippe de Commines et Caton. Il est l'auteur de La chasse au Sarko (Rocher, 2011), et plus récemment Qui choisir (First editions, 2012)

Bruno Bertez est un des anciens propriétaires de l'Agefi France (l'Agence économique et financière), repris en 1987 par le groupe Expansion sous la houlette de Jean-Louis Servan-Schreiber. Il est un participant actif duBlog a Lupus, pour lequel il rédige de nombreux articles en économie et finance.

Éric Verhaeghe est l'ancien Président de l'APEC (l'Association pour l'emploi des cadres) et auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.frDiplômé de l'ENA (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un DEA d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.
 

Nicolas Goetzmann est Stratégiste Macroéconomique et auteur d'un rapport sur la politique monétaire européenne pour le compte de la Fondapol.

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 1)Le revirement spectaculaire de politique monétaire du Japon entre dans sa phase 2

  • Et si la vrai info de la semaine sur Pierre Moscovici était sa rencontre avec le secrétaire d’État américain au Trésor, Jacob Lew ? Les deux hommes ont notamment évoqué la stratégie de la banque centrale du Japon qui consiste en une création monétaire colossale.

Nicolas Goetzmann : Il était temps. Le Japon a mis 20 ans pour comprendre que l'origine de sa crise était monétaire. Pour résoudre une telle crise, seule la banque centrale peut offrir une solution. Le nouveau gouverneur de la Bank of Japan a mis en place un plan de relance colossal, représentant 15% du PIB du pays étalé sur 2 ans. Grace à cela, le Japon va retrouver la croissance et des marges de manœuvres pour se réformer.

Jack Lew évoque ce sujet avec Moscovici car justement, l’Europe reste de fait la seule zone n’ayant pas fait ce diagnostic monétaire et que cela devient un problème pour le monde entier. L’Europe qui se réfugie dans son idéologie est une menace pour la croissance mondiale et la pression s’intensifie à chaque résultat offert par les réformes monétaires aux Etats Unis, au Japon et au Royaume Uni. Le constat est déjà évident, seule la zone Euro est encore en récession. Il faut maintenant une prise de conscience Européenne sur la nature du mandat de la BCE, pour parvenir à en finir avec cette crise.

Bruno Bertez : La stratégie de la banque centrale du Japon doit être interprétée comme une stratégie conjointe des Etats-Unis et du Japon. Pour des raisons géopolitiques, les États-Unis s'inquiètent de l'affaiblissement japonais alors que les tensions régionales s'avivent et que les nationalismes s'exacerbent. Le renforcement de l'allié japonais passe par un affaiblissement du yen et une création monétaire colossale. C'est ce qui est tenté présentement. Cela va se faire sur le dos de l'Europe, de la Chine, de la Corée du sud, etc. Les risques de  déstabilisation internationale sont très importants.

Eric Verhaeghe : Le Japon, c'est l'Europe avec dix ans de plus.Depuis 1999, le Japon est en situation de stagnation économique, avec des taux d'intérêt très bas voire négatifs comme la France en connaît. De ce point de vue, l'expérience japonaise est un peu un test pour les Européens, à une nuance près : l'endettement japonais est colossal, proche des 200% de PIB, soit deux fois plus que le nôtre. Démonstration est donc faite que l'on peut vivre avec une dette publique beaucoup plus importante que la nôtre, sans dommage majeur sur la vie quotidienne. Je veux dire sans catastrophe économique avérée.

La banque centrale japonaise est la première à ouvrir le bal des revirements de politique monétaire. Comme la croissance, ce Graal contemporain qui fera rire aux éclats dans cent ans, ne revient pas (que voulez-vous, on ne peut raisonnablement pas acheter cinq téléphones portables, huit tablettes et dix ordinateurs dans chaque ménage... pour stimuler les statistiques officielles), la banque centrale a décidé de jeter son va-tout en fabriquant de l'argent de singe. C'est dommage et c'est dangereux. Il doit bien y avoir des façons plus intelligentes de sortir de l'impasse économique où nous sommes. En même temps, c'est amusant: le Japon réinvente les assignats de la Révolution française.

 2) Le creusement du déficit du budget de l’État français 

Bruno Bertez : Le creusement du déficit de l’État était prévisible même s'il n'a pas été prévu. La politique engagée produit à la fois du chômage et du déficit. Les gouvernants croient aux effets positifs du keynésianisme. Lorsqu'ils augmentent les dépenses et les dettes. Mais ils n'ont pas une intelligence suffisante pour penser que lorsqu'on fait une réduction de la stimulation keynésienne, l'activité ralentit, les recettes faiblissent et les ratios de déficits augmentent. Ce qui est étonnant, c'est que cela puisse étonner qui que ce soit.

La réalité est qu'il faut faire semblant de l'ignorer afin de poursuivre, comme si de rien n'était, des politiques de Gribouille. Par ailleurs, le choix qui a été fait dans un premier temps d'augmenter les recettes sans toucher aux dépenses est un choix tout à fait inadapté à la situation présente. La baisse des dépenses, si elle avait été pratiquée, aurait eu un effet plus direct sur la réduction du déficit. En même temps, en réduisant les frais généraux de la Nation, elle aurait été porteuse d'avenir par le biais de l'amélioration de la compétitivité.

Il ne faut cependant pas faire une montagne de l'accroissement du déficit car cela ne se traduit pas par un renchérissement du coût des emprunts français. Les emprunts français restent corrélés aux emprunts des pays du nord, la corrélation n'a pas basculé vers les pays du sud.

Eric Verhaeghe : Évidemment, c'est une des mauvaises nouvelles du mois, et peut-être la seule qui vaille la peine d'être retenue. Car on sent bien, collectivement, que le désendettement du pays est l'explication majeure du délitement politique et moral auquel nous assistons depuis plusieurs mois. Au moins, que ce délitement serve à quelque chose. Et là, en revanche, on est servi! Par rapport à l'an dernier à la même période, le déficit a augmenté de 3 milliards. C'est un chiffre colossal sur deux mois. Potentiellement, cela conduit à une augmentation du déficit annuel de plus de 10 milliards d'euros, là où le gouvernement avait annoncé une baisse de 20 milliards. 

Certains incriminent l'austérité pour expliquer ce grand écart. L'austérité ferait baisser les recettes de l'impôt. Le problème est que l'aggravation du déficit est autant due à une baisse des recettes qu'à une augmentation des dépenses. Traduction: l’État ne maîtrise pas son budget et les accusations lancées contre l'austérité cachent aussi une paresse des pouvoirs publics et du gouvernement à réformer l'administration. On accuse les politiques budgétaires pour cacher des défaillances managériales. La France d'aujourd'hui, c'est un peu Astérix aux Jeux Olympiques: on perd parce que le terrain de la conjoncture est trop lourd et les sangliers mal nourris, pas parce que "l'équipe fonction publique" est mal préparée. Mais ne nous leurrons pas sur ce point.

3) Le choix des syndicats représentatifs

  • Le gouvernement a annoncé vendredi 29 mars la liste des syndicats représentatifs autorisés à négocier des accords nationaux dans le secteur privé au cours des quatre prochaines années, même si le taux de syndicalisation en France est seulement d'environ 7% de la population active...

Bruno Bertez : La représentativité des syndicats est une sinistre tarte à la crème. Elle témoigne d'une société bloquée, inefficace et injuste. Globalement les syndicats n'ont aucune représentativité tant le taux de syndicalisation est faible. Il serait encore plus faible si les adhérents devaient verser une vraie cotisation significative. La preuve que les syndicats sont globalement non représentatifs, c'est que la demande d'adhésion syndicale est faible et qu'elle doit être subventionnée par des tiers payants licites ou illicites.  

Comme toutes les institutions françaises, le syndicalisme doit se réformer. Peut-il le faire de lui-même? Non. Il faut laisser les travailleurs produire de nouvelles structures. Par conséquent, il faut casser les monopoles syndicaux actuels pour favoriser l'émergence de nouvelles organisations plus adaptées.

Il est évident que l’État n'a pas à intervenir dans ce processus. S'il intervient, le syndicalisme se trouve déjà fondamentalement perverti et détourné. La France est tellement étatisée qu'elle trouve normal que l’État projette en quelque sorte son idéologie et ses intérêts sur des structures et des organisations qui ne devraient concerner que le monde du travail.

Eric Verhaeghe : Le 29 mars, rappelons-le, le ministère du Travail a publié des chiffres que personne n'a vérifié. Ils montrent que la CFDT et la CGT se tiennent au coude à coude dans les entreprises. Voilà qui remet quelques pendules à l'heure. Cela dit, l'information principale n'est pas là. Elle tient surtout au fait que la loi du 20 août 2008 produit peu à peu ses effets. Cette loi avait un objectif simple: on arrête d'asseoir la représentativité syndicale sur le fameux arrêté de 1966 qui avait décrété que CGT, CFDT, FO, CFTC et CGC étaient représentatifs quoi qu'il arrive, même s'ils ne recueillaient que des scores groupusculaires aux élections. Cette mécanique gaullienne a dissuadé pour longtemps les syndicats de recueillir des adhésions.

Avec la loi de 2008, la représentativité est liée au score recueilli par les syndicats aux élections d'entreprise. C'est évidemment beaucoup plus démocratique et beaucoup plus satisfaisant pour les salariés des entreprises qui constatent trop souvent l'écart entre leurs attentes et les revendications des syndicats. Nous sommes entrés dans un mouvement à long terme qui recomposera le paysage social français dans les dix prochaines années.

André Bercoff : Dans le secteur privé, les syndicats ne représentent que 8% de la population active et 1 à 2% dans les très petites entreprises. La vraie question est de savoir si, en France, patronat  et syndicats seront un jour capables de se parler en adultes, les yeux dans les yeux et non de couveuse à couveuse, sans avoir besoin d’aller pleurer en permanence auprès de l’Etat. Comme en Allemagne. On peut toujours rêver.

4) La réforme des licenciements

  • La réforme des licenciements économiques a été votée par l'Assemblée nationale ce lundi. Une mesure qui s'inscrit dans le cadre du projet de loi sur la sécurisation de l'emploi. Les entreprises devraient avoir plus de marges de manœuvre pour décider qui sera effectivement licencié.

Bruno Bertez :Ce sujet reflète la connivence qui existe entre le gouvernement, l’État et le Medef. Il ne reflète pas les besoins des entreprises. C'est, comme à l'accoutumée, un mouton à cinq pattes, produit par des gens totalement déconnectés des réalités, professionnels de la représentation et de rien d'autre.

André Bercoff : Réforme importante, réforme essentielle. C’est un terrible témoignage de la décomposition accélérée du régime que de constater que cette avancée incontournable en matière de compétitivité entrepreneuriale et de sécurité sociétale n’ait pas encore vu le jour, en raison notamment de l’affaire Cahuzac et du formidable Niagara de sanglots moralisateurs qu’elle a suscités. Une fois de plus, l’arbre de la confession patrimoniale cache la forêt du chômage et de la dette.

Eric Verhaeghe : Un moment d'intense paradoxe sur lequel des tomes entiers pourraient d'ores et déjà être écrits. Je voudrais juste relever un seul paradoxe étonnant dans cette loi : son indécision. D'un côté, la loi permet de déroger au Code du Travail par accord d'entreprise. D'un autre, elle prévoit une généralisation de la complémentaire santé par accord de branche. Il y a derrière tout cela une profonde indécision, qui dépasse très largement les questions ponctuelles d'économie, et qui concerne les sujets séculaires de la société française.

Pour aller vite, la notion de branche trouve ses racines profondes dans l'Ancien Régime et a constitué l'ossature du droit social du 20è siècle. En abordant un siècle nouveau, où la France commence bien mal avec son déficit de compétitivité, on pourrait imaginer que nous changions de paradigme et que nous misions sur l'entreprise, comme les pays qui réussissent le mieux dans la lutte contre le chômage. En réalité, la France hésite entre le retour en arrière et la marche en avant. Cette indécision est paradoxale.

5) Le rebond de l'industrie


André Bercoff : Cela prouve que, malgré trente ans d’incurie et de négligences, la France industrielle n’est pas encore tout à fait morte, en dépit du requiem quotidien des déclinistes. Encore ne faut-il pas se tromper, dans notre univers définitivement globalisé, dans le choix des produits, des cibles et des stratégies. Innovation d’abord et toujours.


6) Après Chypre, le Portugal et la Slovénie sont-ils les prochains sur la liste ? 

  • La Cour constitutionnelle du Portugal vient de rejeter plusieurs mesures d'austérité, notamment la réduction des assurances santé et chômage. Dans le même temps, les banques slovènes font face à un risque important sur un certains nombres d'actifs "toxiques" dans leurs bilans.

Bruno Bertez :Ce qui menace vraiment l'Europe, ce sont ceux qui imposent la politique actuelle d'asphyxie économique et de sauvetage coûte que coûte des banques.

La volonté allemande de réduire ses coûts de sauvetage fait évoluer l'action européenne dans un sens de plus en plus injuste et dangereux. Pour réduire ses coûts de sauvetage, réduire sa facture de solidarité, l'Allemagne tente à la fois de sauver son système bancaire et, en même temps, de ruiner les créanciers, les déposants, des systèmes bancaires des pays tiers. C'est précisément le moyen le plus sûr de détruire l'Europe, la vraie Europe, celle des peuples. Les antagonistes s'exacerbent, les ressentiments enflent; la haine même de l'autre, singulièrement l'allemand, est en train de s'installer. Comment maintenir une communauté européenne dans ces conditions?

Il faut être clair, les eurocrates se trompent totalement lorsqu'ils imaginent que l'on peut faire l'Europe en ruinant les peuples. Le grand rêve d'une Europe qui converge et s'unifie par la monnaie est terminé. Il s'est transformé en cauchemar. Pour l'instant, le cauchemar est cantonné au niveau de quelques pays périphériques particulièrement faibles, mais le bulldozer de la crise ne va pas s'arrêter là. Il va laminer, disloquer, ce qui reste encore du peu d'esprit européen dans les consciences populaires.

La seule solution pour sauver l'Europe est d'accepter la restructuration conjointe des dettes et des créances du couple banques/gouvernements. Les citoyens n'ont pas à payer deux fois, une fois pour sauver les banques et une fois pour sauver les État.

André Bercoff :Tant qu’il n’y aura pas de véritable harmonisation financière et économique européenne, l’épée de Damoclès sudiste campera au-dessus de la tête des « vertueux » de l’Europe du Nord. Sans les Etats-Unis d’Europe qu’appelait de ses vœux Victor Hugo, ce sera toujours la fuite en avant et le rafistolage précaire jusqu’au prochain séisme, dont les fourmis accuseront évidemment les cigales.

7) Les difficultés économiques de la Chine

  • La Chine a annoncé ce mercredi un déficit de son commerce extérieur pour le mois de mars, une situation inhabituelle pour le premier exportateur mondial.

Bruno Bertez : Nous analysons l'autorisation donnée aux Japonais de dévaluer comme une mesure de géopolitique. Les tensions régionales vont au-delà des gesticulations nationalistes à usage domestique.

La Chine, compétiteur stratégique des Etats-Unis, est dans une phase délicate. Il semble que le modèle sur lequel elle s'est développée tout au long de ces dernières années ait touché ses limites. En particulier au plan bancaire et financier. Le système chinois est surendetté, les banques sont gorgées de créances douteuses. Les provinces et les autorités régionales ne maintiennent un semblant de solvabilité que par les opérations sur les terrains et sur l'immobilier.

Le gouvernement a conscience du fait que cette situation est très malsaine, mais il se trouve pris entre des contradictions majeures. D'un côté, le risque d'inflation produisant de la déstabilisation sociale, de l'autre le risque de déflation produisant une remise en cause des structures. Si l'on en juge par les statistiques économiques et le comportement boursier chinois, on peut dire que le pays patauge.

La mise en place d'un nouveau modèle de croissance économique beaucoup plus fondé sur la demande intérieure et la demande régionale prendra longtemps et surtout elle ne se fera pas sans douleur car la société chinoise n'est pas organisée, pas plus que l'économie d'ailleurs, pour cette grande transition. La montée du nationalisme et le durcissement des propos s'inscrivent dans ce contexte de transition difficile.

8) Le ton monte entre les deux Corées


Eric Verhaeghe : Le développement de l'arme nucléaire en Corée du Nord est un facteur de déstabilisation que l'Occident sous-estime depuis une dizaine d'années. Le cours des affaires en extrême-Orient est pourtant assez intéressant, car il révèle une extrême fragilité d'un ordre international qu'on croyait inscrit dans le marbre, et robuste, depuis les années 50. En réalité, la rivalité profonde entre la Chine et le Japon qui structure l'histoire diplomatique de l'Asie depuis plus de cent ans est loin d'être éteinte. Cette partie de l'histoire est peu enseignée dans les écoles en France, mais elle est essentielle pour comprendre notre monde. C'est quand même la théorie japonaise de la sphère de co-prospérité qui a justifié la guerre dans le Pacifique dès le début des années 30. On oublie trop souvent en France que, si notre guerre a duré cinq ans, la guerre entre la Chine et le Japon en a duré le triple, depuis l'invasion de la Mandchourie jusqu'à Hiroshima. S'agissant de la Corée, la guerre a même duré cinq ans de plus.

Nous vivons un retournement stratégique majeur en Extrême-Orient. Au sortir de la guerre, le Japon a connu une prospérité fulgurante qui est en panne depuis plus de 10 ans. La Chine, qui a souffert d'une longue phase de sommeil maoïste, connaît un développement fulgurant depuis que le Japon stagne, et évidemment depuis que les Occidentaux ont décidé de lutter contre l'inflation en important massivement des produits chinois à prix dérisoire. Les tensions militaires qui entourent ce revirement de position mériterait un peu plus d'inquiétude et même d'angoisse que nous n'en avons aujourd'hui. Les Japonais n'ont pas vécu la phase de contrition qui a frappé l'Allemagne après la libération des camps d'extermination. Curieusement, cette absence de repentance pèse lourd dans les relations internationales.

9) La menace Al-Qaïda en Syrie

  • Les djihadistes en Syrie ont fait allégeance au chef d'al-Qaida, Ayman al-Zawahiri, caché entre l'Afghanistan et le Pakistan. Pendant ce temps-là, la France tergiverse.

Eric Verhaeghe :François Hollande, de façon étonnante, se glisse dans les habits de Nicolas Sarkozy, qui avait rompu avec la vision gaullienne de la Méditerranée. De Gaulle avait compris que l'intérêt de la France était de construire des partenariats à long terme avec les régimes arabes, surtout de tradition francophile, et de ne pas centrer sa politique sur une alliance avec Israël. La Syrie est un allié historique de la France. A de nombreux égards, le régime baasiste y est un moindre mal pour l'ensemble de la région. C'est un régime laïque, plutôt équilibré socialement, et attaché à de bonnes relations avec le monde francophone. Le combattre est une aberration d'un point de vue religieux: il est évident que les mouvements islamistes bien implantés au Liban en tireront profit et déséquilibreront la région, à commencer par Israël. C'est aussi une aberration d'un point de vue stratégique: la famille el-Hassad cédera probablement la place à des forces sans attache particulière avec la France.

Le bon sens consisterait plutôt, pour la France, à jouer la carte de la conciliation en proposant une médiation aux deux parties. Au demeurant, personne ne sait réellement ce qui se cache derrière la prétendue rébellion syrienne. On peut d'ailleurs reprocher à la presse officielle française de ne pas faire son travail de décryptage. Pourtant la Syrie, comme le Rwanda avant que nous ne le livrions à l'Ouganda, paravent du monde anglo-saxon, est un élément de l'influence française que nous devons préserver dans notre sphère.

10) Et la guerre au Mali dans tout ça ?

Eric Verhaeghe :  L'Etat malien n'existe pas au sens où nous l'entendons. Le Mali, à de nombreux égards, est une fiction née de la colonisation, comme beaucoup d'Etats africains. Les mouvements de type Aqmi ont compris depuis longtemps le principe de la guérilla: pas d'affrontement direct avec des armées de métier, et une stratégie d'occupation de tous les interstices laissés par les pouvoirs en place.  L'intervention française a permis de juguler temporairement un mouvement d'expansion vers le sud entamé par les forces islamistes. Dès que l'armée française quittera le sol malien, le mouvement reprendra sa place.

André Bercoff : Tout le monde sait qu’il s’agit, au Mali comme en Afghanistan, en Somalie comme au Pakistan, en Egypte comme en Syrie, d’une guerre mondiale et asymétrique entre les peuples, leurs dictateurs et leurs intégristes, qui durera vingt ou trente ans. Tout le monde, sauf les gouvernements occidentaux qui ne veulent surtout pas être traités de va-t-en-guerre. Fausse alerte ou vrai Munich ? L’avenir le dira assez vite.

Propos recueillis par Alexandre Devecchio

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