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2/3 des Américains désapprouvent le fait d'être traqués par les annonceurs sur Internet.
2/3 des Américains désapprouvent le fait d'être traqués par les annonceurs sur Internet.
©Reuters

Vrai ou faux

Les sites Internet récoltent des informations personnelles sur leurs internautes qu'ils revendent ensuite à des annonceurs, en particulier pour faire de la publicité ciblée. Cependant, en moyenne, plus de 50% de ces informations sont erronées.

La publicité sur Internet est le nerf de la guerre. Sans elle, aucun des sites gratuits que vous consultez – que ce soit Google, Facebook, Yahoo ou encore Twitter – ne pourraient exister. Ces entreprises font en fait des profits en extrayant des données de leurs utilisateurs et en les revendant à des compagnies publicitaires. C'est pourquoi on dit souvent, comme le précise à juste titre "All Tings D", que "lorsque l'on obtient quelque chose gratuitement sur Internet, nous ne sommes plus des consommateurs ou des utilisateurs, mais nous devenons le produit." En clair, rien n'est jamais vraiment gratuit sur Internet.

Mais alors : quels types d'informations ces sites réussissent-ils  à récupérer et à quel point sont-elles fiables ? Pas facile de s'en rendre compte lorsque l'on n'est qu'un utilisateur lambda de ces réseaux sociaux. Et pas très agréable comme sentiment de se sentir suivis à la trace sur Internet : d'ailleurs le New York Times signalait déjà en 2009 que 2/3 des Américains désapprouvent le fait d'être traqués par les annonceurs sur Internet.

Ces fameux annonceurs – grâce aux données récupérées par les sites Internet que nous utilisons – réussiraient donc à obtenir de nombreux éléments sur nos goûts et nos opinions, de notre tendance politique jusqu'à notre préférence en matière de mode féminine. Cependant selon le magazine américain Quartz, près de la moitié des éléments récoltés sont soient faux, soient complètement "à côté de la plaque".

C'est une nouvelle start-up qui a permis au journaliste du site américain d'arriver à cette conclusion. Enliken, comme l'explique un autre article du New York Times publié il y a quelques semaines, est une entreprise qui propose aux internautes de vendre eux-mêmes leurs données. Les utilisateurs d'Enliken téléchargent volontairement des logiciels qui traquent leur activité online. Ils peuvent donc choisir ce qu'ils veulent vendre aux annonceurs, et Enliken prend 10% : cette proposition est un véritable renversement des paradigmes de la publicité online, qui pourrait avoir des conséquences sur l'ensemble de l'économie numérique (voire l'interview de Jacques Henno ci-dessous l'article).

L'idée de ce site est de montrer que les informations récoltées par les sites actuellement sont erronées et qu'un système où les internautes vendraient eux-mêmes leurs informations personnelles seraient meilleurs pour tout le monde.

Pour prouver ses dires, Enliken a donc organisé une étude pour que des journalistes et des investisseurs puissent comparer les données que les sites ont récoltées sur les internautes et la vérité. Et les résultats sont bluffant : en moyenne 50% des données récoltées par les sites Internet sont erronées. Les résultats ne sont pas égaux pour tous les sites : Google récolte 68% de données qui sont en accord avec la réalité alors que Yahoo n'en possède que 45% (le site américain n'avait pas souhaité répondre ou commenter cette information au moment où Quartz publiait son article).

Des résultats très mauvais, mais de là à ce que les internautes acceptent de vendre leurs données personnelles, il y a un pas…

Jacques Henno est conférencier, spécialiste des nouvelles technologies et auteur de Silicon Valley / Prédateurs Vallée ? Comment Apple, Facebook, Google et les autres s'emparent de nos données, éditions Télémaque, 2012. Il répond à nos questions.

Rien sur Internet n'est vraiment gratuit... Les internautes ont-ils consciences de cette monétisation de leurs données personnelles ?

J'interviens très régulièrement devant des collégiens et des lycéens qui sont des très gros utilisateurs de Facebook ou Google, et lorsque je leur demande comment ces sites-là gagnent de l'argent je m'aperçois qu'ils ne se sont jamais posés la question. Et ce n'es pas vrai que pour les jeunes : plus globalement, les internautes ne se posent pas la question. Si vous ne vous posez pas cette question, vous ne pouvez pas vous douter que les entreprises gagnent de l'argent grâce à la publicité personnalisée déterminée en fonction de vos centres d'intérêts eux-mêmes déterminés grâce à un certain nombre d'informations que nous confions à ces sites Internet.

A quel point cette utilisation de nos données personnelles est dangereux pour nos libertés ? Est-ce légal ?

J'estime que c'est dangereux pour nos libertés car il faut bien avoir conscience que toutes ces sites peuvent recouper toutes ces données entre elles. Par exemple Facebook est lié à une entreprise spécialisée dans les bases de données marketing qui s'appelle ACXIOM qui permet de savoir ce que nous achetons dans la vraie vie. Facebook croise donc les informations d'ACXIOM avec les données qu'il récupère sur nous quand nous utilisons son réseau social afin de pouvoir mieux cibler les publicités qui vont s'afficher lorsque nous nous connecterons. Ces fichiers peuvent également être réquisitionnés à des fins judiciaires. (NDLR : La communication du  groupe Acxiom nous fait préciser que le partenariat entre Acxiom et Facebook lie les deux entreprises uniquement sur le territoire américain)

Enfin ces données peuvent être utilisées à des fins politiques. Dans le cadre de l'affaire Bettencourt, un journaliste du Monde avait sorti un scoop qui n'avait pas plu au pouvoir en place. Le pouvoir avait donc contourné le secret des sources et demandé à l'opérateur de téléphonie mobile de ce journaliste qui il avait appelé les jours et les semaines précédents la révélation de son enquête : c'est ainsi que le pouvoir a réussi à trouver la source interne.

Plus globalement le fait de récupérer les données personnelles des utilisateurs est légal puisqu'en s'inscrivant sur les sites comme Facebook, Google etc. on accepte les conditions d'utilisation (que personne ne lit jamais jusqu'au bout), et on accepte que nos informations soient tracées ou utilisées.

Plus de la moitié des informations récoltées par les annonceurs sont erronées... Comment les sites et les annonceurs pourraient-ils faire pour "améliorer" la précision de leurs informations ?

Avant tout il faut préciser que l'enquête a été proposée par une entreprise qui a tout intérêt a montré que les données récupérées sont erronées... Après, il faut savoir que la plupart des informations récupérées sont corrélées avec l'adresse IP d'un ordinateur, ce qui fait que les sites en question savent que tel ordinateur est allé sur tel site, mais les publicitaires ne peuvent pas savoir si c'est moi, ma femme, ou un de mes enfants… Bien sûr, avec Facebook c'est différent : comme on se connecte à notre profil, le site sait précisément qui regarde quoi. C'est pourquoi Google propose de plus en plus de services personnalisés comme Google +. Il nous suit et sait quand on est allé sur YouTube [qui appartient à Google], Gmail, GoogleDrive, Google Maps etc.  Ce qui explique également la volonté de Google de faire utiliser son navigateur Internet Google Chrome.

Mais pour aller plus loin - et ce n'est pas être machiavélique - mais Google Chrome ce n'est rien par rapport à Android. Le système d'exploitation pour smartphone développé, là-aussi, par Google permet de nous géolocaliser, et donc de nous proposer des publicités en fonction de nos déplacements, de l'endroit où nous nous trouvons… si l'on marche dans la rue entre midi et deux, il nous proposera des publicités pour des restaurants par exemple.

La proposition d'Enliken que les internautes vendent eux-mêmes leurs données est-elle crédible ? Les utilisateurs vont-ils accepter de vendre eux-mêmes leurs informations personnelles ?

Il y a déjà eu plusieurs tentatives de ce gout là, mais je ne vois pas comment cela pourrait fonctionner. Ce qu'il faut bien voir c'est que Google est le plus gros acteur de la publicité en ligne, c'est lui qui gère la publicité sur des millions de sites à travers le monde. Il est donc incontournable. Je ne pense pas que Enliken va pouvoir court-circuiter ces grands groupes.

En tout cas je ne pense pas que les internautes soient assez conscients des informations qu'il transmette sur Internet ni de la valeur de ces données pour aller les vendre eux-mêmes. Il faut une action de sensibilisation. Mais je pense que la proposition de cette entreprise, de maîtriser et d'avoir un vrai pouvoir sur leurs données, est une très bonne idée.

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