L'Etat Hollande en passe de basculer de l'inertie à la paralysie<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
François Hollande est à un tournant dans son quinquennat.
François Hollande est à un tournant dans son quinquennat.
©Reuters

Pente glissante

Critiqué pour son action jugée trop floue depuis le début de son quinquennat, François Hollande se trouve à un tournant : s'il ne réagit pas aux mauvaises nouvelles de ces dernières semaines, c'est l'avenir du pays qu'il hypothèquera. (2/2)

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Voir la bio »

A (re)lire, la première partie : François Hollande : les coulisses d’une semaine à peine plus dramatique que les autres

Après avoir été « M. Bricolage », François Hollande est donc devenu cette semaine « Monsieur je ne sais rien ». Pour les comptes en suisse, « il ne savait pas ». Pour les paradis fiscaux fréquentés par un de ses proches, « il ne savait pas ». Il ne savait rien mais pour la première fois il s’est mis en colère.

Colère noire, colère d’affolement. Parce qu'il s’est aperçu pendant son voyage au Maroc «qu'il serai obligé de réagir ». Tant qu’il n’y avait que le scandale Cahuzac à gérer, il pouvait déporter le problème sur son Premier ministre et gagner du temps. Comme à son habitude. Ne rien dire. Ne rien faire. Mais maintenant que les scandales se multiplient et se rapprochent de lui, le tissu socialiste se fissure, les troupes grognent et c’est peu dire.
Pour une raison simple, l’ADN de la gauche se retrouve trahie. Cette ADN était faite de  vertu, d’honnêteté, de générosité, de transparence. A gauche, tout le monde, il est bon et gentil… A droite, ils sont forcément méchants. Forte de cette certitude idéologique, la gauche avait toujours raison et les cadres du mouvement s’étaient érigés en directeurs de conscience, porteurs de vertu et professeurs de morale. Parfois, il y a du Robespierre ou du Saint-Just, chez les dirigeants du Parti socialiste.

Cette semaine, cet ADN s’est déchiré face à la réalité de certains comportements humains et du coup la base oscille entre le désespoir, le découragement et la rage. Ce qu'indique l’effondrement total des cotes de popularité.

François Hollande, qui comptait sur cette force de l’idéal socialiste pour faire passer des reformes compliquées et douloureuses, se retrouve complétement désarmés. Comment faire accepter un allongement de la durée de cotisation a des gens qui ont perdu confiance en vous ? Comment obtenir une réduction des dépenses publiques, c’est à dire du nombre de fonctionnaires, à des gens qui n’en reviennent pas d’avoir été trahi à ce point ?

C’était déjà pas facile, parce qu’on avait quand même soigneusement oublié de mettre ces réformes au programme, mais maintenant qu’on s’aperçoit que le ministre chargé de lutter contre la fraude fiscale fraudait le fisc lui-même et pour son propre compte, les électeurs auraient l’envie de se révolter et de mettre le feu à Bercy qu’il ne faudrait pas s’en étonner.

C’est le risque de révolte ou, plus probable, de paralysie du travail administratif qui poussera François Hollande à changer son gouvernement. C’est le seul moyen de justifier un changement de politique. Mais il le fera au dernier moment. Un peu avant le début de l’été. Avec des hommes comme Louis Gallois ou Pascal Lamy, qui sera libre de tout engagement à OMC, et qui pourrait ne pas s’embarrasser de politique politicienne. Un peu comme Mario Monti en Italie. En clair, un gouvernement de crise pour sortir de la crise.

Le monde des affaires a bien conscience qu'on est rentré désormais dans les zones à risque avec une gestion des affaires économiques qui part dans tous les sens.

Le ministre de l’Economie, Pierre Moscovici, très secoué par sa mise en cause dans l’affaire Cahuzac, est épuisé. Entre les aller-et-retour à Bruxelles, les plateaux de télévisions où il est obligé de se défendre du procès qui lui prêté l’intention d’avoir protégé Jérôme Cahuzac, les entretiens permanents avec le président de la République et les séances à l’Assemblée, il essaie de temporiser sur la situation économique.

Il n’échappe pas aux contradictions. Vendredi dernier, il reconnaissait que la croissance serait proche de zéro alors que la prévision officielle est encore calée à 0,8%. Mais aussitôt après, il rassurait des syndicats en leur expliquant que les « fondamentaux restaient bons puisque les taux d’intérêt sont historiquement bas, preuve que les investisseurs internationaux nous font confiance ». La réalité de ces chiffres est que « plus personne en Europe n’emprunte de l’argent à plus de dix ans », même pas l’Allemagne qui est à l’équilibre budgétaire. Le seul pays qui a un besoin croissant de financement, c’est la France. Les investisseurs n’ont pas d’autres terrains d’atterrissage où investir. Ils font donc un pari. Pour le moment ça marche, mais c’est du poker menteur. Ce n’est pas le signe que la situation française est bonne, c’est le signe qu’il n y a pas d’autres opportunités d’investissement en Europe.

L’Europe dans son ensemble est plombée et elle risque de plomber l’économie mondiale. Du coup, les pressions internationales auprès de la Banque centrale européenne se font très pressente. Mario Draghi, le président de la BCE est harcelé pour faire redémarrer la planche à billets, accroitre le montant des liquidités. Un peu comme la banque du Japon ou d’Angleterre. Mais il s’y refuse tant que des grands pays comme la France n’ont pas entamé et assumé les grandes réformes de structure : le travail pour plus de compétitivité, l’Etat et l’administration pour moins de fonctionnaires et de dépense publique, le modèle social pour moins de déficit de la sécurité sociale. La France n’a pas entendu les remontrances de Mario Draghi, les affaires faisaient trop de bruit.

Mais la France a été montrée du doigt cette semaine comme jamais elle ne l’avait été. La presse anglo-saxonne a écrit que l’affaire Cahuzac était la conséquence de la surfiscalité française : « les impôts sont tellement lourd en France que même le ministre chargé de les calculer a essayé d’y échapper ». Très british comme plaisanterie. Peu probable que David Cameron se risque à la reprendre quand il viendra à l’Elysée mardi soir.

 La presse allemande est beaucoup plus sévère avec François Hollande, puisqu’elle s’interroge pour savoir si le président a les « épaules assez large pour être président d’un si grand pays ». On n’en sort pas !

La presse américaine, elle, est venue voir de près comment Bercy fonctionnait et s’est intéressée à Arnaud Montebourg. Il a donné une interview au Wall Street journal dans laquelle il a annoncé, comme si de rien n’était, que la France pourrait vendre certains participations industrielles pour renflouer les caisses du budget. Lui, l’homme de Fleurange, le pourfendeur de Mittal, les Américains n’en reviennent pas ! Décidément, ce pays est difficile à lire. Il a d’ailleurs confirmé que la France avait vendu 3,12% du capital de Safran, pour un montant de 500 millions d’euros. Devant la perspective des privatisations, le monde de la banque et de la finance s’est subitement excité à la lecture du Wall Street journal jusqu’au moment où le cabinet a recadré le propos du ministre. « Il ne s’agit en aucun cas de privatisations ; il ne peut s’agir que de céder des participations, sans pour autant perdre le pouvoir d’influencer les stratégies industrielles. » Une fois de plus, un ministre parle aux Anglo-Saxons la langue de la responsabilité et revient à Paris pour parler la langue de bois.

En attendant, le listing des participations d’Etat qui pourraient être à vendre sans l’être officiellement circule dans tous les états-majors bancaires. EDF, un joyau ou l’Etat possède encore 85%, ce qui représente 500 milliards d’euros et Areva, 87%, mais c’est stratégique nous dira-t-on, sans savoir expliquer pourquoi la France a besoin de posséder ces entreprises. Air France encore 15%, France Telecom, 27%, EADS, 15%, Renault 15%... La semaine prochaine, François Hollande reçoit quelques grands patrons français dont Stéphane Richard le président de France Telecom. Il y a deux mois, le PS voulait sa peau. Aujourd’hui, on va éviter la chasse aux sorcières. Le climat ne s’y prête pas. N’empêche que dans beaucoup d’entreprise d’où l’Etat pourrait se désengager, le gouvernement préfèrerait placer des amis.

Le monde des affaires regarde cette agitation avec beaucoup d’attention. Il s’est ému cette semaine quand on a appris que le groupe des magasins Printemps allait être racheté par des fonds du Qatar. C’est un investissement emblématique de plus, après les grands palaces parisien, le PSG et des chaines de télévisions. Les grand patrons français, de la BNP par exemple, ne sont pas contre l’arrivée de fonds étrangers dans l’économie française, au contraire, mais ils s’étonnent que le Qatar ait pu acheter le printemps pour 1,6 milliards d’euros alors que l’année dernière, la famille Moulin, qui possède le groupe des Galeries Lafayette que dirige Philippe Houret, s’était faite évincée en offrant pourtant 1, 8 milliards d’euros. Il y aurait donc deux poids, deux mesures.

Le patronat français s’étonne de ne pas être dans le secret de ces tractations, il regrette que le Medef soit aussi mal positionné du côté de Bercy. C’est sans doute pourquoi les grands patrons du CAC 40 poussent la candidature de Fréderic Saint-Geours à la présidence du Medef. A 63 ans, le collège des grands ne le considère pas comme un chef d’entreprise brillantissime mais comme un des managers du groupe PSA Peugeot-Citroën, qui est en perdition. La seule qualité qui justifie le soutien des grands patrons, c’est son origine de haut fonctionnaire (l’ENA) et son début de carrière dans les cabinets ministériels. Il a dirigé le cabinet d’Henri Emmanuelli. Pour les grands patrons, c’est un atout. Ils ont besoin de quelqu’un qui sache parler à l’oreille des socialistes. Frédéric Saint-Geours est marqué à gauche. Il ne s’en cache pas, il sait que c’est un avantage. Même si être à gauche est de moins en moins tendance du côté de Bastille. Pour les patrons parisiens, ça couterait toujours moins cher qu'une armée d’avocats et de lobbyistes.

Le problème de Saint-Geours, c’est que les patrons de PME-PMI de province n’ont pas besoin d’un président qui aurait les codes d’entrée à l’Elysée. Donc eux, les petits et les sans grade de l’industrie française, vont sans doute lui préférer un Pierre Gattaz qui a, en plus des codes d’entrée, un look d’autodidacte, ou alors un Geoffroi Roux de Bezieux porteur d’une plus grande modernité.

Cela dit, c’est quand même extraordinaire qu'au patronat on en arrive à souhaiter un président qui serait Hollandais-compatible. Faut-il que l’organisation de la gouvernance française soit devenue compliquée et ambiguë pour en arriver là. Un président de Medef devrait avoir autre chose à faire que de décrypter quotidiennement l’action un peu floue du président de la République.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !