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L'Europe a-t-elle les moyens de faire plier Google sur les données privées ?
©Reuters

David contre Goliath

La Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés) et cinq de ses homologues européens ont lancé mercredi une attaque concertée contre l'utilisation que fait Google des données de ses utilisateurs.

Benoist  Rousseau

Benoist Rousseau

Benoist Rousseau est informaticien et historien économiste diplômé de l'Université Paris Sorbonne.

Il partage sur Andlil.com sa vision iconoclaste sur l'économie et les marchés financiers. Ancien professeur d'histoire, il dirige une société de conseils en informatique tout en étant un blogueur actif et un trader en compte propre.

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Depuis novembre 2010, une enquête de la commission européenne est ouverte pour abus de position dominante, la commission reprochant notamment à Google de mettre en avant dans ses résultats ses propres moteurs de recherche verticale, c'est-à-dire que Google pourrait favoriser par un traitement préférentiel ses moteurs de recherche spécialisés dans les voyages, les restaurants, le shopping… Les autorités européennes s'inquiètent ainsi de la possibilité qu'a Google d'éliminer ou de minorer de ses résultats de recherche certains concurrent à ses propres moteurs verticaux. Rappelons qu'en Europe, Google représente jusqu'à 95 % des recherches faites par les internautes, alors que ce chiffre n'est que de 65 % aux États-Unis d'Amérique. Cette entreprise se trouve donc en position de monopole légèrement contrarié en Europe sur le secteur très stratégique de la collecte et recherche d'information sur Internet.

Plus récemment, la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (Cnil) en France a initié avec ses homologues au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Espagne et en Italie une nouvelle offensive contre Google qui n'a pas voulu modifier, malgré leurs injonctions, ses règles de confidentialité. En effet en octobre 2012, les 27 autorités européennes de protection des données avaient demandé à Google d'apporter des modifications à ces nouvelles règles de confidentialité sous quatre mois afin de se mettre en conformité avec la directive européenne informatique et libertés. "A l'issue de ce délai, Google n'a adopté aucune mesure concrète", remarque la CNIL. Rappelons que depuis mars 2012, Google a fusionné 60 politiques distinctes sur la vie privée à travers le monde en une seule procédure universelle pour l'ensemble de ces produits. Les organisations européennes se plaignent que cette nouvelle politique ne permet pas aux internautes de savoir quelles informations sont conservées, comment elles sont partagées avec d'autres services de Google ou même combien de temps ces informations sont stockées.

La question qui est sous-jacente est : comment Google utilise, collecte, analyse et monétise-t-il toutes les informations que nous pouvons lui livrer sur nous-même, parfois sans en avoir conscience ? Ces informations sont stratégiques, elles sont la véritable valeur marchande du moteur de recherches. Grâce à elles, Google peut ainsi "profiler" chaque internaute.

Par exemple, toutes les recherches faites par une personne peuvent être stockées, ses déplacements sur différents sites Web traqués via les publicités Google Adsence qui se trouvent sur la très grande majorité des sites Internet. L'utilisation des messageries Gmail, de Youtube, etc., renseigne aussi Google sur les centres d'intérêt de l'internaute. En regroupant toutes les informations que nous pouvons livrer petit à petit, le géant de la recherche est capable de savoir notre catégorie sociale, notre niveau de vie, nos passions et - encore plus intéressants - nos désirs. Il vous suffit d'envoyer un e-mail à un ami via Gmail par exemple en précisant que vous allez vendre votre voiture et certainement acheter une voiture neuve pour voir apparaître de la publicité pour de grandes marques de voitures, des crédits automobiles...

Du côté de Google, ce ciblage comportemental permet d'offrir le meilleur service possible à l'internaute, de proposer des publicités qui peuvent l'intéresser et donc de lui rendre son expérience sur le Web plus agréable. Bien entendu, cibler ainsi l'internaute consommateur permet de vendre plus cher la publicité aux annonceurs. On pourrait peut-être imaginer dans quelques années avoir la possibilité de demander son profil social à Facebook ou Google comme on peut maintenant consulter son dossier médical.

Face aux géants du Web, les pays européens n'ont pas un arsenal législatif à la hauteur des enjeux : la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés peut sanctionner l'entreprise jusqu'à 390.000 dollars, soit à peu près les revenus générés par Google en trois minutes. Autant dire que prendre le temps de répondre à la CNIL ou de changer cette politique de confidentialité exclusivement pour les Européens n'a aucun sens économique pour Google. Le Royaume-Uni peut émettre une amende allant jusqu'à 767.000 dollars mais il l'a rarement fait. Les pressions européennes qui peuvent paraître justifiées n'inquiéteront pas longtemps Google du fait de la faiblesse du montant des amendes pour cette entreprise.

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