Ce que prépare l'industrie automobile française pour s'en sortir<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Consommation
En mars, les immatriculations de voitures particulières ont baissé de 16,4 % par rapport à l'année précédente.
En mars, les immatriculations de voitures particulières ont baissé de 16,4 % par rapport à l'année précédente.
©Reuters

Plan d'attaque

Au mois de mars, les immatriculations de voitures particulières ont baissé de 16,4% par rapport à l'année précédente. Et depuis le début de l'année 2013, elles ont diminué de 14,7%.

Bernard Jullien et Christophe Benavent

Bernard Jullien et Christophe Benavent

Bernard Jullien est économiste.

Il est directeur général du réseau international Gerpisa (Groupe d’étude et de recherche permanent sur l’industrie et les salariés de l’Automobile).

Christophe Benavent est professeur à Paris Ouest. Il enseigne la stratégie et le marketing et dirige le Master Marketing opérationnel international l. Il assure aussi la responsabilité de la rubrique "Digital" de la revue Décision Marketing.

Voir la bio »

Atlantico : Le marché automobile français poursuit sa chute. Au mois de mars, les immatriculations de voitures particulières ont baissé de 16,4 % sur un an, soit une baisse de 14, 7 %  depuis le début de l'année. Ces chiffres catastrophiques sont-ils partis pour durer ou s'agit-il simplement d'une mauvaise passe ? L'industrie automobile française travaille-t-elle actuellement concrètement à son redressement ? Quelles pistes suit-elle ? 

Bernard Jullien : Les premiers mois de l'année dernière étaient relativement bons, ce qui fait que quand on compare aux trois premiers mois de 2012, on compare à des mois dynamiques, et la baisse est d'autant plus sensible, ce qui module un peu le constat que l'on fait.

Mais ceci étant, le problème commercial est ressenti dès la fin 2011, et cela commence à devenir très sérieux. On sent bien à travers les annonces qui sont faites, au niveau français comme au niveau européen, qu'il n'y a pas tellement de raisons d'espérer mieux dans les mois à venir. Ce qui est vrai de la France est vrai partout ailleurs en Europe, sauf au Royaume-Uni. L'Espagne continue de plonger, et l' Allemagne, dont le marché se portait plutôt bien, commence aussi à faiblir. Il y a une déprime du marché européen. Il va donc y avoir des réajustements des prévisions commerciales qui vont s'opérer à la baisse, et au plan industriel des ajustements de plans de charges pour les usines, qui vont poser un problème aux équipementiers et aux sites les plus fragiles.

Ces inquiétudes-là sont encore plus vives pour les acteurs qui sont très dépendants de l'Europe, comme PSA par exemple.

On perçoit qu'il n'y a pas grand chose de sérieux qui puisse être fait en dehors d'une hausse de la demande : incriminer les surcapacités est difficile, dans la mesure où rien n'indique que les niveaux de ventes soient des niveaux normaux, il n'y a donc surproduction que parce que la violence de la baisse de la demande est difficile à anticiper pour les industriels.

Travailler à ce redressement signifierait fermer des usines, mais il n'est pas certain que les usines que nous fermerions aujourd'hui nous n'en aurions pas besoin demain si la demande augmentait en 2014. 

Renault est sauvé grâce à  Dacia, sa filiale roumaine de voitures low cost, et a vu ses ventes augmenter de près de 30 % en mars, et sur le trimestre le groupe gagne quasiment 2 points de parts de marché. Quel rôle le low cost peut-il jouer dans cette reprise ?

Aujourd'hui, le fait d'être positionné sur ce type d'offre là permet de laisser ouvertes des fenêtres commerciales plus larges. Il y a des clients que cela permet de garder alors qu'ils se seraient tournés vers des automobiles d'occasion s'il n'y avait pas eu cette offre.

Cela ne résout pas le problème d'activité des sites français. On risque d'avoir beaucoup de casse, et/ou d'être mis devant la nécessité de mettre en place des plans plus lourds, plus importants que ceux proposés actuellement par le gouvernement. 

Il y a une contradiction début 2013 entre ce qu'indique le marché et un discours PSA que reprennent assez volontiers les pouvoirs public qui ne jure que par la montée en gamme. Le premium avait semblé survivre mieux en 2012 ce qui semblait encourager les constructeurs cherchant comme PSA à se positionner plus premium. On découvre en 2013 que cela ne préserve en rien les constructeurs. 

Le marché des hybrides semble décoller très lentement. Pourtant, on prédit que les véhicules hybrides et électriques devraient passer de 1,7 % de la production mondiale en 2011 à près de 5 % en 2016, et près de 6,3 % en 2020 selon les prévisions du consultant PWC. Ce secteur est-il vraiment porteur d'avenir ? Comment se situent les constructeurs français à cet égard ?

Le marché n'est pas solvable, les consommateurs étant pour la plupart d'entre eux déjà équipés de véhicules, ils ne se pressent pas pour renouveler leur automobile. 

Pour l'instant, les constructeurs français n'ont pas d'offre hybride qui soit une offre de masse : PSA a fait le choix, avec l'hybride diesel, de réserver l'hybride à des gammes très hautes : on ne trouve pratiquement pas de modèle à moins de 35 000 euros. Cela reste un marché confidentiel. Si cela ne ferme pas complètement la fenêtre, cela ne l'ouvre pas non plus. La position qui voudrait que l'hybride soit le renouveau de l'automobile n'est pas tenable, ce n'est pas une voie de renaissance. Il n'y a qu'un seul concurrent qui soit rompu avec l'hybride, c'est Toyota qui est en train de positionner des modèles hybrides aux alentours de 20 000 euros, mais cela reste encore haut en prix. On a un problème de la solvabilité de la demande des véhicules verts. Si on couple les tendances structurelles du marché avec des choix techniques très radicaux, qui rendent les voitures hybrides chères, il y a une vraie contradiction. 

L'Etat peut-il jouer un rôle dans cette relance  ? Si oui, lequel ? 

 Le seul rôle crédible que pourrait jouer le gouvernement serait au niveau des politiques économiques européennes. Pour l'instant, nous sommes toujours en attente de cette Europe de la croissance que promettait François Hollande. On a des règles budgétaires qui s'appliquent avec toute leur violence sur le marché automobile, nous sommes clairement dans une impasse macro-économique qui est le principal problème de l'automobile, bien avant celui du produit, des délocalisation etc.

Sinon, il n'y a pas grand chose qui puisse être fait : nous n'avons plus les moyens de réaliser une prime à la casse. Ces mesures, en raison des coûts qu' elles engageraient, ne sont pas envisageables.

Selon Les Echos, les professionnels de l'automobile ont proposé de débloquer l'épargne salariale pour inciter à l'achat de véhicules peu polluants. Est-ce une bonne idée ?  Cette épargne peut-elle être efficace pour relancer durablement l'industrie automobile  ? 

Cette mesure ne peut avoir qu'une efficacité limitée. Les règles de déblocage de l'épargne salariale n'ont jamais été très strictement appliquées. Je doute de l'impact réel sur le marché.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !