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TF1 : jeux de mort, jeux de cirque…
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Toujours plus bas !

Les drames survenus pendant le tournage de Koh-Lanta font du bruit. Mais pourquoi ce silence sur les téléspectateurs ?

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

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Il y a de cela quelques années des braves gens furent conviés pour participer au jury de ce qu’ils croyaient être le pilote d’une émission télévisée. Le nom était éloquent : le jeu de la mort. Le principe était assez simple. Et à vomir.

Installé dans une cage en verre, un candidat (en réalité un comédien) devait répondre « vrai » ou « faux » à une association d’idées qu’on lui proposait. Les membres du jury – une centaine de personnes- devaient, à chaque mauvaise réponse, appuyer sur une manette qui (leur avait-on dit) envoyait une décharge électrique dans le corps du candidat. Ce dernier (un comédien, rappelons-le) gémissait, pleurait, criait. Plus vrai que nature. Et les braves gens sélectionnés ? Eh bien, ils continuaient à appuyer, et appuyer encore sur les manettes, indifférents à la souffrance montrée par celui qui se tordait de douleur sous leurs yeux…

Cette émission fut diffusée. Et les commentateurs furent nombreux à considérer qu’elle illustrait le pouvoir néfaste de la télévision. Mais elle montrait aussi – de cela on parla peu – la bassesse de ces téléspectateurs devenus voyeurs et bourreaux, leurs mains sur les manettes. Entre la télévision et ceux qui la regardent il y a fréquemment le même rapport entre les dealers et les drogués : les uns ont besoin des autres.

L’affaire de Koh-Lanta n’est pas sans rapport avec ce qui précède. TF1 a été accusé par certains médias d’avoir, pour les besoins d’un tournage, laissé mourir un concurrent. Les médias ont été accusés par TF1 d’avoir provoqué le suicide du médecin de l’émission. Reste qu’à la barre du tribunal on a oublié de convoquer des millions de témoins : les téléspectateurs, vautrés dans leurs fauteuils et canapés qui assistent, repus et satisfaits au spectacle souvent abject des émissions dites de téléréalité. Pourquoi, oui pourquoi personne ne s’interroge sur l’invalidité de l’âme et du cœur de ces voyeurs ?

Nous vivons dans un système économique de l’offre et la demande. L’offre est souvent glauque. Mais la demande l’est également. Il y a des dizaines et des dizaines de chaînes de télé. Nul n’est contraint de regarder Koh-Lanta. Il y a sur le Net des centaines de sites pédophiles, racistes, antisémites et complotistes. Nul n’est obligé de les consulter. Il y a dans les kiosques à journaux nombre de revues pornographiques. Nul n’est forcé de les acheter.

Les désirs et les envies du plus grand nombre ne sont pas toujours, et loin de là, les meilleurs. Et si l’affaire de Koh-Lanta interroge à juste titre sur les dérives de la télévision, elle pose également la question, tout aussi grave, de l’abaissement moral et éthique des foules qui lui sont complaisamment asservies.

Au temps de la Rome antique les empereurs offraient à la plèbe réjouie des jeux du cirque. Dans l’arène, des gladiateurs s’entre-tuaient, des lions dévoraient des esclaves. Les empereurs (comme TF1) étaient certainement coupables d’organiser ce genre de spectacle. La plèbe (comme les téléspectateurs) qui y trouvait d’infinies jouissances l’était-elle moins ?

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