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Allocations familiales : pourquoi il est faux de dire que la branche famille est responsable de 2 milliards d'euros de déficit
©Flickr / Images_of_Money

Injustice sociale

"Les Echos" ont révélé ce mardi matin certains éléments du rapport Fragonard qui conseille une diminution des allocations familiales pour les foyers les plus aisés afin de ramener à l'équilibre la branche famille. Sauf que celle-ci est structurellement excédentaire.

Henri Sterdyniak

Henri Sterdyniak

Henri Sterdyniak est économiste à l'OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques), spécialiste de questions de politique budgétaire, sociales et des systèmes de retraite.

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Atlantico : "Les Echos" ont révélé ce mardi que le rapport Fragonard proposerait de réduire les allocations familiales pour les foyers les plus aisés afin de ramener la branche famille à l’équilibre. Ces deux milliards d’économie que le gouvernement veut faire sont-ils vraiment dus à un déficit de cette branche ?

Henri Sterdyniak : Il est bien évident qu’il n’y a pas eu d’explosion du nombre d’enfants, ni chez les familles aisées ni chez les autres, qui aurait engendré un déficit de deux milliards d'euros. Les allocations familiales n’ont pas augmenté en pouvoir d’achat depuis 1984 ; elles ont donc baissé par rapport aux salaires qui sont la base des cotisations. La branche famille devrait donc être naturellement excédentaire. Cependant, cette branche s’est fait "chiper" 9 milliards d'euros qui ont servi à financer les majorations de retraites, pour les personnes ayant élevé plus de trois enfants - autrefois payées par les retraites. On lui a notamment pris 4,5 milliards pour financer l’assurance vieillesse des parents au foyer. Prestations dont personne ne bénéficie puisque les concernés ne sont pas encore à la retraite. A cela, s’ajoute les cinq points d'emploi manquant par rapport à 2007, soit 2,5 milliards de cotisation d’assurance famille qui s'ajoute à ce déficit en situation conjoncturelle déprimée. Nous n'avons donc pas été trop généreux avec les enfants, c’est plutôt même l’inverse.

Si la branche famille n’est pas structurellement déficitaire, est-ce aux familles de payer qu’elles soient aisées ou pas ? Et sinon qui doit le faire ?

La mauvaise conjoncture que traverse notre pays nous contraint à accepter les déficits ainsi que l'idée qu’ils doivent être comblés par le retour à la croissance plutôt que par une pression sur les allocations familiales qui risque de faire chuter la consommation et de nous faire entrer dans une spirale dépressive. Je ne crois pas qu’il soit positif pour le pays d'établir une logique d’opposition entre la famille et les retraites. Cela n’empêche pas pour autant de constater que la branche famille n’est pas structurellement déficitaire et que les familles avec enfants ont un niveau de vie toujours plus faible que celui des familles sans enfants.

Il faut donc arrêter de faire payer ces familles car leur prendre à elle c’est prendre aux gens ayant un niveau de vie plus faible que la moyenne de la population. Il n'est pas forcément une bonne chose qu’un couple de 35 ans et ses trois enfants aient un niveau de vie inférieur à celui d'un couple de 55 ans qui n’en a plus à charge. La France a besoin de femmes qui travaillent et qui ont des enfants en même temps. Ces femmes appartiennent à ce que l’on appelle des couples biactifs pour qui avoir des enfants est une importante contrainte sur le plan technique, financier et autres. Il faut donc les aider plutôt que de les handicaper. Avoir des enfants est l’une des seules réussites du modèle français, pas question donc de remettre cela en cause.

De quoi témoigne cette logique ?

S'en prendre aux familles est une faute morale, d’autant plus que les enfants ne votent pas. Une famille avec trois enfants ne représente pas cinq voix, ce qui pourtant changerait les choses. Il s’agit donc d’une sorte de lâcheté électorale, un manque de courage. De plus, tout le monde sait que les familles des classes moyennes se sont accoutumées du fait d’avoir des aides très faibles, qu’elles se sont résignées et qu’elles n’iront pas manifester contre ce genre de mesures. Ce n’est pas juste socialement. Il y a une sorte de sacrifice de la jeunesse alors que nous avons besoin d’enfants à tous les niveaux de la société et pas seulement dans les classes les moins aisées, ce qu’encouragerait une telle mesure. 

Propos recueillis par Jean-Baptiste Bonaventure

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